Salon du livre de Paris : une maison d'édition à part

Parmi les petites maisons d'édition présentes au salon du Livre de Paris, "Les doigts qui rêvent" est spécialisée dans les livres tactiles pour enfants aveugles et malvoyants, niche délaissée par les grands éditeurs.

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TALANT (France / Côte d'Or), 26 mars 2013 (AFP) -
Dans ses locaux à Talant, près de Dijon, les placards débordent de textures et de couleurs. Laine polaire, coton, velours, papier peint, plumes, poils de balais... Il y a même une matière, à la recette secrète, qui recrée au toucher le crissement des pas sur la neige.
Solène Nègrerie, la responsable de création, écume les magasins de bricolage et de loisirs créatifs à la recherche de la matière qui permettra à l'enfant de se représenter un objet ou une émotion.
"Les matières racontent quelque chose", dit-elle. "Vous avez le texte en gros caractère, le braille et toutes les illustrations sont tactiles", et chaque personnage de l'histoire est identifié par une matière, explique-t-elle. Un méchant loup sera représenté avec du papier de verre, son sympathique alter ego écopera d'une fourrure douce.
L'association est née du constat de l'absence de livres adaptés aux enfants aveugles ou déficients visuels.
Au début des années 1990, "on m'a envoyé dans une classe d'enfants aveugles à Dijon. Je ne savais pas comment m'y prendre, je n'avais pas de livres. J'ai commencé à bricoler des choses...", explique Philippe Claudet, l'instituteur à l'origine de l'association qui a lancé ce projet.
"On est parti comme des joyeux drilles, on ne savait rien. On n'avait pas un rond, pas d'adresse, rien", décrit-il. Il a fini de fabriquer les commandes du premier livre, "Au pays d'Amandine... dine dine", avec son épouse, dans son jardin.
La fabrication, toujours manuelle, est confiée à des personnes en insertion. Le processus s'est rationalisé au fur et à mesure et le produit fini n'a plus rien à voir aujourd'hui avec les bricolages des débuts.
"Maintenant on exporte aux Etats-Unis, en Allemagne, peut-être bientôt aux Pays-Bas, aux Emirats arabes unis et au Chili", énumère M. Claudet, qui se revendique comme l'"unique structure de production d'albums tact-illustrés au monde".
"Nous avons toujours le statut d'association, sommes toujours militants, mais on a un côté entreprise maintenant. Il faut un certain volume de production pour équilibrer l'atelier", ajoute-t-il.

 

Les livres, vendus 66 euros en moyenne, coûtent 130 euros à produire.

 

L'association dépend donc en grande partie des subventions des collectivités locales et du ministère de la Culture.
Environ 1,7 million de personnes seraient déficientes visuelles (soit 2,9 % de la population) en France métropolitaine, selon une enquête conduite par l'Insee de 1998 à 2001. Ce handicap est relativement rare chez les enfants, sa prévalence variant selon les auteurs entre 0,5 et 2 pour 1.000.
"C'est un marché de niche qui n'intéresse pas les éditeurs" traditionnels, estime Delphine Houel, documentaliste à l'Association nationale des parents d'enfants aveugles.
Il est pourtant nécessaire de favoriser l'"émergence de la conscience de l'écrit" chez les enfants aveugles, énonce Philippe Claudet.
Les aveugles ont une "expérience beaucoup plus limitée qu'un enfant du même âge", souligne-t-il. Tout petit, un voyant baigne dans l'écrit, associe les signes aux mots et au langage. Un aveugle doit prendre conscience des actes de lire et d'écrire.
L'instituteur, devenu éditeur à temps plein, insiste aussi sur la nécessité de former les enseignants: "Si vous ne faites pas des choses au bon moment pour les enfants, après c'est trop tard", dit-il.
"L'objet livre est important pour la scolarité future, abonde Delphine Houel. Il s'agit de permettre à l'enfant d'accéder à la scolarisation comme tout le monde, d'avoir accès aux mêmes codes sociaux, aux mêmes références culturelles".
myl/dth/jmg

 

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