Pour Tarik, autiste, les défis de la rentrée: réussir et rester scolarisé
Par Béatrice LE BOHEC
BORDEAUX, 30 août 2008 (AFP) - Avec une moyenne dépassant les 18 en maths l'an dernier, Tarik pourrait aborder la rentrée de 3e sereinement mais quand on est autiste comme ce collégien bordelais de 16 ans, le défi est ailleurs:
prouver, encore et encore, que son intégration en milieu scolaire est réussie.
Scolarisé depuis la maternelle grâce au combat de ses parents, Joëlle et Larbi Messoussi, Tarik a franchi marche après marche les échelons d'une vie scolaire normale mais chaque rentrée représente pour l'adolescent aux boucles brunes "un nouveau départ", avec son lot de défis inédits à relever.
Après avoir peu à peu augmenté son temps quotidien de scolarisation en primaire, Tarik a fait le grand saut en 6e en suivant tous les cours au collège Alain-Fournier, cherchant toujours, selon son père, à désamorcer un "bouillonnement intérieur" face au regard des autres et à mieux décoder les méandres de la communication sociale.
D'une voix monocorde, les mots débités à toute vitesse, Tarik Messoussi explique que cette année, il veut surtout réussir à décrocher le brevet des collèges parce que "on m'a dit que si je rate j'irai dans un centre mais moi je n'irai pas, j'irai dans la rue parce que je veux la liberté".
L'examen est encore loin, mais les parents ont déjà prévu de demander un temps supplémentaire pour l'épreuve de français.
Tarik est autiste de haut niveau, selon le terme médical, ce qui signifie que comme pour le syndrome d'Asperger, il souffre de troubles neurologiques et complexes du spectre autistique qui affectent les fonctions du cerveau.
Il s'est taillé une réputation au collège en trouvant presque immédiatement quel jour de la semaine les élèves sont nés, grâce à leur date de naissance.
Tarik -qui a eu l'an dernier en maths "19,4, 18,27 et 18,4" de moyenne aux trois trimestres- ausculte de près ses notes et ceux des autres. "Quand il rencontre un élève, il lui demande tout de suite sa moyenne générale" illustre sa mère.
Très à l'aise dans les matières logiques, y compris les langues comme le latin ou l'allemand, il peine davantage ailleurs, parce que comme l'explique Larbi Messoussi, "il ne cherche pas la subtilité derrière les mots, ce qui est aussi un handicap pour la communication sociale, qui passe par des codes".
Utiliser devant lui des expressions comme "donner sa langue au chat" a déjà provoqué des scènes incongrues. Il faut aussi savoir gérér l'imprévisible parce que tout doit être organisé pour éviter la panique, sachant par exemple que Tarik a la phobie des pigeons, en nombre dans la cour de l'école.
"Je voudrais qu'il y ait plus d'autistes comme moi à l'école, je passerais mieux", dit-il, lucide, de la même voix égale, avant d'espérer que celui qui lui avait lancé l'an dernier que "non seulement tu es autiste mais en plus tu es un sale immigré" ne fraye plus dans les parages.
Valérie Roux, conseillère principale d'éducation du collège, souligne le fort besoin de reconnaissance de l'élève et ses efforts pour se contenir quand il sent agressé, pour ne pas entacher sa note de vie scolaire et risquer un renvoi de l'établissement.
"Il est très bien intégré au collège, a des copains et n'a jamais eu de souci avec les enseignants", affirme la CPE.
Sans vouloir "lui mettre la pression", la mère de Tarik lui répète qu'il n'a pas le choix: "tu dois viser l'excellence car si tu tombes, il y aura toujours quelqu'un pour te rappeler que tu es autiste".
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