50 000 places nouvelles « pour sortir 100 000 Françaises et Français d'un logement très précaire », création dès 2018 de 40 000 logements « très sociaux » de plus par an et libération de la construction dans le parc privé grâce à « une réduction des exigences des normes environnementales et sociales » pour obtenir « une production massive » de logements neufs en quelques années. En trois volets, Emmanuel Macron semble vouloir attaquer de front le problème du mal logement en France.
Logement d'abord pour les plus fragiles
C'est ce que le chef de l'État a déclaré le lundi 11 septembre, lors d'une visite à Toulouse, dessinant ainsi les grands axes de son projet de loi « Habitat mobilité et logement ». Il estime que notre pays « construit trop peu car notre système est bloqué par la surrèglementation ». Et de vouloir « diminuer cette réglementation pour la rendre plus pragmatique ». Si cet objectif semble louable, une menace pèse-t-elle sur les normes destinées à l'accessibilité aux personnes handicapées ? Ce choc se fera-t-il sur leur dos alors que, selon le président, « ce changement de modèle qu'est le « logement d'abord » se fera au niveau de l'action quotidienne au plus près des personnes en difficulté ». Sujet trop sensible pour que le nouveau gouvernement s'y attaque ouvertement ?
Le handicap sur la sellette
Le mot « handicap » a pourtant été plusieurs fois évoqué. « Vous en entendrez parler, il y aura énormément de [gens] qui s'élèveront contre ça, tous ceux qui ont dit [que] ces normes [sont] sur tout le territoire pour tout le monde », a déclaré le chef de l'État. « On me dira que je ne respecte pas l'environnement, ou parfois le handicap, parfois ceci ou cela. Mais il faut du pragmatisme », car « c'est essentiel pour résoudre le problème du logement, a-t-il ajouté, y compris sur des normes qui relèvent de très bons sentiments, quelques fois environnemental et social ». « À quoi bon tous les logements adaptés aux occupants handicapés, il faut mettre en place des quotas », annoncent ouvertement certains dans les medias. Du côté des anti-normes (bailleurs sociaux, constructeurs, architectes), la parole se libère… « Est-ce que c'est utile d'équiper tout un immeuble pour handicapés en sachant qu'il n'y a que certaines pièces qui doivent l'être », questionne Jaques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment dans le JT de France 2 du 11 septembre. Déjà en 2016, Nicolas Sarkozy puis François Fillon (LR) déclaraient que les normes handicap étaient une « absurdité » (article en lien ci-dessous).
La pression des anti-normes ?
À quelle sauce risquent-elles donc d'être mangées aujourd'hui ? « Nous n'en savons rien pour le moment », explique Christian François, administrateur de l'Anpihm qui milite, notamment, en faveur de l'accessibilité du cadre bâti et déplore une pénurie croissante de logements accessibles dans toute la France. Même son de cloche du côté de l'APF (Association des paralysés de France) : « Il est difficile de se prononcer de manière précise, explique Patrice Tripoteau, son directeur général adjoint. Nous n'avons pas d'orientation générale et nous attendons des précisions pour réagir ». L'association, qui était pourtant vent debout au moment des Ad'Ap qui repoussait de plusieurs années la mise en accessibilité de la cité, constate que « le discours pris sous l'angle des normes ne passe pas, la pression des anti-normes se renforce ; il faut donc chercher d'autres solutions et des enjeux partagés et faire évoluer la concertation ». « Nous serons malgré tout attentifs au futur projet de loi sur le logement et attendons du gouvernement qu'il dévoile sa stratégie sur l'accessibilité. Depuis quelques mois, nous avons rappelé notre mobilisation sur ce sujet à l'Elysée et au gouvernement », poursuit-il.
Viser la conception universelle
Cette réforme serait donc l'occasion de tout remettre à plat ? « D'une manière générale, ne faut-il pas dépasser ce sujet de normes en tant que telles pour aller vers la notion d'accès aux prestations et de qualité d'usage ? Il faut se rendre à l'évidence, parfois, certaines normes sont respectées mais les logements ne sont pas accessibles pour autant, explique Mr Tripoteau. Nous souhaitons en profiter pour faire passer un message : mettre en avant la priorité d'accès aux biens, aux services pour tous dans une approche de conception universelle, de non-discrimination et de société inclusive et ne pas réduire le débat sur l'accessibilité en termes de contraintes normatives (même s'il faudra toujours respecter des règles de construction) ». Cette révolution des mentalités qui s'inscrit dans la durée fera-t-elle le poids face à une réforme urgente qui vise à faire plus vite et moins cher ?
Bientôt un Comité interministériel du handicap
Emmanuel Macron, qui a déclaré vouloir faire du handicap l'une des priorités de son quinquennat, a engagé plusieurs chantiers, notamment la concertation autour du 4e plan autisme ou l'embauche de 8 000 AVS, mais ne s'est, pour le moment, jamais prononcé sur l'accessibilité du cadre bâti. Ce plan quinquennal sur le logement devrait être présenté le 22 septembre. Son calendrier coïnciderait alors avec le premier Comité interministériel du handicap du quinquennat, prévu le 20 septembre, qui entend faire part des orientations du nouveau gouvernement dans ce domaine. L'occasion d'un signal fort… ou d'un vrai choc ?