Emploi : le handicap, atout ou contrainte ?

Le handicap est-il un atout ou un frein lors de la candidature ? Comment valoriser son profil, parer aux inquiétudes du recruteur ? Le handicap comme argument d'embauche, pourquoi pas !

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Comment parler de son handicap pour mieux valoriser son profil ? Le handicap est-il un atout ou un frein dans le marketing lors de la candidature ? Est-il un bon argument face à l'employeur ?

Mention RQTH dans le CV ?


Et, en premier lieu, faut-il toujours mentionner son statut de RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) dans son CV ? Entre les deux mon cœur balance, mais il est indéniable que les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Soumises à l'obligation d'embauche de 6% de travailleurs handicapés, les entreprises sont évidemment friandes de ces candidats qui, de leur aveu, se font souvent trop rares. A l'inverse, le handicap peut être un frein rédhibitoire. Stéphane Gatineau, ancien étudiant RH du Celsa et aujourd'hui analyste au sein de la DRH Axa, a fait le choix de ne rien cacher. Il est vrai que son handicap est loin d'être invisible ; il se déplace en fauteuil roulant électrique. Alors inutile de mégoter : « Lorsque j'ai postulé, j'ai affiché mon statut de RQTH car j'avais envie d'intégrer une entreprise qui était en mesure de m'accueillir dans les meilleures conditions, et ce malgré un handicap lourd. Mais c'était un « détail » parmi d'autres car mon CV valorise aussi un diplôme, un parcours et une expérience professionnelle. Je juge que j'ai toujours produit un travail égal à celui de mes collègues. » N'allons pas jusqu'à prétendre que le handicap est un « avantage » car il impose souvent à l'employeur des contraintes logistiques, matérielles et médicales, notamment en termes d'accessibilité et d'aides humaines, dont il se serait bien passé.

Réseau sociaux : un CV en toute transparence.


A la faveur du développement des réseaux sociaux et professionnels, le bon vieux CV de notre jeunesse semble relégué au rand de vestige préhistorique. Le papier est mort, vive le clavier ! Handicapé ou pas, il faut vivre avec son époque et ne négliger aucune des opportunités offertes par la Toile. Nicolas Vieuxloup, directeur des opérations chez Viadéo, répond à son tour à cette question : « Faut-il faire état de son handicap sur ces réseaux ? ». Sa réponse est sans équivoque ! « Le principe du réseau social, c'est la transparence, montrer qui on est et mettre en exergue son profil, son parcours et tout ce qui fait sa richesse. A l'inverse du CV qui est une vision assez plate d'un individu, les réseaux, c'est de la 3D. Ils permettent de révéler les à-côtés, les personnalités et centres d'intérêt qui distinguent chacun de la masse. Ce n'est pas une qualité d'être travailleur handicapé mais ce n'est pas non plus un défaut.» Evidemment, il n'existe pas de dispositif spécifique dédié aux internautes handicapés, ni de case à cocher... « Et après tout, pourquoi pas, réfléchit Nicolas. Il faudrait peut-être y songer. »

Les freins à la vérité


Mais que penser de cette armada silencieuse de handicaps invisibles ? Une fois encore, dire ou ne pas dire ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Patrick Scharnitzky, consultant et docteur en psychologie sociale, vient d'achever l'analyse de 900 CV. Aucun ne mentionnait le statut de RQTH. Pourquoi une telle dissimulation ? En premier lieu, l'autocensure. Toute personne appartenant à une minorité stigmatisée doute de sa propre compétence, perception alimentée par les medias et le discours public. Pour certaines minorités, c'est le rejet, pour les personnes handicapées, c'est plutôt l'indifférence. Lorsqu'on ne se perçoit pas dans les images produites publiquement, on se dit qu'on n'a probablement rien à faire dans cette sphère. Il y a ensuite la représentation que l'on se fait de l'entreprise : est-elle réellement handi-accueillante ? Enfin, c'est l'image de soi qui fait défaut : « Est-ce que je me sens à l'aise pour évoquer mon handicap ? » Si oui, c'est un atout ; si non, cela devient un tabou problématique. Propos confirmé par Stéphane : « C'est important d'être à l'aise avec son image pour pouvoir dédramatiser la situation face à l'employeur.» Il n'y a donc évidemment pas de réponse universelle. Le métier de recruteur est un métier à risque, tout comme celui de candidat handicapé !

Selon Patrick Scharnitzky, « Même si tous les managers ne pensent évidemment pas la même chose, le regard porté sur le handicap est en général plutôt négatif. La personne handicapée est plutôt perçue comme combative et sympathique mais néanmoins considérée comme « inadaptée ». « Il est sympa, il en veut mais je ne peux pas l'employer ! » Une étude, portant sur 400 managers, révèle le stéréotype suivant : un handicap, c'est forcément lourd, de naissance, avec un fauteuil roulant. »

Handicap mental : l'ennemi numéro 1


Constat plus alarmant encore avec le handicap mental, ou la maladie psychique - confusion entre les deux oblige, on ne sait pas trop- ! La dépression arrive en tête des menaces potentielles : « Je n'y connais rien, je ne saurai pas contrôler, c'est peut-être contagieux... » On touche ici à l'irrationnel qui ouvre la porte à tous les fantasmes. « Depuis la révolution française, explique Lucie Caubel, ancienne étudiante au Celsa et fondatrice de LC Conseil, nous sommes dans une « Culture de la raison ». Tout ce qui en sort fait peur. Certains handicaps suscitent plus facilement la compassion, la pitié ou l'admiration, mais le handicap psychique, lui, engendre la répulsion. » Il est pourtant de plus en plus présent, à la faveur de ces tragiques faits divers qui secouent depuis quelques années le milieu professionnel ordinaire. Il faut savoir qu'une demande de reconnaissance en RQTH sur trois concerne des troubles psychiques ou mentaux. Contrairement à d'autres pays comme les Etats-Unis, le Canada ou la Grande-Bretagne, la France n'en est qu'au début de la prise en compte de ce type de déficiences. La reconnaissance du handicap psychique est en effet récente, puisqu'il a été introduit par la loi de février 2005. Encore un peu frais ? Si frais que 700 000 personnes en France ont une maladie psychique, tandis qu'on considère qu'une personne sur 100 souffre de schizophrénie.

L'effet « Intouchables » !


Rokhaya Diallo, journaliste, a fondé « Les indivisibles », une association chargée de déconstruire les préjugés ethno-racistes, comme dans une France indivisible. Une « entreprise de démolition » qui concerne également les personnes handicapées, victimes, elles aussi, de préjugés. Indivisibles, intouchables... « Notre pays couvre de succès un film qui réunit un « noir » et un « handicapé », une première dans le cinéma ». Faut-il se prendre à rêver d'une lente érosion des idées reçues ? « Les producteurs disaient que mettre en scène des personnages atypiques ça ne marcherait pas. La preuve que oui ! C'est aussi le cas du feuilleton « Plus belle la vie » qui accorde toute sa place à la diversité sociale ou, plus récemment, de la minisérie « Vestiaires » qui met en scène des handi-nageurs caustiques et sans concession. C'est une phase très propice pour changer le regard porté sur les personnes très peu visibles dans les espaces médiatiques. Les gens sont prêts ! » Les entreprises aussi ?

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