PARIS,
"A droite", "cherche les lignes", "cherche la porte" ... Depuis un an et demi Gaëlle Reynaud se laisse conduire dans Paris par Filou, labrador de 3 ans. Un "changement radical" dans la vie de cette jeune femme de 21 ans mais qui ne concerne encore qu'une infime minorité de malvoyants.
"Avant, j'avais des moments d'angoisse, je paniquais et je me disais +il faut que je me plonge dans Paris avec mon bâton+", raconte l'étudiante qui s'est installée seule à 18 ans, pour entamer une licence de psychologie dans la capitale.
Mais le quotidien de Gaëlle a changé depuis qu'elle a adopté Filou en février 2012. "Ça a été un coup de foudre, il est très franc du harnais, c'est une force tranquille", dit-elle avec affection, son chien allongé à ses pieds à une terrasse de café.
"Les déplacements sont tellement plus fluides, avant avec la canne je devais toucher les obstacles, alors que le chien les évite", observe celle qui se sent désormais plus en sécurité et sort davantage.
"Un chien guide offre la liberté, apporte plus de confort, de sécurité et d'autonomie aux personnes déficientes visuelles", confirme Paul Charles, président de la Fédération française des associations de chiens guides d'aveugles (FFAC), qui organise la deuxième édition de la semaine du chien guide d'aveugle, du 23 au 29 septembre.
Selon la FFAC, seul 1% des personnes décifientes visuelles bénéficie d'un chien guide, ce que la fédération juge très insuffisant. Chaque année, 200 chiens sont remis gratuitement à des personnes malvoyantes.
Au-delà des déplacements, Filou offre un confort de vie à Gaëlle: il "prend les choses en charge" et lui indique les distributeurs de billets, les sièges libres dans le métro, les passages pour piétons. Sa maîtresse devient de ce fait "plus disponible, plus détendue".
"Le changement est aussi radical pour la confiance en soi, j'arrive à m'occuper d'un chien, on crée et on entretient un lien malgré la cécité", dit-elle.
La présence du chien aide aussi à nouer de nouvelles relations sociales, "les gens viennent plus facilement vers le labrador que vers la canne", sourit la jeune femme brune pour qui le plus "flagrant c'est en amphi à la fac, les autres viennent me voir pour me dire qu'il est beau, ou qu'il est vraiment sage".
Accès - presque - libre aux lieux publics
Les chiens guides ont été dressés pendant des mois, pourtant certaines personnes s'en méfient encore. En théorie, le chien et son maître peuvent entrer librement dans tous les lieux ouverts au public : commerces, cinémas, salles de spectacles, et hôtels.
Pourtant 15% de ces espaces restent difficiles d'accès, affirme Jean-Pierre Soro, président de l'Association nationale des maîtres de chiens guides d'aveugles (ANMCG), qui pointe particulièrement les hôtels, les chambres d'hôtes et les taxis.
"Il y a une nette amélioration depuis que les chiens guides circulent mais il reste du travail", estime M. Soro, qui vise l'objectif de "0% de refus"
d'accès aux lieux publics.
Gaëlle et Filou ont été victimes de ce type de discrimination dans un restaurant, un épisode réglé par les gendarmes. "Mais on ne peut pas toujours se battre", regrette la jeune femme.
Dimanche 29 septembre, les dix écoles membres de la FFAC ouvriront leurs portes au public proposant des démonstrations, notamment des exercices d'éducation des chiens et des ateliers sensoriels.
"Les demandes de chien ont augmenté dans nos écoles depuis trois ans, surtout à Paris, et nous devons continuer d'informer les déficients visuels des bienfaits de l'animal dans leur quotidien", explique Paul Charles.
En France, 65.000 personnes sont aveugles et près de 2 millions malvoyantes.