Morano caricaturée en bébé trisomique : vers une relaxe ?

Morano caricaturée en bébé trisomique dans Charlie Hebdo : une association avait porté plainte. Le parquet se prononce pour la relaxe, estimant que les limites de la liberté d'expression n'ont "pas été dépassées". Jugement le 10 janvier 2017.

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Par Sylvain Peuchmaurd

Nadine Morano, la « fille trisomique cachée » du général de Gaulle : cette une, publiée le 7 octobre 2015 après les propos controversés de la députée européenne sur la France pays de « race blanche », a valu à l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo de comparaître le 18 novembre 2016 devant la justice.

Railler une audacieuse filiation politique

A la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le directeur du journal et auteur du dessin Laurent Sourisseau, alias Riss, explique que l'objet du dessin était de railler « l'audacieuse » filiation politique invoquée par Nadine Morano, « c'est ça et rien d'autre ». « Nous sommes un pays judéo-chrétien, le général De Gaulle le disait, de race blanche, qui accueille des personnes étrangères », avait-elle déclaré quelques jours auparavant, propos qui avaient suscité un tollé. Ils avaient même fait l'objet d'un signalement de la part de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), auquel le parquet n'a pas donné de suite judiciaire. Sur le plan politique, Nadine Morano s'était vu retirer son investiture du parti Les Républicains pour les élections régionales.

Ne pas se servir des plus faibles ?

Le Collectif contre l'handiphobie poursuit Charlie Hebdo pour injure et provocation à la haine et à la discrimination. Président de l'association, Alexandre Varaut, avocat de profession, explique que ce dessin a été « douloureusement ressenti par les parents de handicapés », une « gifle », dit-il. « On voit bien qu'on est une sorte de dommage collatéral », poursuit-il, mais le « bouffon est légitime quand il s'en prend aux puissants », « il ne faut pas se servir des faibles pour faire mal ». Riss rétorque qu'il n'a « jamais voulu donner de gifle à personne, à part, sur le plan politique », à Nadine Morano. Selon lui, le général de Gaulle lui-même, parlant de sa fille Anne, atteinte de ce handicap, disait qu'elle « vivait dans son monde à elle ». Ce que le dessin voulait dire, c'est que Nadine Morano se trouvait « dans une situation d'incompréhension à l'égard de la pensée du général de Gaulle », précise le dessinateur.

Une muraille de Chine entre le rire et le handicap

C'est une affaire « entre puissants », estime l'avocat de l'association, Henri de Beauregard, « mais par pitié, laissez les enfants trisomiques en dehors de ça ». Le parquet se prononce pour la relaxe, estimant que les limites de la liberté d'expression n'ont « pas été dépassées ». A travers ce procès, estime l'avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, on demande à la justice de dresser « un mur de Berlin », une « Muraille de Chine »,
« entre le rire et le handicap ». C'est la première fois que le journal est poursuivi pour un dessin sur ce thème, mais pas la première fois qu'il en publie. Le dessin « a pu blesser, évidemment. Les caricatures religieuses aussi sont blessantes », pour autant, « il faut bien les accepter », argumente Me Malka.

Pas de poursuites des associations les plus représentatives

Soulignant que le propos attribué au général de Gaulle est « très contesté», il note que les associations les plus représentatives n'ont pas poursuivi le journal. Rappelons en effet que l'association Trisomie 21 France s'était montrée tolérante à l'égard de cette couverture (article en lien ci-dessous). « Les personnes avec trisomie 21 réfléchissent et avancent vers le plein exercice de leurs droits citoyens et des libertés individuelles, notamment la liberté d'expression, expliquait-elle. C'est important et nous nous sommes battus pour cela après les attentats de Charlie. » « Oui », le « moyen humoristique » repose sur le fait qu'il y ait un « déficit de compréhension », détaille Me Malka, « oui il y a une différence, celle-là est lourde, douloureuse ». Mais « en rien » ce dessin ne relève de « l'incitation à la discrimination ou de l'injure ». Que la caricature soit de « bon » ou de « mauvais goût », qu'elle puisse « blesser ou ne pas blesser », « ce n'est pas le critère », conclut-il. Jugement le 10 janvier 2017.

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