« Rendre la parole à ceux qui l'ont perdue », telle est l'ambition de l'association EDICO, qui expérimente diverses interfaces cerveau-ordinateur. Pour ce faire, ses ingénieurs s'inspirent du logiciel ACAT, de Stephen Hawking, qui permettait à l'astrophysicien atteint de la maladie de Charcot de s'exprimer grâce à la contraction musculaire d'une de ses joues. Ainsi, Damien Perrier, fondateur de l'association et atteint de la SLA (sclérose latérale amyotrophique), et ses collaborateurs souhaitent améliorer le quotidien des personnes tétraplégiques, aphones ou alitées.
Un diagnostic qui paralyse
SLA, maladie de Charcot ou encore de Lou Gehrig… Plusieurs noms mais un seul et même constat : cette maladie neurodégénérative entraîne une faiblesse musculaire puis une paralysie. Elle atteint les neurones moteurs, chargés d'envoyer les informations et les ordres des mouvements souhaités, du cerveau jusqu'aux muscles. Les cellules nerveuses dégénèrent et finissent par mourir. Sans stimulation, les muscles deviennent inactifs et s'atrophient peu à peu, jusqu'à entraîner la paralysie. Stephen Hawking est décédé le 14 mars 2018 des complications liées à cette maladie mais il a laissé un remarquable héritage à ses pairs.
Et Intel créa… ACAT
Celui que l'on surnommait « l'autre Einstein » avait une caméra fixée sur les lunettes qui captait les mouvements de son visage. Il pouvait ensuite sélectionner une lettre sur le clavier numérique qui apparaissait sur l'écran de son ordinateur, fixé à son fauteuil roulant. Un système prédictif lui proposait alors deux types de mots : ceux utilisés le plus fréquemment ou ceux associés aux termes précédents. L'entreprise américaine Intel est à l'origine de ce bijou technologique. Elle a d'abord conçu le logiciel ACAT pour l'astrophysicien, avant de le rendre public. Il est donc téléchargeable gratuitement et en open source, une méthode qui permet à quiconque de l'utiliser. En le mettant à la portée de tous, Intel espérait que des développeurs amélioreraient le système, en créant par exemple de nouvelles interfaces.
Un nouvel élan technologique
L'association EDICO a ainsi repris le flambeau et propose une nouvelle approche. Le « cobaye », comme il se définit lui-même, n'est autre que Damien Perrier. Cet ingénieur en physique est tétraplégique et aphone, seuls ses yeux bougent, et c'est donc grâce à eux qu'il s'exprime. Sur son ordinateur, une caméra détecte ses mouvements oculaires, lui permettant de « cliquer » sur des lettres et même des mots. Mais Damien a d'autres ambitions… . Son voeu le plus cher : écrire par la pensée. Alors, chaque semaine, il teste un nouveau dispositif. Muni d'un casque doté de quatorze électrodes qui enregistre l'activité de son cerveau, il pense à une lettre et, après un gros effort de concentration, la voit s'afficher sur son écran. Pour communiquer avec le logiciel ACAT, le dispositif est un peu différent. Damien et ses amis utilisent un bandeau électroencéphalographe (EEG) muni de deux électrodes reliées à une carte électronique qui mesure leur signal cérébral. « Notre bandeau EEG 'fait maison' détecte le signal cérébral et l'envoie à l'ordinateur où il est analysé et transformé pour déclencher l'interruption dans le logiciel ACAT. Quand je lève le sourcil, le signal cérébral se transforme, ce qui me permet d'écrire », explique Damien Perrier.
Un projet récompensé
Quatre ans de recherche ont été nécessaires pour mettre au point ce logiciel. Seul bémol : avec une lettre inscrite toutes les 16 secondes, il est trop fatigant pour être utilisé en permanence. Mais Damien ne compte pas en rester-là… « Mes amis ingénieurs, Samuel Bernardet, Christian Martel et moi-même, ne sommes pas des hurluberlus, affirme-t-il. Notre projet d'écriture par la pensée avec un casque EEG a reçu de nombreuses récompenses parmi lesquelles le prix Pierre Dumas 2018 de l'Institut de France et celui de la société des membres de la légion d'honneur la même année. ».