Pathologies cutanées, opter pour le maquillage correcteur

Comment se maquiller lorsqu'on est atteint de pathologies cutanées sévères? Des techniques et des produits permettent de se faire belle et de retrouver confiance en soi. Conseils de Carine Larchet, spécialiste du maquillage correcteur.

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Handicap.fr : Carine Larchet, quel est votre parcours ?
Carine Larchet : Maquilleuse depuis vingt ans, je me définis comme une « maquilleuse du monde ». J'ai travaillé dans de nombreux pays, auprès d'artistes, mais, il y a six ans, j'ai décidé de me consacrer aux personnes affectées par des problèmes de peau particulièrement handicapants, pour leur permettre de retrouver l'estime d'eux-mêmes. Il n'y a pas de maquillage pour les gens malades et ceux qui ne le sont pas mais des techniques et des produits plus ou moins adaptés.

H.fr : C'est ainsi que vous êtes devenue spécialiste du « maquillage correcteur » ?  
CL : Oui, j'anime un atelier à destination de personnes souffrant de pathologies cutanées, ayant des répercussions de syndromes dermatologiques ou de patients en post-traitements lourds. C'est l'une des animations proposées par l'association Aqualibre, au sein des cures de La-Roche-Posay, dans la Vienne (article en lien-ci-dessous). Cet accompagnement a donc pour ambition de corriger le regard que l'on porte sur soi en mettant en valeur ce qu'on a de meilleur.

H.fr : C'est à ce titre que vous êtes intervenue pour prodiguer vos conseils à des personnes touchées par le handicap ?
CL : Oui, en juin 2015, à l'occasion de la Journée Solhand (Solidarité handicap autour des maladies rares) consacrée au bien-être (article en lien ci-dessous). Une quarantaine de personnes handicapées, certaines affectées par des maladies de peau particulièrement invalidantes, étaient présentes.

H.fr : En quoi ce « moment beauté » est-il nécessaire ?
CL : Leur prise en charge ne doit pas être exclusivement médicale. Se valoriser, c'est important pour chacun de nous. Le matin, c'est le moment le plus cruel. Devant le miroir, chacun s'auto-flagelle. « Regarde cette gueule ! » On se parle « mal » et cela impacte forcément sur l'humeur de la journée. Ce « miroir » devient le reflet de son propre assassinat.

H.fr : Vous pensez que l'effet « miroir » de notre humeur va impacter les personnes que nous allons rencontrer ?
CL : C'est certain ! Il y aura toujours quelqu'un pour te dire « T'as pas grossi ? ». Mais qui a été le premier, et surtout la première, à se manquer de respect le matin devant sa glace. Eh bien, c'est moi ! Or on a le choix ; et si je m'accordais une petite minute de bienveillance ?  Si je regardais autre chose que mes fesses, mes cicatrices, ma peau abimée pour voir ce qu'il y a de beau en moi ? Et si je me souriais dans la glace. Je connais des gens défigurés qui vivent mieux que n'importe lequel d'entre nous car ils se sont acceptés. Même si j'ai bien conscience qu'on n'est pas chez « Oui oui » et qu'il y aura toujours des cons pour juger.

H.fr : Qu'entendez-vous par « défiguré » ?
CL : Lorsque les lésions couvrent plus de 25% de la surface du visage.

H.fr : Y-a-t-il des astuces pour éviter de se regarder par le mauvais bout de la lorgnette ?
CL : Oui quelques trucs à bannir, par exemple les miroirs grossissants si le besoin ne s'impose pas. Il faut opter sur des tailles de miroirs adaptées pour éviter de se focaliser sur nos défauts. Et puis privilégier les lumières naturelles ou blanche car les lumières jaunes absorbent toutes les couleurs et donnent une impression fade qui incitent à se tartiner de fond de teint.

H.fr : Le rôle de cet atelier est donc de rompre la spirale du dénigrement et de retrouver confiance en soi et féminité ?
CL : En effet, le maquillage correcteur ne coûte rien et peut soulager de grandes peines. J'ai rencontré une femme atteinte de lupus qui ne s'était jamais maquillée car on lui avait dit qu'il n'existait pas de solution pour elle. Il faut passer du camouflage à une vraie mise en valeur. Par exemple, sur une peau brûlée, s'abstenir de maquiller seulement la cicatrice, au risque de la rendre encore plus visible. Plus techniquement, le maquillage correcteur vise à attirer le regard sur ce qu'on a de plus séduisant, par exemple de jolis yeux ou une jolie bouche.

H.fr : Mais encore faut-il pouvoir le faire soi-même...
CL : Oui et c'est là l'objectif de la seconde étape, l'auto-maquillage. Une fois le maquillage réalisé par le professionnel, on enlève tout et la personne recommence seule.

H.fr : Mais cela suppose beaucoup de temps ?
CL : Non, pas plus de 10 minutes.

H.fr : Ce maquillage correcteur exige-t-il des produits spécifiques ?
CL : Oui, destinés aux peaux lésées qui permettent d'estomper les imperfections. Longtemps, ces types de produits étaient très épais et couvrants. Il fallait tellement de temps pour se maquiller que certaines prenaient le parti de ne plus se démaquiller, accentuant les risques de lésions.

H.fr : C'est ainsi qu'est née la dermato-cosmétique. Quelle différence ?
CL : Les produits de cosmétique classique doivent être appliqués sur une peau saine, entre 36,8 et 37,2 degrés, et ne modifient que l'aspect esthétique. Mais, sur les peaux « trop chaudes » et inflammées, le fond de teint ne tient pas. Les produits de  dermato-cosmétique s'avèrent donc plus adaptés ; avec davantage de concentration, ils agissent sur les couches profondes de l'épiderme. S'ils sont en général incolores, sans odeur, insipides, c'est que les laboratoires ont enlevé tout ce qui nous empoisonne.

H.fr : Comment se les procurer ?
CL : Il existe aujourd'hui plusieurs marques ; ils peuvent être prescrits en complément de soins médicaux par les médecins mais ne sont pas remboursables par la Sécurité sociale. Ils sont vendus en pharmacie et parapharmacie mais il est vrai qu'il est parfois difficile d'avoir un conseil adapté à sa pathologie car ce sont des produits pas toujours bien connus. Ils ne sont pas diffusés en parfumerie.

H.fr : Cela concerne seulement le visage ?
CL : Non toutes les parties du corps. J'ai maquillé une jeune fille qui avait des ​cicatrices chéloïdiennes à répétition sur les jambes ou encore une aide-soignante atteinte de psoriasis sur le visage et les bras. Cette dernière a commencé à se maquiller et ses plaques se sont atténuées puis elle a perdu trente kilos. On est vraiment dans une démarche globale.

H.fr : Vous parlez des femmes mais les hommes sont-ils tentés ?
CL : C'est encore un peu tabou le maquillage pour les hommes. Ils ont du mal à sauter le pas mais je peux citer le cas d'un chef d'entreprise dévoré par le psoriasis qui a ainsi pu dissimuler ses rougeurs.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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