Selon l'adage « Nothing about us without us » (en français, rien pour nous sans nous), comment favoriser la vie autonome des personnes en situation de handicap ? C'est l'enjeu de la conférence-débat du 24 Juin à Rennes (MJC Villejean), également en distanciel (à voir en replay sur la chaîne Youtube, en lien en fin d'article). Un collectif d'associations de personnes handicapées non-gestionnaires d'établissements médico-sociaux* entend en finir avec des discours et pratiques validistes, en promouvant « les solutions qu'il est temps d'appliquer en France ! », selon les organisateurs.
Des sujets cash !
Au cœur des débats, plusieurs pistes : mettre en place un accompagnement par des aides humaines à domicile, accélérer la désinstitutionalisation (fermeture des institutions et hôpitaux pour personnes handicapées), respecter (enfin ?) la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées ou encore proposer des solutions concrètes pour préserver la capacité juridique... L'angle d'attaque est parfois cash, sans détour. Une association analyse « Le piège de l'habitat inclusif », une autre « La ségrégation par le travail en Esat ». Des témoins, tous handicaps confondus, viendront dire que c'est possible, et comment ça fonctionne.
Pour aller plus loin, six questions à Mathilde Fuchs, membre du CLHEE, co-organisatrice.
Handicap.fr : Cette conférence est une première ?
Mathilde Fuchs : Il y a quelques temps, un autre collectif d'associations avait organisé une conférence à Paris puis nous nous sommes rencontrés durant l'été 2021 autour de l'audition de la France par le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU (article en lien ci-dessous) et avons décidé de continuer à échanger pour imaginer des projets communs.
H.fr : Quel est son objectif ?
MF : Parler de la vie autonome avec l'envie que le débat émerge et pas seulement entre gens déjà convaincus ou initiés. On s'adresse donc à ceux qui connaissent moins ce sujet afin de promouvoir les solutions qui existent en France et ailleurs, encore trop souvent de manière confidentielle. L'invitation a été envoyée à des politiques, des MDPH (ndlr, maisons départementales des personnes handicapées)...
H.fr : Vous ciblez également les associations gestionnaires, envers lesquelles vous vous montrez pourtant souvent critiques...
MF : En effet, car nous sommes ouverts au dialogue. Nous souhaitons partager pour qu'elles comprennent mieux nos positions et qu'elles nous fassent part des leurs. L'idée n'est pas forcément de faire la révolution lors de cette journée mais plutôt d'aider les personnes en situation de handicap à cheminer vers d'autres possibles, qu'elles prennent conscience de toutes les options qui leur sont ouvertes, les amener à réfléchir. J'insiste sur le fait que tous les handicaps sont concernés et pas seulement les personnes les plus autonomes. On veut démontrer que cette vie autonome est envisageable pour tous !
H.fr : C'est vous qui intervenez sur la thématique « le piège de l'habitat inclusif ». Pourquoi le « piège », alors qu'il est aujourd'hui présenté comme un dispositif d'avenir ?
MF : Nous avons déjà fait un webinaire à ce sujet, disponible en ligne sur le site du CLHEE. C'est peut-être une nouvelle forme, en petites unités, mais ça reste une vie communautaire, entre personnes handicapées, chapotée par les institutions du médico-social. Même l'ONU assure que ce système ne respecte pas leurs droits fondamentaux. C'est un sujet largement porté par les politiques publiques mais elles n'entendent souvent que le son de cloche des associations gestionnaires qui restent les principaux maîtres à bord. Notre collectif va donc détailler en tout début de journée des alternatives, via notamment la mise en place d'aides humaines à domicile. Il y aura des témoignages et du concret !
H.fr : Vous parlerez également de « ségrégation par le travail » notamment via l'intervention de Thibault Petit, auteur de Handicap à vendre, brûlot sur la situation des travailleurs d'Esat (Etablissements et services d'aide par le travail) qui avait, en février 2022, suscité une vaste polémique (article en lien ci-dessous). Le concept des Cafés Joyeux sera lui aussi passé au crible.
MF : Pour ce qui est des Cafés Joyeux, alors qu'ils sont en général montrés en exemple pour offrir des opportunités d'emploi aux personnes avec un handicap mental ou autistes en milieu ordinaire (dans des cafés implantés au cœur des villes), notre collectif déplore une représentation désastreuse de ces personnes. Rien que le nom... Il sous-entend que parce qu'on est trisomique on est forcément joyeux ! Ça commence très mal en termes de communication. Et puis toutes les personnes autistes et trisomiques n'auront pas la possibilité d'être serveurs, il ne faut pas en faire une généralité. Donc à part ça ou des Esat, on ne leur propose rien ?
H.fr : Pour finir, qu'attendez-vous du prochain gouvernement, quelle vision, quelle impulsion ?
MF : Il y a tellement de domaines qui doivent changer... Il faut en priorité s'appuyer sur la convention de l'ONU, toujours ignorée de la société et des gouvernements alors que c'est une véritable clé de voûte pour la politique du handicap. Le rapporteur pour la France Jonas Ruskus, membre du Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU, interviendra d'ailleurs dans une interview en différé. Il sera intéressant de comparer avec d'autres pays auditionnés. L'idée étant de définir des pistes et des espoirs...
En pratique
La conférence sera diffusée en direct via Zoom pour pouvoir interagir avec la salle, ainsi que sur YouTube et la page Facebook d'Independent living France (liens ci-dessous). Elle sera enregistrée et les personnes inscrites auront accès aux vidéos. « Malgré nos efforts, pour le moment, il n'y aura pas de sous-titres », précisent les organisateurs.
* Coordination handicap et autonomie (CHA), CLHEE (Collectif lutte et handicaps pour l'égalité et l'émancipation, CLE-autistes, Handi-social, Les Dévalideuses et deux associations internationales : le réseau européen ENIL (Europeen network for independent living) et Independance living institute (ILI)