Reyhanli (Turquie), 23 jan 2014 (AFP)
Omar Cheikhhamdou se hisse sur ses prothèses et tente ses premiers pas depuis qu'une frappe aérienne de l'armée syrienne l'a privé de ses deux jambes, il y a presque un an. Agrippé à deux barres métalliques, le jeune Syrien de 19 ans marche cinq minutes avant de s'arrêter pour se reposer. L'ex-étudiant bénéficie du Projet national syrien pour les prothèses qui offre des soins et des prothèses gratuitement à tous ceux qui parviennent à atteindre la clinique de Reyhanli, à quelques kilomètres de la frontière, côté turc.
Personne ne demande aux nouveaux venus s'ils sont des combattants ou des civils mais le directeur du centre, Raëd al-Masri, estime que 40% des 370 patients soignés en 2013 étaient des femmes et des enfants. "Un de nos patients n'a qu'un an et demi. Il avait huit mois lorsqu'il a été blessé", raconte M. Masri, un Syrien. "Il a perdu ses jambes avant même d'avoir appris à marcher. Et la première fois qu'il marchera, ce sera avec des prothèses".
Au moins 500.000 personnes ont été blessées en Syrie depuis le début des violences en mars 2011 selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Une conférence réunit actuellement en Suisse des représentants du régime syrien et de l'opposition en exil pour tenter de trouver une issue au conflit qui a fait, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), 130.000 morts en près de trois ans. La clinique de Reyhanli est financée par l'ONG Syria Relief, ainsi que par l'association médicale des expatriés syriens, un groupe de médecins de l'étranger qui soigne les victimes de guerre.
'Parfois, je me dis que j'ai tout perdu'
Il y a peu, un jeune homme de 22 ans est arrivé à la clinique, après avoir perdu ses deux jambes et un bras dans une attaque à la roquette à Alep (nord), six mois plus tôt. Il lui faudra attendre au moins quatre mois, après sa dernière opération, avant de pouvoir ne serait-ce qu'essayer des prothèses, suivi par des mois de kinésithérapie.
Omar Cheikhhamdou, dont les jambes ont été sectionnées l'une à hauteur de l'aine, l'autre juste au-dessus du genou, semble tolérer ses prothèses, du moins tant qu'il se tient aux barres. "Il va d'abord marcher cinq minutes puis se reposer", explique Samir al-Masri, un kinésithérapeute volontaire. "La semaine prochaine, on essaiera dix minutes". Peu avant sa première tentative de marche, le jeune homme évoque le jour où il a perdu ses jambes. Sa famille se préparait à partir à la mosquée, pour la prière du vendredi, quand une bombe lâchée par un avion du régime a frappé leur maison, tuant sa soeur et le blessant ainsi que deux autres personnes. "Parfois, je me dis que j'ai tout perdu".
Abdelmawla, un volontaire de la clinique, a lui-même été blessé. Ce jeune homme de 18 ans était en voiture avec sa famille, roulant sur l'autoroute qui passe au nord de Damas, lorsqu'une patrouille loyale au gouvernement a ouvert le feu, arrachant sa jambe juste au-dessus du genou. Quelques mois plus tard, il a découvert par hasard la clinique, lors d'un passage en Turquie, et a obtenu une prothèse. Depuis, il marche seulement avec une légère claudication, mais se bat encore au quotidien. "Il y a des choses toutes simples que les enfants peuvent faire et moi non, comme jouer au football". Il prévient les nouveaux patients qu'ils ont une longue route devant eux, et leur conseille de prendre les choses une à une. "Certaines personnes ont perdu tout espoir. Puis ils me voient (...) et réalisent qu'ils peuvent vivre comme avant, peut-être même mieux".