Guilhem Visseq, 29 ans, IMC : Ma vie sexuelle est nulle !

Dans quel désert sentimental et sexuel les personnes handicapées sont-elles plongées ? Réponses de Guilhem Visseq qui, désespérant de trouver une compagne, milite pour la légalisation de l'accompagnement affectif et sexuel. Au diable les tabous...

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Handicap.fr : Le 20 septembre 2012, vous participiez à une conférence, à Nîmes, sur le thème « Vie affective et sexuelle des personnes handicapées ». Pourquoi souhaitiez-vous témoigner sur ce thème ?
Guilhem Visseq
: Je suis ce que l'on appelle un IMC. Non pas pour indice de masse corporelle mais pour infirme moteur cérébral. 29 ans, des jambes en coton, des béquilles, un scooter PMR... Je ne rencontre personne et c'est une immense frustration. Alors je vais le dire un peu crûment mais, comme tout le monde, j'ai envie de baiser. Cette abstinence peut vraiment rendre certains malades. Il y a une grande urgence à oser parler de ce sujet.

H.fr
: Vous avez écrit une chanson inspirée par ce manque ?
GV
: Oui, elle s'intitule « J'aimerai ». Le deuxième couplet dit mes espoirs : « Je ne suis pas riche/Je n'ai pas le ticket, ne le sais que trop/Ma démarche est ondulante, ce n'est pas beau/Si je trouve grâce à vos yeux/Je vous aimerai passionnément et de mon mieux. »

H.fr
: A quoi ressemble la vie affective d'un jeune homme en institution ?
GV
: J'ai passé la deuxième partie de ma jeunesse dans un IMP, de 12 à 23 ans. La sexualité n'y est pas totalement ignorée mais qu'est-ce qu'on nous propose ? Des groupes de parole avec un psy ! Ou la projection de films sur ce thème, comme Nationale 7 ou, plus récemment, Hasta la vista. Mais, franchement, c'est un minuscule pansement sur un énorme problème. Vous croyez vraiment que ce genre de propositions va soulager un jeune ? Au sein de ces centres, on ne nous empêche pas d'avoir une petite amie mais le règlement interdit d'avoir des relations sexuelles ! Ou même, tout simplement, de se rouler dans l'herbe.

H.fr
: Vous avez aujourd'hui 29 ans et résidez en foyer d'accueil spécialisé ; y-a-t-il davantage de libertés ?
GV
: La sexualité n'est pas interdite mais, dans les faits, le personnel manque singulièrement de courtoisie. J'ai connu ma première expérience sexuelle avec une femme handicapée. Or le personnel rentre dans votre chambre et, si vous êtes en position allongée, tant pis pour votre intimité ! Aucune précaution, aucun égard.

H.fr
: Est-ce que la réalité c'est un peu : « Les handicapés entre eux ! » ?
GV
: J'ai l'impression. On me dit souvent : « Tu devrais trouver quelqu'un comme toi ! ». Dans mon for intérieur, je trouve ça très con. Pourquoi de tels ghettos ? J'ai rencontré, il y a quelques années, une femme qui était lourdement handicapée, et deux handicaps conjugués, ça ne faisait qu'amplifier nos difficultés ! On a fait l'amour à notre manière. Mais j'ai bien conscience que trouver une compagne valide qui m'accepte ne risque pas d'être évident. Je suis très fatigable, et il y a aussi l'aspect médical qui impacte forcément la relation. L'aide-soignante passe tous les matins à 6h45 !

H.fr
: Vous n'avez donc jamais rencontré de compagnes qui ne soient pas handicapées ?
GV.:
Non. Il y a quelques années, je suis tombé très amoureux d'une femme dans mon atelier théâtre. Je n'ai réussi qu'à lui offrir des fleurs... Aujourd'hui, ma vie sexuelle est nulle. Je n'ai pas de petite amie. Et pourtant je sors, je participe à des ateliers de théâtre, je vois des amis... Mais comment multiplier les occasions lorsque la grande majorité des lieux de fêtes ne sont pas accessibles : les cafés, les boites de nuit, les théâtres... Pour une personne tétraplégique, c'est totalement impossible !

H.fr
: Séduire lorsqu'on est handicapé, c'est donc mission très compliquée, voire impossible ?
GV
: Je ne vais pas m'auto-flageller mais ceux qui font la couverture des magazines sont des hommes puissants avec une belle aisance matérielle. Alors, même si toutes les femmes ne sont évidemment pas dans cette représentation, le petit gars handicapé ne fait pas vraiment rêver ! Notre handicap est tout de même un sérieux frein à la séduction.

H.fr
: Mais en dehors de ce stéréotype du mâle dominant, n'y-a-t-il pas une place pour chacun ?
GV
: Je n'en suis vraiment pas certain. D'autant que mon handicap ne se limite pas au problème physique. J'ai aussi une dyscalculie et ne sais pas gérer mon argent. On m'a donc mis sous curatelle. En tant que majeur protégé, j'ai même besoin de l'accord de mon curateur pour me marier. Je suis donc aussi bloqué par le fait que je n'ai pas de situation sociale, nécessaire pour construire un couple. Pour une compagne, un mec comme moi multiplie les risques : des handicaps, pas de travail ! J'ai tenté de faire un stage en ESAT mais on m'a répondu que je n'étais pas rentable. J'ai eu mal ! Grâce à l'APF, je fais quelques missions d'accueil.

H.fr
: Mais comment réagissent les femmes lorsqu'elles vous voient ?
GV
: Il y a de la curiosité, pas malsaine d'ailleurs, mais ça ne va jamais plus loin. J'ai tenté ma chance sur des sites de rencontre sur le Net. En guise de réponse : « Le handicap ne m'intéresse pas ! »

H.fr
: Vous militez pour que la France légalise le principe de « l'accompagnement affectif et sexuel encadré ». Pourquoi ?
GV
: Evidemment, on peut toujours s'adresser à des prostituées. Mais le principe de l'accompagnement affectif et sexuel, défendu par des associations comme l'APF, c'est bien davantage, presque un accompagnement thérapeutique. Oui, bien sûr, c'est une prestation payante. Oui, elle peut aller du simple massage jusqu'à la pénétration. Mais ces accompagnants sont volontaires et formés, et leurs prestations sont vraiment encadrées. Pour les personnes handicapées, ce contact, cet échange leur permet d'aller mieux, d'aller vers l'autre et de prendre confiance en eux. L'accompagnant agit comme un médiateur.

H.fr
: Mais vous comprenez bien qu'un tel propos puisse faire débat ?
GV
: Oui, bien sûr, j'accepte d'entendre les opposants. C'est d'ailleurs une question qui est de plus en plus souvent abordée ou débattue, dans la presse, les colloques ou les films. J'ai bon espoir que cela change. François Hollande trouve le sujet délicat. Mais les sujets délicats ne lui font par peur puisque son gouvernement est en train de rédiger un projet de loi sur l'homoparentalité et le mariage gay. Alors je lui suggère : « Allez en Suisse, où ce type d'accompagnement est légalisé, et voyez comment ça se passe ! »

H.fr
: Mais les ados sont aussi titillés par leur libido. Cet accompagnement leur serait-il également destiné ?
GV : Non, sur cette question, je suis très réservé et je crois qu'on ne doit proposer l'accompagnement affectif et sexuel qu'aux adultes. C'est une question délicate, d'autant que, pour les mineurs, on ne peut pas négliger l'influence de la famille, avec toutes ses réticences

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