A sa naissance, Eléonore Laloux a été décrite à ses parents par l'obstétricien comme une « aberration chromosomique », n'ayant que quelques semaines à vivre. Aujourd'hui âgée de 28 ans, elle travaille, habite seule et combat la stigmatisation des personnes trisomiques. A l'occasion de la Journée mondiale de la Trisomie 21, vendredi, la jeune porte-parole du collectif "Les amis d'Eléonore" publie "Triso et alors !" (éditions Max Milo), co-écrit avec le journaliste Yann Barte. Elle y raconte sa vie avec "un chromosome en plus".
Un travail depuis 6 ans
Ses parents se sont toujours battus pour qu'elle soit scolarisée en milieu ordinaire. Elle se souvient des moqueries dans la cour de récréation, quand elle était en classe spécialisée au collège. "On me regardait un peu de travers, un peu méchamment. Dans le car, les grands m'ont mis du chewing-gum dans les cheveux au moins deux fois", témoigne-t-elle auprès de l'AFP. Aujourd'hui, elle s'attire encore parfois des regards insistants quand elle prend le bus pour se rendre à son travail, au service facturation de l'hôpital privé d'Arras (Pas-de-Calais) où elle a un CDI depuis bientôt six ans. "Je les ignore", dit-elle. "Je suis comme les autres, je peux être indépendante et avoir une vie normale". Elle déteste aussi quand on lui parle "gaga". Ce qu'elle préfère au travail, c'est "la mise sous pli et le classement alphabétique". Elle termine son travail à "14h10" et les après-midis sont consacrés à ses diverses activités: "mercredi cours de guitare électrique, jeudi orthophoniste, vendredi kiné".
Son propre appartement depuis 2 ans
Depuis deux ans et demi, Eléonore a son propre appartement dans une résidence intergénérationnelle d'Arras, l'Ilot Bon Secours, où 10 logements sont occupés par des trisomiques, les autres par des personnes âgées et des familles. "Au début, j'étais impressionnée par la hauteur de mon appart, au 4e étage", raconte cette petite femme de 1,41 mètre, vêtue de couleurs vives avec bijoux et lunettes assortis. Elle a aujourd'hui un peu moins le vertige, mais "pour arroser les plantes sur la fenêtre, ce n'est pas encore ça". Elle n'a en revanche pas souffert de la solitude. "C'est plutôt mes parents". Elle rentre chez eux tous les week-ends, "pour faire une coupure".
Avec l'aide d'une auxiliaire de vie
La semaine, une auxiliaire de vie vient l'aider, "une heure par jour sauf le jeudi", à faire le ménage, préparer le repas ou trier ses vêtements. Elle tient à jour des répertoires. "En ce moment, je lis 30 Millions d'Amis. S'il y a un mot compliqué, j'ouvre mon répertoire, je note le mot, je cherche dans le dictionnaire et j'écris la définition. C'est pour faire travailler mon intelligence". "Eléonore n'a pas fini d'apprendre", souligne son père, Emmanuel Laloux, un ancien professeur d'arts plastiques reconverti dans la communication. Il est président de l'association Down Up, partie prenante du projet de l'Ilot Bon Secours, qu'il décrit comme "unique en France".
Vers un maximum d'autonomie
Le projet a été conçu pour amener les jeunes trisomiques "vers l'autonomie", explique-t-il. "L'objectif à terme est qu'ils se créent un tissu social suffisamment important pour que les choses continuent, le jour où on disparaîtra". L'association les aide à travailler sur "l'auto-détermination". "Une personne ayant une trisomie a un lien affectif très fort avec sa famille et ses proches, et souvent ses décisions dépendent de ce lien affectif. On essaie de créer un espace qui leur permette de décider d'eux-mêmes", explique Emmanuel Laloux.
Avec son amoureux
Récemment, Eléonore a passé des examens pour ses problèmes cardiaques, et va peut-être devoir subir une opération "assez lourde et douloureuse. C'est moi qui vais prendre la décision", affirme-t-elle. "Pour l'instant, je ne me sens pas prête". Elle a un amoureux, Robin, également trisomique. "On fait des soirées à deux une fois par semaine, et pas plus. Après, on risque de déborder. Et quelquefois je passe le week-end chez ses parents, il y a une balançoire et une vraie piscine".
« Triso, et alors ! », Eléonore Laloux, co-écrit avec le journaliste Yann Barte, éditions Max Milo, 192 pages, 16 €.