Travailleurs handicapés : des raisons de se réjouir ?

Le travail des personnes handicapées, accélérateur ou frein à l'amélioration de leur qualité de vie ? Une des tables rondes du colloque 2012 de la Fondation Jacques Chirac a réuni des spécialistes qui proposent des pistes pour mieux les accompagn

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Pourquoi travailler lorsqu'on est handicapé ? « Cette question est curieuse, s'exclame Jean-Marie Barbier, président de l'APF. Le travail relève du droit commun et c'est un enjeu majeur de la participation sociale. Lorsque vous rencontrez quelqu'un, la première chose que vous lui demandez, c'est « Qu'est ce que vous faites dans la vie ? ». Chacun de nous est apriori reconnu par son activité. Et l'APF sait de quoi elle parle puisqu'elle a ouvert son premier établissement pour travailleurs handicapés en 1943. Le travail est un puissant facteur d'inclusion. » Nous vivons en effet dans une société où cohabitent droits et devoirs. Elle a décidé qu'ils seraient les mêmes pour tous, y compris dans le domaine du travail. C'est le préambule de la Constitution de 1946. C'est l'essence de nos vies, que l'on soit handicapé ou non...

Malade ou salarié ?


Le travail, et ses bénéfices collatéraux, apparaissent donc comme une préoccupation majeure. A ce titre, près de la moitié des demandes adressées aux MDPH (Maisons départementales des PH) concerne l'emploi et les ressources : 17 % l'AAH (allocation adulte handicapé), 16 % la RQTH (reconnaissance de qualité de travailleur handicapé) et 11 % l'orientation professionnelle et la formation. 350 000 demandes de RQTH en 2010 ! Cette ruée a poussé la plupart des MDPH à nommer un « référent d'insertion professionnelle ». L'équation est élémentaire : bonne qualité de travail = baisse de la consommation de soins. Dans ces circonstances, comment évoluer du statut de « malade » à celui de salarié (que ce soit en milieu ordinaire ou protégé) ? La portée symbolique est importante : passer de la ressource par le domaine de la santé, financé par le social, à celui de revenu propre par le travail.

Démarche précoce


Tous s'accordent à insister sur l'importance de la précocité des interventions et le retour à l'emploi ou à la formation au plus vite, par exemple après un accident. Le docteur Anne-Claire d'Apolito, de l'association Comète, en témoigne. Cet établissement de rééducation développe un concept de démarche précoce à l'insertion (DPI) pour accompagner les travailleurs handicapés dans leur parcours professionnel. Une équipe pluridisciplinaire composée de psychologues, de neurologues ou d'ergothérapeutes propose une prise en charge globale des résidents et leur permet d'aborder, le plus tôt possible, un projet de reprise d'activité en milieu ordinaire. « Nous avons affaire à des personnes qui ne sont pas toujours réalistes et nous devons les aider à faire évoluer la faisabilité de leur projet, en même temps que l'accompagnement post-soins pendant un an après leur sortie d'hôpital. Nous faisons le lien avec la MDPH, le médecin conseil ou du travail pour évoquer des adaptations particulières, propres à chaque handicap ou pathologie, afin que le projet de vie puisse pleinement se réaliser. »

Le travailleur au centre de son projet de vie


Selon Jean-François Chossy, député de la Loire et président du Groupe d'études sur l'intégration des personnes fragilisées et handicapées, « la personne handicapée doit être au centre de son projet de vie quand elle souhaite entrer sur le marché du travail, mais ce n'est pas toujours facile car elle n'a pas toujours conscience de ce qu'elle peut faire. Cette incertitude devient alors un handicap supplémentaire. Mais pour autant, définir son « projet de vie », est-ce une question que l'on pose aux valides ? ». Le père d'un travailleur handicapé, présent dans la salle, abonde dans ce sens : « La problématique de ce cheminement c'est qu'il faut que la personne reconnaisse son propre handicap. Elle doit faire le deuil de celle qu'elle a été auparavant mais elle ne peut le faire qu'en étant encadrée, par un établissement, par un psychologue. La première étape, c'est la RQTH, la seconde, c'est la recherche d'une entreprise. On repart à zéro avec un nouveau CV. Dès lors que l'intéressé est convaincu de ses nouvelles capacités, le statut de travailleur handicapé peut être très « vendeur ». » Idéalement renforcé par le soutien d'un CRP (Centre de rééducation professionnelle) sur lequel chacune des parties peut s'appuyer.

La formation, à la source...


Formation, tout le monde en parle ! Car pas d'emploi sans compétence ! Or la situation de handicap touche en moyenne les adultes de 50 ans. La plupart n'a pas mené les études qui leur permettent une grande polyvalence. La situation de handicap met cruellement en évidence ce manque de formation lorsque leur vie bascule ! A cela s'ajoute le manque de formation initiale pour les personnes handicapées de naissance ou dès l'enfance. Verdict statistique : 83 % des travailleurs handicapés ont donc un niveau d'étude inférieur au Bac. Seulement 0.5 % des étudiants français sont en situation de handicap. Cette difficulté persistante limite évidemment leur employabilité. D'où l'intérêt de multiplier les contrats de professionnalisation, d'alternance et en apprentissage qui permettent de valoriser les expériences.

Un environnement facilitant


Mais, au delà de l'emploi, c'est tout l'environnement qui doit être repensé. Car il existe, dans ce domaine, de nombreux freins à l'insertion professionnelle : l'accessibilité des locaux, la définition du poste de travail, le déroulement de carrière, la relation avec les collègues et la gestion des absences pour raisons médicales. Pièce d'achoppement de cet édifice, c'est aussi la chaîne des transports qui faillit. Car même si la MDPH ou l'Agefiph peuvent apporter leur aide, de nombreuses personnes n'auront jamais la possibilité de conduire à nouveau ou de prendre les transports en commun. C'est l'un des crédos de Paul Jeanneteau, député du Maine-et-Loire, « Il faut essayer de faire marcher ce qui marche mais sans négliger l'accessibilité de la cité (transport, école, logement). Je fais partie des ayatollahs de l'accessibilité même si cela coûte cher. C'est un choix politique et budgétaire. » « Ces droits sont-ils bien réels ?, conclut alors Jean-Marie Barbier, président de l'APF. L'un des derniers décrets de la loi de 2005 qui n'est toujours pas sorti concerne l'accessibilité des lieux de travail. Il existe un arsenal de lois ; il serait temps de les faire appliquer ! ».

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