Il y a cinq ans, Fabienne Haustant a troqué sa canne blanche contre un chien guide. Danseuse professionnelle devenue quasiment aveugle, elle dit avoir "retrouvé l'équilibre" depuis qu'elle a adopté Finley. "Depuis qu'il est là, il gère tout l'environnement. Moi, j'ai les yeux plaisir", raconte à l'AFP cette femme de 44 ans atteinte de rétinite pigmentaire, maladie qui lui fait perdre progressivement la vue.
Peu consciente de son handicap
Aperçue dans plusieurs émissions de télévision, Fabienne, longs cheveux noirs et silhouette élancée, a débuté sa carrière à 17 ans en participant à des spectacles et des concerts, peu consciente de son handicap. "J'ai mis du temps à me rendre compte que j'étais vraiment bigleuse", poursuit-elle, son golden retriever à la robe dorée assoupi à ses pieds dans un café parisien. "Adolescente, je vivais dans ma bulle. Je pensais que tout le monde voyait comme moi, c'est-à-dire pas grand-chose sur les côtés". Cette prise de conscience tardive lui permet de ne jamais penser que "ne pas voir, c'est la fin du monde". Et elle a aussi rassuré la "mauvaise élève" qu'elle était, qui a "beaucoup redoublé".
Ne dépendre de personne
Néanmoins, elle la contraint vite à adopter une canne blanche pour se déplacer. "Pendant huit ans, ma canne a été ma meilleure amie. Mais je trouvais que ça renvoyait une image négative", poursuit cette fan de mode, pull noir à col Claudine, grosses créoles et lunettes noires stylées. "Prendre un chien a été le fruit d'une longue réflexion car je ne voulais dépendre de personne". Finalement, après 18 mois d'attente -durée moyenne pour accueillir un chien- elle a le "déclic" en 2012 pour un golden, tout juste sorti de sa formation de chien guide d'aveugle. "Entre nous, il y a eu une connexion", explique-t-elle. "Finley, il est aussi zen que je suis speed. C'est mon binôme de choc, c'est mes yeux".
Des ateliers de danse
Dans des soirées, des avions, des métros, au cinéma, à la piscine, devant le distributeur de billets le plus proche ou à la danse, il l'accompagne depuis partout et répond à "plus de 50 ordres". "Sa présence me rassure, m'équilibre", décrit-elle, se sentant désormais "plus normale" que lorsqu'elle avait une canne. En 2012, au moment où Finley arrivait, elle a monté son association Danse les yeux fermés (lien ci-dessous) pour proposer des cours aux voyants et non-voyants. Dans ses ateliers, où l'on évolue les yeux bandés, elle a banni les miroirs, guidant ses élèves avec la voix pour favoriser "le lâcher prise". "Ne pas voir, ni se voir, permet un autre rapport à l'espace, aux mouvements", décrit-elle.
Marraine de la Semaine du chien guide
Fabienne, qui a perdu la vue de l'oeil droit il y a quatre ans, n'a aujourd'hui qu'un tout petit champ visuel à gauche. "Ce restant, il me sert à engranger des images pour l'après", dit sans ambages celle qui ne voit "que le nez" de ses interlocuteurs, consciente que d'ici peu elle ne verra plus son fils, son mari ou les rues de Paris qu'elle adore. Marraine de la 6e Semaine nationale du chien guide (article en lien ci-dessous), organisée du 17 au 24 septembre par la Fédération française des associations de chiens guides d'aveugles (FFAC), cette ancienne candidate de La France a un incroyable talent a mis sa notoriété au service de ceux qui aident les déficients visuels.
Bientôt la retraite ?
"Avoir un chien guide, c'est un vrai don. Je ne les remercierai jamais assez", justifie-t-elle. Entre sa huitième et sa dixième année, Finley devra passer une visite médicale pour évaluer sa condition physique et peut-être quitter Fabienne. "C'est le deal de départ, il ne m'appartient pas", relativise-t-elle. "Après une vie trépidante avec moi, il aura bien mérité de vieillir tranquille". Aucun doute, elle poursuivra la route avec un autre chien.
Par Jessica Lopez
© Joëlle Dollé (photo debout)