Discrimination au féminin : l'art source de soins

Parfois victimes d'une double discrimination à savoir être femmes et handicapées, certaines patientes trouvent dans l'art-thérapie le médiateur entre ce qu'elles sont et le monde extérieur.

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Psychologue clinicienne, psychanalyste, professeur de psychologie et Directrice de formation à Asphodèle (les ateliers du pré), j'ai eu l'occasion, par mon travail et mon réseau amical, de rencontrer fréquemment des personnes souffrant de handicap, physique ou psychique, et parmi elles des femmes. Beaucoup d'entre elles ont forcé mon admiration, par leur courage, leur force de caractère, et pourtant leur ouverture d'esprit, leur gaité, le soutien qu'elles prodiguaient autour d'elles.

 

Je pense par exemple à mon amie Cathy qui, atteinte depuis l'enfance d'une maladie musculaire invalidante lui interdisant tout déplacement non assisté, vit pourtant seule avec des aides ponctuelles, et se dépense sans compter pour maintenir le moral de ses proches et organiser pour d'autres les voyages adaptés qui l'ont aidée, elle, à tenir le coup, ou à mon amie Agnès, qui a aussi un handicap physique lourd mais qui, après avoir milité pour l'accessibilité, a utilisé son énergie pour créer une association d'information et d'entraide pour la prise en compte du handicap, ou à Emilie, touchée par un handicap psychique important, qui a soutenu ses parents et s'est battue pour acquérir la lecture puis l'autonomie.

 

Pourtant, ces femmes porteuses de handicap ne suscitent pas toujours cette réaction, victimes souvent d'une discrimination supplémentaire, du fait d'être femme. Dans le domaine du handicap psychique par exemple (lui-même parfois relégué à l'arrière plan, la plupart des associations et actions concernent d'abord le handicap physique plus visible et identifiable) nous constatons que :

 

- isolées des isolées, comme dans le monde hors handicap, les femmes sont moins que leurs congénères masculins sur le devant de la scène, moins censées aussi être autonomes (donc leur handicap inquiète moins), avec un mode d'expression de leur pathologie moins expansif (là où le garçon réagira par de la violence, des comportements voyants, la fille développera des névroses et douleurs internes... elle souffre davantage mais en silence, à bas bruit) ; déjà en 1989 Colette CHILAND (L'enfant, la famille et l'école, au PUF) avait étudié ces différences remarquant que, même si cela avait déjà un peu changé depuis quelques décennies, à difficultés égales et quels que soient la culture, le pays d'origine, l'âge du sujet, on se préoccupait plus des pathologies des garçons, consultant et mettant davantage en place des soutiens et rééducation pour eux ;

 

- victimes parmi les victimes (en temps de guerre comme en temps de paix) et spécialement fragiles physiquement et moralement, les femmes sont particulièrement facilement manipulées et privées de leur autonomie résiduelle, protégées certes mais aussi souvent bafouées dans leur dignité, dans leur réalisation personnelle... On en a une preuve supplémentaire quand, pour s'en sortir, elles osent leurs possibilités créatives. Voire par exemple les histoires de Camille Claudel ou comment celle de la grande romancière de Nouvelle Zélande, Janet Frame (contée par elle-même ou par Jane Campion dans le film UN ANGE A MA TABLE), a failli se terminer par une lobotomie... Car l'art, même brut, ce sont souvent des hommes... (à moins d'avoir une personnalité telle que la comptesse des faubourgs ou Aloise, et encore, ce sont aussi des hommes, leurs psychiatres, qui ont laissé leurs noms à la postérité...).

 

Alors, comment favoriser, permettre, ce réveil, cette créativité, ce lien consenti et vivifié entre l'intérieur et l'extérieur de soi, cette transmission, au delà de l'œuvre elle-même, du vivant, qui si elle n'est ni anticipée ni volée, à défaut d'être rédemptrice, peut être, pour ces femmes,  un moteur de réindividuation puissant, donc de reconnaissance, de possibilité d'être soi et d'entrer en relation, en toute humanité et, tout simplement. C'est ce à quoi nous nous employons auprès d'elles et des personnes que nous formons à l'animation des ateliers à médiations (art-thérapie).  

 

Image de droite : Aloïse, Couple aux trois médaillons, entre 1948 et 1950, gouache et crayons de couleur ;

Image de gauche : Camille Claudel : Psaume, 1889.

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