Handicap.fr : Votre court-métrage, De bonnes sensations, aborde la question de la recherche du plaisir d'une personne paraplégique qui n'a plus de sensation dans son pénis. Pourquoi traiter un tel sujet ?
Benoît Rambourg : En tant que réalisateur, mon désir initial est de faire du cinéma de sensation, notamment via le sens du toucher. Pour ce film, je souhaitais parler de la puberté à un âge qui n'est pas celui de l'adolescence sans savoir où cela allait m'amener. J'ai fait des recherches sur les questions sexuelles et j'ai découvert qu'il existait une redécouverte des sensations chez les personnes paraplégiques suite à un accident. Mon sujet était trouvé !
H.fr : Cette redécouverte des sensations, c'est quelque chose que vous ne connaissiez pas ?
BR : Non, pas du tout. Mais cela n'a fait qu'amplifier mon intérêt pour la chose. Cette capacité d'avoir des orgasmes à travers d'autres parties du corps est vraiment formidable. Le transfert érogène, j'ai vu ça comme un super-pouvoir, quelque chose qui distingue la personne paraplégique du commun des mortels.
H.fr : Le fait que le héros handicapé, Damien, pratique le tir à l'arc a-t-il son importance ?
BR : Déjà, je voulais absolument que le personnage principal soit sportif de haut niveau. Pour justifier les rencontres régulières avec la kiné, d'une part, et pour intégrer l'exigence de la compétition, d'autre part. La possibilité de pouvoir participer aux Jeux paralympiques est un enjeu primordial pour Damien. Mais son érection surprise le détourne de sa quête première face à ce nouvel enjeu plus grand et plus important.
H.fr : Mais pourquoi le tir à l'arc plus particulièrement ?
BR : Pour tout vous dire, cela est parti d'une mauvaise raison. Je souhaitais qu'il fasse un sport que tout le monde pouvait pratiquer. Sauf qu'assez rapidement je me suis aperçu que c'était faux. Au tir à l'arc, tout le corps joue. Mais j'ai été séduit par ce sport éminemment sensuel et sensoriel. Il existe un très grand ressenti physique. Et puis, il y a le symbole fort de la cible et de la flèche.
H.fr : Vos recherches ont-elles été suffisantes pour maîtriser le sujet ?
BR : J'ai eu la chance de rencontrer le frère paraplégique d'un ami, Benjamin, qui, finalement, a donné beaucoup de lui au personnage de Damien. A force d'échanger, il est même devenu un ami proche. De plus, grâce au DTN (Directeur technique national, ndlr) de la Fédération de tir à l'arc handisport, j'ai pu participer à un de leurs stages et être témoin du niveau des athlètes. Vivre ces moments de l'intérieur était très important pour l'authenticité du court-métrage.
H.fr : L'une des scènes marquantes du film est celle où Sonja, la kiné, prend les choses en main et opère le transfert érogène sur le corps de Damien à l'aide d'un feutre. Que souhaitiez-vous mettre en avant à travers ce tableau ?
BR : J'avais envie de faire une scène à la fois très érotique et didactique. Le transfert érogène, ce n'est pas facile à comprendre quand on n'a pas d'explication claire. Je voulais que la scène soit filmée de façon sensuelle, que les regards nous accrochent. Comme s'ils étaient en train de faire l'amour, en fait.
H.fr : Le 28 mai 2015, vous avez obtenu le Grand prix du Festival Cinéma et Handicap qui se tenait à Lyon. Qu'est-ce que cela représente ?
BR : Les récompenses sont des choses très précieuses. On se rappelle les périodes où on n'arrête pas de recommencer le scénario, où on n'a que des doutes et qu'on se dit : « Mais est-ce que mon idée est vraiment originale ? ». Recevoir un prix encourage à continuer avec la même sincérité et, forcément, donne du baume au cœur.
H.fr : Lors de votre discours, vous avez déclaré que l'on vous demandait régulièrement si les acteurs étaient paraplégique et kiné dans la vraie vie, sans donner de réponse. Alors, le sont-ils ?
BR : Non, ce sont bien des acteurs que j'ai rencontrés sur d'autres tournages. Si on me pose souvent la question, c'est notamment à cause des jambes de Damien. En fait, c'est Benjamin qui a fait la doublure pour les scènes où on les voit. Cela me semblait indispensable que le spectateur soit mis face à la réalité de cet homme paraplégique et qu'il se représente réellement et physiquement cette absence de sensations.
H.fr : Aimeriez-vous creuser la thématique du handicap et réaliser un nouveau film sur le sujet ?
BR : Le temps le dira. Mais j'ai fait tellement de recherches, rencontré tellement de personnes que je suis certain que le handicap va m'habiter dans l'écriture de mes prochaines productions. Après, l'histoire primera sur le reste. Je ne veux pas être pollué par des messages politiques ou des démarches citoyennes. Cela remettrait en cause mon intégrité artistique auquel je tiens tout particulièrement.