Aidants, un enjeu social, familial et humain

Plus de huit millions de Français prennent soin régulièrement d'un proche dépendant, âgé ou handicapé, souvent au prix d'une éprouvante mise entre parenthèses de leur vie professionnelle et sociale

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Paris, 06 oct 2013 (AFP)

"J'ai fini par ne plus sortir, je me suis coupée complétement de la société pendant trois ans (...) j'en ai énormément souffert, c'est très dur", confie Catherine, 63 ans.

Elle a accueilli pendant les neuf dernières années de sa vie sa mère, Anne-Marie, octogénaire sous oxygène et alitée qui nécessitait une attention de tous les instants. Malgré l'assistance des aides soignantes, Catherine, retraitée, s'est totalement dévouée.

Comme elle, environ trois Français sur dix disent prendre ou avoir déjà pris soin d'un proche âgé, en perte d'autonomie, ayant besoin d'une aide au quotidien, révèle un sondage Opinion Way pour l'association Le Parloir, publié dimanche à l'occasion de la journée nationale des aidants.

Ils sont 8,3 millions en France à aider régulièrement au moins un de leurs proches pour raison de santé ou de handicap, selon la dernière enquête Handicap-Santé de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Parmi eux, 4,3 millions aident une personne de plus de 60 ans.

"Ne pas oublier qu'on a tous une seule vie"

Patricia, 41 ans, a quitté son emploi d'auxiliaire de vie il y a une dizaine d'années, quand le cancer du sein de sa mère a été diagnostiqué. 

Pendant deux ans, elle n'a "pas pu souffler".
Selon une étude de l'Association des Paralysés de France (APF) publiée vendredi, une personne interrogée sur deux déclare que son rôle d'aidant est préjudiciable à sa carrière.
Seuls 37,5% exercent une activité professionnelle et parmi les autres, 14% disent avoir été contraints d'arrêter de travailler. Plus de 80% des personnes interrogées jugent leur vie sociale et leur santé physique particulièrement affectées.

"Je me déconnectais de ma vie de famille, quand j'étais là-bas je ne vivais que pour elle", se souvient Patricia, mère de famille installée à Colmar. 
"Quand je rentrais le soir je faisais en sorte que les enfants soient couchés pour décompresser par les larmes, par la colère", confie-t-elle.

Michèle, 72 ans, a accompagné son mari atteint d'une maladie neuro-dégénérative pendant plus de deux ans, avant de le perdre cet été. "Les gens vous disent +ménagez-vous+ mais ce n'est pas possible, je me suis physiquement dégradée", confie-elle.

Comme Catherine, qui dit s'être négligée pour aider sa mère. Son état de santé s'est aggravé jusqu'à ce qu'elle soit immobilisée par une hernie discale. "J'étais au maximum, le corps a parlé de lui-même".
Sa mère est alors placée en établissement spécialisé, où elle décède au bout de quatre mois. "C'est un déchirement total, tant d'années passées ensemble, ce n'est pas pour une telle fin", lâche Catherine.
Quand Patricia a perdu sa mère à la suite d'un cancer foudroyant, elle n'a "pas échappé à la dépression". Ses enfants l'ont aidée à refaire surface.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) signalait en 2011 qu'il existait "une prévalence des problèmes de santé mentale supérieure de 20% chez les aidants familiaux à ce qu'elle (était) chez les non-aidants".

Pour cette organisation, qui réunit 34 pays riches, ce phénomène s'explique par le fait que "s'occuper plus de 20 heures par semaine d'une personne âgée est physiquement dur et mentalement stressant".
"Il faut trouver un juste partage entre vie de famille et vie avec l'aidé", conseille Daniel Sabouret, 70 ans. Installé à Paris, il a vécu 3 mois chez sa mère nonagénaire en Lorraine avant de la placer en maison de retraite: "Je me suis protégé", explique-t-il.

"Il ne faut pas s'oublier, et surtout ne pas oublier qu'on a tous une seule vie: autant ceux que vous chérissez que vous-même", souligne Catherine.

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