Après les blessures de guerre, la confrontation avec l'Océan

En pirogue, en planche de surf ou en équipe de sauveteurs en mer, des militaires blessés sur des théâtres de conflit, Afghanistan ou Mali, tentent de surmonter leur handicap et leurs peurs.

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BIDART (France / Pyrénées-Atlantiques),

La température est fraîche, le ciel chargé de nuages, les vagues mouchetées de surfeurs: en ce dimanche matin sur la plage de Bidart (Pyrénées-Atlantiques), l'heure est au défi pour 14 jeunes gens, dont une femme, qui glissent tant bien que mal leur corps meurtri dans une combinaison de surf.

Parmi eux, trois sont amputés d'une partie d'une jambe, un de plusieurs doigts, d'autres fragilisés par des fractures multiples. Et chez la plupart, le pire sont les blessures invisibles à l'oeil nu: les fractures psychologiques.

Raphaël Ferkatadji, un caporal de 27 ans amputé au niveau du genou, a été victime d'un piège explosif alors qu'il se trouvait à bord d'un véhicule blindé, en 2011 en Afghanistan.
"J'ai perdu mon camarade Alexandre Rivière", raconte-t-il. "Les médecins m'ont sauvé la jambe. C'est moi qui ai demandé, un an après, à être amputé. Je souffrais trop" du membre estropié.
"L'acceptation de la perte de ma jambe, c'est fait", confie le jeune homme.

"Je viens ici pour découvrir les sports nautiques et parler de ce qui m'arrive avec des personnes qui ont connu la même chose que moi. Avec les civils", ou même ses collègues militaires, "c'est impossible" dit-il.
"Me réapproprier des sensations" Aidés par deux moniteurs vêtus de gilets fluorescents de différentes couleurs, les stagiaires s'essaient à deux heures de pirogue hawaïenne "pour la cohésion d'équipe" puis au surf "pour retrouver de la confiance en soi et de l'équilibre".

Lundi, la solidarité se manifeste rapidement lorsqu'un des stagiaires amputé appelle, en disant souffrir de crampes. Ce sont ses camarades qui l'aident à sortir de l'eau. Puis, par équipes de trois sur la pirogue, l'esprit de compétition prend le dessus lorsque ces jeunes sportifs désireux de se transcender mettent en place une mini-compétition entre eux.
"Je souffre mais j'ai l'impression de me réapproprier des sensations. C'est la vie simple qui reprend", explique Raphaël, un caporal, qui après sa convalescence entend réintégrer son régiment d'infanterie de Marine au Mans, dans l'administratif. "Le terrain, c'est ce qui va me manquer le plus", lâche-t-il.

"Le sport est une vertu primordiale dans le processus de reconstruction des blessés militaires", explique Éric Lapeyre, médecin en chef de l'Hôpital d'instruction des Armées de Clamart, organisateur de ce stage d'une semaine baptisé "SMB" (Sport, Mer, Blessure).

C'est le Dr Lapeyre, originaire du Pays basque, qui a choisi les trois activités complémentaires, pirogue, surf et sauvetage en mer, au double impact physique et psychique. "Elles correspondent à une population militaire jeune, active et sportive, qui est de nouveau confrontée au danger, avec un travail d'équipe, un entrainement physique et une technique spécifique", explique-t-il. En réalisant ce défi, ils se disent "je peux surmonter cette épreuve, et sauver ma vie et celle de mes camarades".

C'est l'objectif avoué de Cécile Trompette, caporal, 28 ans disant venir au SMB "pour retrouver confiance en moi". Militaire du 7e bataillon des Chasseurs alpins, elle a été envoyée en Afghanistan en 2010. "Fin 2011, mon véhicule blindé a sauté sur un engin explosif. J'ai souffert de multiples fractures, hématomes aux cervicales, et de blessures psychologiques", explique-t-elle.

"J'y pense toujours. Quand je suis sur la route, des trucs me rappellent l'accident. J'ai peur. Je suis venue ici pour en parler avec les autres.

Après, je veux repartir sur le terrain, mais pas en Afghanistan", dit-elle.

"L'an dernier avec huit stagiaires, les résultats ont été excellents sur le plan psychologique", explique le lieutenant-colonel Thierry Maloux, chef de la Cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (CABAT), qui rappelle que l'enjeu dépasse un simple stage de sports nautiques. "Nous n'avons pas droit à l'erreur. Il faut leur apprendre à ne pas cultiver leur syndrome", explique-t-il.

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