Etudiants handicapés : un " Tremplin " vers un métier...

Comment se projeter dans l'univers professionnel lorsqu'on est étudiant handicapé ? En prenant son impulsion sur un " Tremplin ". C'est le nom de cette association pleine de rebonds, qui a pour slogan "Etudes, handicap, entreprises"

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Handicap.fr : Quelle est la mission de Tremplin ?
Christian Grapin : Notre association loi 1901 accompagne les étudiants depuis 20 ans. Avec nos entreprises partenaires, presque 200 aujourd'hui, nous avons deux missions : développer le niveau de qualification des étudiants handicapés et leur expérience professionnelle pendant leur parcours d'études. A travers ces deux axes, Tremplin les prépare à leur future insertion dans l'emploi. En même temps, nous aidons nos entreprises à développer leur capacité d'accueil, de formation et d'intégration.

Handicap.fr : Qu'est ce qui a motivé cette création ?
CG : Nous sommes en 1992, 5 ans après la loi handicap de 1987. Quatre entreprises fondatrices (Total, IBM, Rhône-Poulenc et Elf) décident de s'ouvrir aux jeunes étudiants et lycéens handicapés car ils se heurtent à un obstacle majeur : le manque de qualification des personnes handicapées présentes sur le marché de l'emploi !

Handicap.fr : Quels sont les critères pour décider d'accompagner ou non un jeune ?
CG : Aucun ! Nous accueillons, à partir de la seconde et jusqu'au Bac +4/5, et même au-delà, tous ceux qui nous sollicitent, sans discrimination ni distinguo. Connaissant l'impact du niveau de diplômes sur l'entrée dans l'emploi, nous les incitons à poursuivre le plus loin possible. Aujourd'hui, 35 % des jeunes accompagnés sont à Bac + 4 ou 5 ; parmi eux, 18% sont « entrés » chez Tremplin avec un Bac ou un Bac pro. Cela suppose des relations très étroites avec les universités, les écoles et les BTS.

Handicap.fr : A partir de quel âge l'insertion professionnelle devient-elle une préoccupation pour ces lycéens ?
CG : En seconde, ils sont encore très peu sensibilisés aux enjeux du monde du travail. Ils ont les mêmes préoccupations et divertissements que leurs camarades « valides ». Ils n'ont pas plus de « projet de vie », la grande formule à la mode, qu'un autre ado ! C'est en première qu'ils commencent à s'interroger sur le post-bac. On ne s'appelle pas « Tremplin » par hasard ! Nous œuvrons sur la transition secondaire/études supérieures.

Handicap.fr
 : Quelle est la question qui revient le plus souvent dans leur bouche ?
CG : « Est-ce que mon handicap va me permettre de faire tel ou tel métier ? » Ils imaginent que certaines professions ne sont pas faites pour eux, et, bien souvent, ils se trompent ! L'un pense que les métiers du relationnel ne sont pas compatibles avec son handicap moteur, alors nous lui proposons un stage au contact de la clientèle. L'autre est un ingénieur malentendant qui se projette sur un petit poste à l'écart de tous, alors nous le mettons en situation au sein d'une équipe.

Handicap.fr : Et, parfois, cette inclusion profite à tous les employés...
CG : Oui, en effet. Je me souviens de ce jeune technicien qui devait intervenir sur le terrain pour faire des relevés mais qui avait de graves problèmes de préhension à cause d'une arthrose des doigts. Il avait beaucoup de mal à manipuler de simples feuilles de papier. L'entreprise a réfléchi à un support informatique. Grâce à lui, la procédure a été allégée et est désormais adoptée par tous. Il a ensuite été embauché.

Handicap.fr : Comment les entreprises entrent-elles en contact avec les candidats ?
CG : Chaque mois, nous organisons une réunion qui réunit une centaine de participants. Nos chargées de mission exposent chaque nouveau projet. Les entreprises posent toutes les questions qu'elles désirent, certaines renseignent les autres car elles ont déjà eu l'occasion d'accueillir ces candidats. Nous nous rapprochons ensuite de celles qui souhaitent aller plus loin dans l'étude de la demande...

Handicap.fr : Comment accompagnez-vous ces jeunes ? On a vraiment l'impression que c'est du sur-mesure !
CG : Rien ne se fait à distance, rien n'est « dématérialisé ». Il y a une étape obligatoire : la rencontre ! Notre structure est implantée à Issy-les-Moulineaux (92) mais il existe un outil merveilleux qui s'appelle le TGV, qui permet d'aller à leur rencontre dans toute la France. Si ce sont eux qui viennent jusqu'à nous, nous remboursons les frais de train ! En 2011, 350 jeunes ont été suivis, que ce soit dans le cadre d'un stage, d'une alternance, d'un job d'été ou d'étudiant, d'un CDD, d'un CDI ou d'un « simple » entretien avec un professionnel de nos entreprises.

Handicap.fr : Mais, 350 jeunes, dans toute la France, c'est finalement assez peu...
CG : Nous ne sommes que cinq permanents ! Dont, depuis fin novembre, une personne dédiée aux régions hors Ile-de-France. Mais il est évident qu'on ne nous connaît pas encore assez. Par ailleurs, certains jeunes n'ont pas besoin de nous car, depuis quelques années, certaines entreprises se rapprochent directement des écoles et universités. C'est une évolution très positive même si les universités n'ont pas forcément les ressources et le temps pour épauler tous les étudiants handicapés dans ce domaine. Tremplin propose un accompagnement dans le temps, six ans pour certains, parfois plus. Et puis, en 2011, ce sont quand même plus de mille contacts avec les entreprises !

Handicap.fr : Pour Tremplin, alors, quel est le « taux de réussite » ?

CG : En 2011, 80 % des demandes ont abouti. Cette même année, sur tous les jeunes qui ont trouvé un emploi, plus de 50 % l'ont trouvé en moins de trois mois. Nous ne sommes pas à 100 %, c'est certain. Je le regrette, bien sûr, mais certains jeunes n'ont pas forcément encore toutes les compétences requises et ne trouvent malheureusement pas de débouchés. Mais cela vaut également pour les « valides ». Les entreprises ont, elles aussi, le droit de refuser une candidature. Nous ne voulons pas tomber dans l'assistanat à outrance. Il ne suffit pas d'être handicapé pour que toutes les portes s'ouvrent ; à l'inverse, ce n'est pas parce que vous êtes handicapé que vous devez échouer !

Handicap.fr : Vous lâchez donc dans la nature ceux qui sont éconduits ?
CG : Bien sûr que non ! Nous analysons avec eux les raisons. Peut-être n'ont-ils pas choisi la bonne filière ? Peut-être ont-ils (ou leur entourage) tenu trop compte de leurs empêchements, et pas assez de leurs capacités et envies. Nous travaillons alors sur leur réorientation.

Handicap.fr : Quelle est la marque de fabrique « Tremplin » ?
CG
 : Les jeunes que nous suivons apprennent à parler de ce qu'ils savent faire et de leurs talents plutôt que de leurs manques et de leurs contraintes. Ils tiennent désormais un discours très positif sur eux-mêmes et sur leur handicap.

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