Elisabeth Borne a assuré n'avoir "pas eu l'intention" de "blesser" une auditrice handicapée, à qui elle a suggéré de "peut-être reprendre une activité professionnelle" lors d'une émission sur France Bleu. "Ce que je veux dire c'est que si la personne -Dolorès en l'occurrence- a pu être blessée par mes propos, je le déplore. Je n'ai naturellement pas eu l'intention de la blesser", a déclaré la Première ministre, en marge d'un déplacement à Versailles le 8 juin 2022.
La reprise d'un emploi ?
La veille, Mme Borne avait dialogué avec "Dolorès" qui, émue, l'interpellait sur sa situation personnelle, et notamment sur la "déconjugalisation" de l'allocation adulte handicapé, c'est-à-dire le fait de ne plus tenir compte des revenus du conjoint dans son calcul. Dolorès expliquait qu'elle avait dû arrêter de travailler à la suite d'un très grave accident et que l'AAH lui avait été refusée car les revenus de son conjoint étaient de 1 810 euros par mois. Rappelant que "des aides pour la vie courante", "qui sont pas du tout sous condition de ressources", existaient, la Première ministre a ensuite ajouté : "et il y a la façon dont on peut vous accompagner pour que vous puissiez peut-être reprendre une activité professionnelle. J'imagine que c'est quelque chose que vous pourriez souhaiter et, là, il y a des structures dont c'est la responsabilité". "Reprendre une vie professionnelle, vous savez, quand vous avez un fauteuil...", avait alors répondu l'auditrice en pleurs. Entendant son émotion, Mme Borne a ajouté : "Il ne faut pas considérer que les employeurs doivent fermer la porte à des personnes en fauteuil".
La polémique est lancée...
La réponse de Mme Borne a suscité la polémique, notamment à gauche, dans un contexte avivé par le premier tour des élections législatives du 12 juin. "Technocrate brutale, E. Borne humilie une femme en fauteuil", avait notamment écrit sur Twitter le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon. "Je ne suis pas surprise que Jean-Luc Mélenchon m'attaque et qu'il le fasse de façon violente car c'est un peu sa méthode", a souligné Mme Borne. "J'ai depuis essayé de recontacter (l'auditrice), je n'ai pas réussi à la joindre mais mes équipes ont pu échanger longuement avec elle. Je mesure à quel point cette personne a eu un parcours de vie difficile et je redis qu'il faut l'accompagner, l'aider à surmonter ce moment très délicat pour elle", a-t-elle insisté.
Nul n'est inemployable ?
En d'autres temps, une ministre du travail, Muriel Pénicaud, avait déclaré "Nul n'est inemployable". Sur les réseaux, si certains internautes dénoncent une maladresse, d'autres disent ne pas avoir été "choqués" par les propos de Mme Borne, y voyant un "pas encourageant vers cette auditrice". "Quel est le mal à devoir chercher à reprendre le travail, ou même le supposer ? Personne ne souhaite dépendre à vie d'aide sociale", a par exemple écrit Clark. Pour autant si, dans un monde (idéal ?) de droit commun, l'inclusion passe évidemment par un accès pour tous à l'emploi, la réalité est encore tout autre en cas de handicap, contraignant de nombreuses personnes à faire appel, pour survivre, à la solidarité nationale... ou familiale ! D'où le débat, légitime, sur l'individualisation de l'AAH.
Où en est le débat sur l'AAH ?
"Le gouvernement dispose d'un levier majeur pour répondre à la détresse des allocataires AAH en couple : faire voter le texte de loi de déconjugalisation dans la version amendée par le Sénat et dont l'adoption a été empêchée jusqu'à présent !", a riposté APF France handicap. Pour le Collectif handicaps, la Première ministre ne s'est pas "montrée volontariste sur le fond", surtout après les prises de positions claires de Damien Abad (ex député LR) désormais ministre en charge du dossier et les revirements d'Emmanuel Macron durant la campagne. Ce dernier avait en effet promis en avril de "bouger", une évolution que son gouvernement et sa majorité ont rejetée plusieurs fois l'an dernier (article en lien ci-dessous). Il avait finalement jugé ce "couperet absurde". Cette question, épineuse, reste donc pour le moment en suspens. Elle "pourra être abordée dans les prochains mois", a déclaré Elisabeth Borne.