Sport martial et handicap : faites l'art, pas la guerre !

La 3ème édition du " Carrefour des arts martiaux autour du handicap " se déroulera le 11 mars 2012, à Paris. L'occasion de découvrir les vertus du wushu, ces pratiques chinoises ancestrales avec Elisabeth Nguyen*. Et de faire tomber les apriori..

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* Présidente de la Commission nationale handicap de la Fédération française de wushu (FFWUSHU).

Handicap.fr
: Karaté ou judo, on connaît, mais le wushu, c'est nouveau ?

Elisabeth Nguyen
: Notre fédé existe depuis 1990. Elle a pris le nom de FFWUSHU en 2006. Il est vrai que jusque là, ce sont surtout le karaté, le judo ou le yoga qui avaient la préférence dans notre pays, surtout réservés à une « élite citadine ».

H
:« Mars » est le dieu de la guerre. Un art « martial », c'est donc forcément violent ?
EN:
Absolument pas ! La finalité des arts énergétiques et martiaux chinois n'est pas de venir à bout d'un adversaire au moyen de techniques redoutables, mais d'apprendre, au sens le plus large du terme, à se connaître et à se comprendre. En Chine, l'appellation « wushu » regroupe l'ensemble des arts énergétiques et martiaux chinois. Son but est de favoriser l'épanouissement du pratiquant. Il se divise en trois branches. La branche externe, un style chinois de combat, comprend le kung fu. La branche interne est une technique plus lente, comme le taïchi chuan. Enfin, la branche énergétique est issue des médecines chinoises traditionnelles ; c'est notamment le cas du gi gong.

H
:Vous parler de « médecine ». C'est un sport, pas une thérapie !

EN
: Détrompez-vous ! Le wushu est très pratiqué dans les hôpitaux chinois. Et à Paris aussi puisque certains préconisent le gi gong dans la prise en charge des patients obèses. En travaillant sur le souffle, le corps est alors animé d'une énergie nouvelle qui permet de reprendre confiance en soi et d'adopter des attitudes plus combatives.

H:
Il n'y a donc pas de limite d'âge pour pratiquer les arts martiaux chinois ?

EN
:On peut commencer le kung fu dès 5 ou 6 ans... et jusqu'à 90 ans et plus, en passant au taïchi en prenant de l'âge.

H
: En quoi ces pratiques peuvent être bénéfiques pour les personnes handicapées ?

EN
: Elles le sont pour tous... Elles consistent à développer une compréhension des manques et des points de tension et de blocage qui entravent la libre expression du pratiquant. Ce sont des disciplines qui encouragent et favorisent le contrôle du mental et l'ouverture de l'esprit à travers la maîtrise du corps. Les salles de gym, c'est le culte de l'image ! Pas de place pour la « différence » ! Mais ce n'est pas du tout notre philosophie !

H
:Mais, techniquement, comment une personne en fauteuil roulant peut-elle mouvoir pleinement son corps ?

EN
:Le principe du gi gong, par exemple, c'est d'oublier les limitations du corps pour se concentrer sur des mouvements plus internes. Dans certaines postures, une personne paraplégique travaille son buste tout en mettant sa pensée dans ses membres inférieurs. Selon le principe des méridiens d'acupuncture, cela peut apporter un bénéfice réel, notamment en termes de circulation sanguine. Dans le gi gong, il y a beaucoup de postures assises ; une personne en fauteuil trouvera donc facilement sa place dans le groupe, d'autant que tous les mouvements peuvent être adaptés, en respectant à la fois son confort et sa sécurité.

H
: Avez-vous un exemple qui vous a surpris ?

EN
:Oui, une personne hémiplégique qui n'avait aucune sensation d'un côté depuis huit ans et qui, après avoir pratiqué le gi gong, se réveillait la nuit car elle ressentait le flux du sang dans ses veines. Sa jambe a repris en partie vie et elle a fini par pouvoir se ré-appuyer sur celle ci.

H
: Existe-t-il une commission wushu au sein de la Fédération handisport ?

EN
: Non. Nous espérons pouvoir créer un diplôme handisport spécifique d'ici deux ou trois ans mais, pour le moment, aucun protocole n'est engagé dans ce sens. Je tiens tout de même à préciser que notre fédération incite nos professeurs à se former auprès de la Fédération handisport pour la partie généraliste du CQH, qui donne de bonnes bases pour la compréhension des situations de handicap.

H
: Et pour les pratiquants ayant un handicap mental ?

EN: Avec leur fédération sportive, c'est mieux engagé. La FF Sport adapté est très intéressée par notre offre. Avec le soutien de sa délégation de l'Essonne, nous organisons d'ailleurs la première formation à destination des professeurs de notre fédération sur la thématique du handicap mental (5 avril 2012 de 9 h à 18 h à la salle polyvalente d'Epinay sous-Sénart). Elle est gratuite !

H
: La pratique du wushu est-elle répandue au sein des établissements médico-sociaux ?

EN
: Nous constatons que de plus en plus d'éducateurs spécialisés ouvrent des cours, dans les trois branches, au sein de leurs établissements.

H
: Où trouver, en France, un club qui accepte d'initier les pratiquants handicapés ?

EN
: En dépit de leur crainte initiale, nos professeurs sont très en demande d'informations pour pouvoir les accueillir au mieux. C'est pourquoi notre fédération a créé une « commission handicap », dont je m'occupe depuis 2009. Je suis en train de constituer un fichier de professionnels formés au handicap. Mes actions de communication portent leurs fruits, et les initiatives commencent à sortir du terrier. Nous avons, par exemple, en Bourgogne, un professeur qui donne des cours en langage des signes.

H
:Mais, en attendant, quelle solution pour tous ceux qui sont tentés par la zen attitude ?

EN
: Ils ne doivent pas hésiter à pousser la porte de leur club et à en parler au professeur. Si l'on doit attendre que tous soient formés, dans vingt ans, on en sera au même point ! On compte environ 1 000 professeurs en France ; ils sont recensés sur notre site.

H
: Vous aurez peut-être l'occasion d'être entendue le 11 mars prochain ?

EN
: Oui, c'est la troisième édition de ce Carrefour des arts martiaux autour du handicap qui propose des ateliers de découverte, de nombreuses démonstrations et une conférence. Son thème : « Partageons ensemble les différences ». C'est ouvert à tous, même aux valides. Nous les invitons d'ailleurs à se mettre en situation de handicap à travers plusieurs expériences (bouchons dans les oreilles, yeux bandés, en fauteuil roulant) où ils sont initiés par des pratiquants handicapés. Ils se rendent alors compte que la restriction de leurs capacités physiques les mène vers quelque chose de plus subtil dans leur pratique. Les plus récalcitrants à venir sont les derniers à vouloir repartir !

Carrefour des arts martiaux autour du handicap

11 mars 2012, de 9h à 18h
Gymnase Louis Lumière, 30 rue Louis Lumière - Salle C - 75020 Paris
Tél. : 06 29 84 20 16
www.ffwushu.fr

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