Une recherche appliquée sur le handicap, enfin !

Parce que le soutien aux personnes handicapées fait partie de l'un de ses engagements, Axel Kahn a accepté de prendre la présidence de la FIRAH*. Une fondation récente qui entend forger un monde débarrassé de ses entraves.

• Par

* FIRAH : Fondation internationale pour la recherche sur le handicap

Handicap.fr
: Dans quelles circonstances avez-vous accepté de vous lancer dans l'aventure de cette fondation?

Axel Kahn
: Nous sommes en 2006. A l'époque, je dirigeais l'institut Cochin. Trois présidents d'associations de personnes handicapées (APF, FEGAPEI et APAJH) frappent à ma porte avec l'intention de m'emmener dans un ambitieux projet : créer une fondation internationale de recherche sur le handicap ayant, pour finalité, le développement d'applications pour améliorer la vie des personnes handicapées. Ils avaient manifestement raison. Et parce que j'étais sensible cette question, j'ai considéré que je ne pouvais pas refuser ! La FIRAH a vu le jour quelques mois plus tard.

H:
Pourquoi vous sentez-vous particulièrement engagé dans le domaine du handicap ?
AK:
Tout d'abord parce que je suis généticien, et qu'une partie importante de mes recherches a porté sur la découverte des gènes responsables des handicaps génétiques, sur la mise au point du diagnostic prénatal, sur les thérapies géniques. Par ailleurs, j'ai été pendant douze ans membre du Comité consultatif national d'éthique et ai donc supervisé des avis relatifs au handicap, notamment sur la sexualité des personnes handicapées. C'est donc l'un des buts de mon combat d'Homme que d'essayer de refonder les bases d'un humanisme laïc. Parmi ceux qui ont le plus besoin d'être défendus, il y a nos concitoyens en situation de handicap.

H
: Quelles sont les missions de la FIRAH ?

AK
: Elles tiennent en quatre mots : recherche, évaluation, solidarité et générosité.

H
: En premier lieu, la « recherche appliquée sur le handicap », ça veut dire quoi ?

AK
: Elle a pour objectif de résoudre des problèmes pratiques, par opposition à la recherche fondamentale, davantage axée sur la connaissance des causes et des mécanismes des maladies et malformations associées à un handicap. Des recherches sont menées à travers le monde sur ces aspects des maladies et leur traitement mais rien d'équivalent n'existait jusqu'à maintenant dans le domaine de l'aide réelle aux personnes en situation de handicap, en tout cas en France. Certes, les actions du secteur médico-social sont nombreuses mais ne peuvent s'apparenter à de la recherche dont le but est d'imaginer, de mettre au point et de tester de nouvelles procédures d'aide. C'est la raison pour laquelle il nous est apparu indispensable de lancer des appels à projet dans ce domaine. Accessibilité, participation à la vie de la cité, comment faire pour que les situations de handicap s'atténuent autant que faire ce peut... C'est çà la recherche appliquée !

H
: Qu'entendez-vous ensuite par « évaluation » ?
AK
: Evaluer, c'est s'assurer des meilleures perspectives de réalisation et de l'intérêt d'un projet afin de garantir un usage optimal des fonds alloués. Notre centre ressources, qui voit le jour cette année, sera essentiel à la procédure d'évaluation. Il permettra non seulement à tous les chercheurs de susciter leur imagination mais aussi de comparer leur projet à ce qui a été tenté et réalisé dans ce vaste monde.

H
: Et la « solidarité », comment la définissez-vous ?

AK
: Il existe un terme d'une richesse incroyable, « accompagner ». Cela signifie « manger le pain avec ». C'est un concept opposé à celui de la tutelle, il exclut la domination. Nous voulons que cette recherche appliquée nous aide à créer les conditions pour que les personnes handicapées soient « accompagnées ».

H
:
Avez-vous un exemple de cet accompagnement ?
AK
: Oui, le projet des « pairsémulateurs » du nom de « Rien pour nous sans nous », financé en 2011, dans lequel des personnes handicapées autonomes guident, grâce à une formation et un statut dédié, leurs pairs moins autonomes. Il illustre l'émergence d'une fonction sociale, d'ailleurs non exclusive, de la personne handicapée, et par là-même le travail concret de la FIRAH.

H
: Enfin la « générosité », de quelle manière peut-elle se manifester ?
AK
: C'est une valeur qu'il ne faut pas passer par pertes et profits. Nous sommes des êtres sociables, solidaires et généreux. D'ailleurs, tous ceux qui participent à la vie de la FIRAH, qu'ils fassent partie du conseil d'administration ou du comité d'éthique, sont bénévoles. Et je ne doute pas qu'ils vont s'épanouir dans la manifestation de cette générosité. Quant à nos six entreprises partenaires, elles ne nous contraignent pas à un retour sur investissement.

H
: Le milieu associatif est-il impliqué dans les actions de cette fondation ?
AK
: Evidemment, en priorité. Cette avancée ne peut se faire sans une collaboration active entre la recherche et le milieu associatif. Qui mieux que les personnes handicapées savent de quoi elles ont besoin ? C'est le seul cheminement possible pour transformer les questions en solutions. Les personnes handicapées ont besoin de prendre en main leur propre vie, quoiqu'il ne soit pas question, bien entendu, de les cantonner dans un domaine lié à leur handicap.

H
: C'est la première fois qu'un tel dispositif est mis en place en France. La situation est-elle meilleure ailleurs ?

AK
: La France a en effet accumulé un certain retard par rapport aux pays anglo-saxons et scandinaves dans lesquels émergent, depuis plusieurs années, une discipline nouvelle, véritable courant académique : les « disability studies ». Notre centre ressources permettra de comparer les approches venant de différents pays. Certains pays européens ont déjà franchi des obstacles qui, en France, paraissent encore insurmontables, comme la scolarité pour tous, la systématisation des logements accessibles à tous. Sans vouloir copier ce qui est fait ailleurs, il est important d'identifier ces obstacles.

H
: Comment expliquer que les choses n'aillent pas si vite en France ?

AK
: Il y a une habitude, bien française, de penser qu'il suffit de voter des lois pour les faire entrer dans la réalité. Par exemple celle sur le travail des personnes handicapées qui existe depuis 1987 (!) et dont on ne prend toute la mesure qu'aujourd'hui, ou encore le principe de scolarisation des élèves handicapés qui peine à se généraliser. Si tous les règlements étaient appliqués, il n'y aurait plus de problèmes ! Nous devons tous faire en sorte que nos lois deviennent vivantes.

H
: Comment un porteur de projet peut-il postuler ?
AK
: Il trouvera toutes les informations sur le site de la FIRAH. C'est l'un des medias les plus simples. Mais nos actions sont également relayées dans toutes les universités et organismes de recherche français. Les lettres d'intention des porteurs de projet doivent nous parvenir avant le 23 mars 2012.

H
: Une association peut, elle aussi, participer ?
AK
: Oui, n'importe quelle association peut déposer un dossier, à condition que ce soit un projet de recherche ! Par exemple, comment mettre en œuvre les bonnes idées du tissu associatif, ça c'est un vrai sujet !

H
: C'est une nouvelle étape qui s'ouvre, cet élan ne risque-t-il pas d'être freiné par la situation économique morose ?
AK
: Cette fondation est débutante et encore balbutiante mais pleine d'avenir. Le champ de la recherche appliquée sur le handicap est immense et nous faisons bien peu par rapport à ce qui devrait être fait. Alors oui, les temps sont durs. Un mauvais vent souffle sur les personnes handicapées qui en sont doublement victimes car la vie est déjà bien difficile pour elles. Mais nous sommes au travail car il y a urgence à venir en aide à nos frères et sœurs handicapés. Cette fondation va créer un enthousiasme et une mobilisation qui ne seront pas perturbés par la crise !

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