Les parents de Théo, trachéotomisé, attaquent Monsanto

Les parents d'un garçon de 10 ans atteint de graves malformations congénitales ont décidé de poursuivre en justice des fabricants d'herbicides à base de glyphosate, dont le géant américain Monsanto, responsables, selon eux, du handicap de leur fils

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"Nous allons porter plainte. Ca devrait être fait d'ici une quinzaine de jours", a déclaré le 4 octobre 2017 à l'AFP le père de Théo, Thomas Grataloup, qui habite près de Vienne (Isère). Selon lui, cette procédure serait une première en France pour ce type de pathologie.

Responsable de la malformation

La procédure, dont l'arbitrage entre civil et pénal est en cours, doit viser à établir la "responsabilité respective" des fabricants mis en cause "dans les malformations congénitales" de l'oesophage et du larynx de Théo, aujourd'hui âgé de 10 ans, ont précisé les conseils parisiens de la famille, Mes William Bourdon, Amélie Lefebvre et Bertrand Repolt, dans un communiqué. "Si l'atrésie de l'oesophage (ndlr : dont souffre Théo) est une malformation jusqu'ici considérée comme rare, sa survenance après une exposition au glyphosate n'est pas inédite, ni isolée", ont-ils ajouté, évoquant un cas similaire "déjà connu" en Argentine. Ils souhaitent donc de la justice la reconnaissance d'"un lien de causalité" entre exposition à l'herbicide et malformations.

Pas d'info sur le danger

En août 2006, la mère de Théo, Sabine (témoignage en lien ci-dessous), alors enceinte sans le savoir "de trois-quatre semaines", a été exposée au glyphosate lors du désherbage chimique d'une carrière d'équitation que le couple possède en Isère. Le produit qu'elle avait utilisé, "sans protection particulière", était l'herbicide Glyper, un générique du Roundup de Monsanto. "C'était marqué (sur les bidons) qu'il ne fallait pas respirer les vapeurs mais il n'y avait aucune information - et il n'y en a toujours pas - sur le caractère tératogène (ndlr : susceptible de créer des malformations) du produit", a indiqué M. Grataloup. L'exposition de la mère serait intervenue à la période où, "précisément, la trachée et l'oesophage se séparent chez le foetus", a-t-il expliqué.

Un trou dans la gorge

En raison de ses malformations, Théo respire et parle depuis sa naissance par un "trou dans sa gorge" à la suite d'une trachéotomie. Cet automne, il doit subir une 52e opération pour rendre son quotidien moins inconfortable. Il est interdit d'activités nautiques sous peine "d'avoir immédiatement de l'eau dans ses poumons et de se noyer". Opéré en Suisse et en France, Théo mange depuis un an et demi normalement alors qu'il était nourri jusqu'à alors par un "trou dans l'estomac" avec des poches nutritives (gastrostomie).

"Tribunal Monsanto"

En 2010, le couple a tenté d'avertir les pouvoirs publics en écrivant à la Présidence de la République, au Premier ministre et aux ministères de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Santé. "Rien ne s'est produit", a regretté M. Grataloup, malgré l'intervention des députés Julien Dray (PS) et Jacques Remiller (UMP) qui ont posé chacun une question écrite au gouvernement. Depuis un "tribunal Monsanto", un "procès citoyen" organisé fin 2016 à La Haye, le couple se dit encore plus convaincu que les fabricants d'herbicides comme Monsanto "étaient au courant de certains dangers du glyphosate, qu'ils n'ont rien fait (...) et qu'ils font tout pour que ça continue". Le renouvellement de la licence dans l'UE du glyphosate, l'un des herbicides les plus utilisés dans le monde, suspecté d'être cancérogène, fait l'objet d'un bras de fer à Bruxelles. Son autorisation actuelle s'achève fin décembre 2017.

L'Europe dans le flou

Le comité d'experts chargé du dossier, où siègent des représentants des Etats membres, se réunit les 5 et 6 octobre 2017 à Bruxelles. Aucun vote n'est attendu pour le moment, les positions des Etats membres restant trop floues. A ce jour, la France est l'un des seuls pays, avec l'Autriche et l'Italie, à s'opposer publiquement à la proposition de la Commission européenne de renouveler pour dix ans la licence du produit. Le gouvernement français s'est cependant dit ouvert à une période d'autorisation réduite, à cinq ou sept ans par exemple.

Par Daniel Abelous

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