Artistes autistes sur scène dans une Jeanne d'Arc singulière

Le spectacle phare du festival du Futur composé revisite l'histoire de Jeanne d'Arc sur la scène du théâtre des Variétés à Paris (27 juin au 1er juillet 2018). Une occasion rare de voir des artistes atypiques parce qu'autistes.

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« Reprenons. Je ne veux pas te voir dans la salle pendant le spectacle. Ne partez pas en courant, mais partez franchement. Mettez-vous à jardin. Stop, c'est super, c'est hyper beau, continuez à bouger… » Tout l'après midi, le metteur en scène Olivier Tchang Tchong mène la troupe. La fébrilité est palpable au théâtre des Variétés à Paris à une semaine de la première représentation de Jeanne d'Arc. Les comédiens et musiciens sont attentifs au metteur en scène et à Floriane Soyer, son assistante. Elle déroule les « raccords » faisant des remarques à l'un sur un oubli de phrase, demandant à un autre de revoir un déplacement suite au filage de la veille… « Tout le monde est demandé au plateau de toute urgence. » Après une pause, c'est un nouveau filage ; le spectacle est joué dans son intégralité et en costumes. « Bravo à tous, c'était bien. On se retrouve demain à 13h30. »

Un espace de liberté

« Depuis toujours, j'ai mêlé des spectacles avec des acteurs en situation de handicap dans des distributions mixtes avec professionnels et amateurs, explique Olivier Tchang Tchong. C'est un moyen de leur rendre, pour un temps, une parole trop souvent confisquée. C'est l'occasion d'affirmer avec force une culture de tous, c'est-à-dire où chacun participe à la gestation et à la création. La singularité m'intéresse beaucoup. Le handicap dessine un contour de travail en imposant ses limites avec les paramètres de jeu, de mémoire, d'espace… mais en nous offrant aussi un espace de liberté. Ces acteurs sont débarrassés de la question de l'ego. Ils ont une présence extrêmement singulière, une pesanteur. Je ne travaille pas avec les symptômes, et la pratique n'est pas différente d'avec d'autres acteurs, la méthode de travail et l'exigence sont les mêmes. C'est juste qu'il faut plus de temps et contourner ce qui bloque. Je n'ai pas de parti pris esthétique, politique ou thérapeutique, seulement artistique.» Le Dr Gilles Roland Manuel, psychiatre, fondateur et directeur du festival du Futur composé qui accueille cet évènement (lien ci-dessous), précise : « Ces médiations artistiques ont des vertus, elles ne sont pas thérapeutiques. Il vaut mieux ne pas les rechercher pour les trouver, même si l'on constate des améliorations dans la communication, la parole, la valorisation… L'espace du théâtre est un lieu privilégié pour ces jeunes gens, dans les coulisses comme sur scène. »

Des capacités insoupçonnées

« C'est pas difficile, parce qu'on est habitués. J'aime bien travailler avec les autres institutions, on se retrouve tous ensemble et c'est plus sympa. J'aime bien la chanson de Maëva. On se met en costume, on lève la tête, les bras… J'aime mon rôle et ma tirade. », témoignent Aurélie, Anaïs, Fabrice et Sébastien, quatre résidents du Foyer Jeanne d'Arc, qui participent au projet avec deux éducatrices. Ils suivent des ateliers de théâtre, musique, peinture et danse. « C'est une bouffée d'oxygène. Ici, c'est la vie, la vraie vie ! On travaille ensemble, on vit ensemble pendant quinze jours. Cela a créé un lien entre nous six et avec ceux des autres institutions. C'est une vraie chance !» Les comédiens s'appuient les uns sur les autres, ils se repèrent avec les derniers mots d'une réplique, un geste, ou grâce aux  éducateurs qui ont également leur rôle. « Nous découvrons d'autres facettes des jeunes. Ils font des choses que nous ne soupçonnions pas et sont souvent moins en difficulté sur scène que nous ! », confient certains. « Clairement, ces jeunes sont plus doués que nous. Ils ont des capacités impressionnantes. C'est super pour eux de voir que nous apprenons aussi. C'est dans les deux sens : eux vont nous accompagner sur la musique et nous les encadrons pour gérer le temps, les silences, les costumes… », reconnait une éducatrice du groupe musical Les Pachas.

Une histoire écrite pour l'occasion

Cette Jeanne d'Arc, mêlant histoire et imaginaire, a été écrite spécialement pour l'occasion par le Dr Gilles Roland-Manuel. L'histoire se situe aujourd'hui : Victor, un metteur en scène, passionné par la « pucelle d'Orléans », emmène sa troupe jouer le spectacle en Afrique. Après un crash d'avion, les survivants reprennent les répétitions. La quarantaine d'artistes, jeunes autistes et éducateurs, et professionnels, répètent depuis des mois, d'abord en petits groupes avant de se retrouver tous ensemble durant cinq semaines. Les rôles titres sont confiés notamment à des comédiens du Théâtre du Cristal, une troupe constituée d'artistes en situation de handicap. Denis Lavant et Isabelle Mergault participent à cette création. La musique originale et mélodieuse est jouée sur scène par Maëva Clamaron avec Les Pachas. Pas de décor ni d'accessoires, mais les magnifiques images vidéos de Raphaël Étienne sont projetées sur des rideaux de tulle, plongeant le spectateur au milieu du désert ou dans une église. Un spectacle à découvrir lors d'une des quatre représentations exceptionnelles…

Du 27 juin au 1er juillet 2018 au théâtre des Variétés (7 bd Montmartre – 75002 Paris). Réservations : 01 42 33 09 92.
A voir également, dans le cadre du festival du Futur composé, l'exposition E-Tegami « Une image pour un message », comme une forêt de cartes colorées et guirlandes de lumière, à l'église Saint-Louis de la Salpêtrière (Paris 13), jusqu'au 30 juin.

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