* Président d'Handi pop', élu du 10e arrondissement de Paris et ex secrétaire national Les Républicains en charge du handicap.
Handicap.fr : Début septembre 2015, le Front national tente de débaucher trois présidents de mouvements associés aux Républicains. Deux cèdent à la tentation, vous résistez… Pourquoi, selon vous, avez-vous été sollicité ?
Frédéric Bouscarle : Peut-être parce qu'Handi pop', le mouvement associé aux Républicains dont je suis fondateur et président depuis 2006, représente potentiellement 10% de l'électorat, à savoir les citoyens en situation de handicap. Tout comme Sébastien Chenu, président de Gaylib, représente la communauté homosexuelle ou encore Franck Allisio, les Jeunes Actifs. Tous deux ont fait le choix de rejoindre les rangs du FN. Je n'ai, pour ma part, pas accepté la proposition car je ne partage pas leurs convictions ; et pourtant on me proposait une 3e place sur la liste FN à Paris aux régionales de décembre 2015 et la présidence du collectif handicap au sein de ce parti.
H.fr : Ces propositions alléchantes n'avaient donc aucune chance de vous séduire ?
FB : Je refuse de quitter ma formation politique pour un mouvement dont les grandes orientations sont radicalement opposées aux nôtres, même si ces ralliements à Marine Le Pen illustrent les dysfonctionnements de notre parti. Les mouvements associés, formés entre 2002 et 2006, accusés par certains d'être des coquilles vides pour justifier leur mise à l'écart, sont presque tous en voie de décomposition. Il n'est donc pas étonnant que leurs représentants soient débauchés ou au moins approchés par les équipes de Marine le Pen. Blâmer l'opportunisme de certains ne suffit pas. Il convient d'engager une réflexion sur le fonctionnement des Républicains, sur le manque d'ouverture dont font preuve certains de ses dirigeants et sur l'ostracisation dont sont frappés les mouvements associés, lesquels ont pourtant fait bloc derrière Nicolas Sarkozy en 2007.
H.fr : Que pensez-vous de la politique du Front national en matière de handicap ?
FB : La volonté du FN, c'est d'abord de s'occuper des handicaps lourds et ensuite des handicaps légers. Mais c'est quoi un handicap léger ? Ça manque vraiment de sérieux. Une situation de handicap, c'est un handicap, point barre. Il n'y a pas de plus et de moins. Créer de la discrimination au sein des personnes handicapées, je ne vois pas bien où ça mène. Je vais vous donner un autre exemple ; lors de leur congrès, en décembre 2014, Joëlle Mélin, députée européenne FN, a déclaré qu'il fallait limiter le nombre de migrants et favoriser les personnes handicapées. Mais je ne vois pas le rapport ; ce qui me gêne, c'est cette volonté, notamment lorsqu'il est question de solidarité, de créer des catégories et d'opposer les uns aux autres.
H.fr : Nicolas Sarkozy a-t-il été averti de cette tentative ?
FB : J'ai tiré la sonnette d'alarme en disant « Attention, le FN nous drague » mais aucune réponse de la part des Républicains. Le directeur général adjoint de notre parti a sous-entendu que je cherchais à intriguer pour qu'on me propose une place lors des régionales mais ce n'est pas le cas. Et puis, après tout, quand bien même ? Pourquoi n'y aurait-il pas un élu en situation de handicap (NDLR : Frédéric Bouscarle est lui-même déficient auditif) sur leurs listes pour, encore une fois, porter la parole des personnes concernées. La Région, ce sont les transports, les logements et la formation professionnelle... Ne croyez-vous pas qu'il y a du pain sur la planche ?
H.fr : Vous avez le sentiment que la question du handicap est négligée par Les Républicains ?
FB : Depuis 2010 et jusqu'en juin 2014, Handi pop' siégeait au sein du bureau politique de l'UMP mais en a été exclu. C'est regrettable car ce mouvement, qui compte tout de même plus de 3 000 adhérents, aurait pu mener des actions de sensibilisation auprès des députés et sénateurs, notamment sur la question de l'accessibilité. Alors je vais le dire clairement, le handicap chez Les Républicains, on ne s'en préoccupe pas plus que cela.
H.fr : Pourtant, toutes les grandes lois handicap ont été votées par des gouvernements de Droite et Nicolas Sarkozy est à l'origine de la réévaluation de l'AAH de 25%...
FB : Oui, par le passé, la Droite a toujours porté des actes forts dans ce domaine et c'est pour cette raison que je suis si déçu. Aujourd'hui, la voix des personnes handicapées n'est pas entendue. J'ai été remplacé par Sophie Gaugain au poste de secrétaire nationale Les Républicains en charge du handicap ; cependant, je souhaiterais continuer à travailler, tout comme l'équipe d'Handi pop', pour faire des propositions pour notre parti, organiser des « rencontres du handicap ».... Aujourd'hui, nous ne sommes plus entendus et ce désengagement sur le handicap a tout lieu de m'inquiéter. Souvenez-vous, handicap.fr avait sollicité les chefs de file des trois partis en tête des élections départementales en 2015 (article en lien ci-dessous) et, en dépit des promesses, Nicolas Sarkozy avait été le seul à ne pas répondre à votre demande…
H.fr : En tenant de tels propos, ne craignez-vous pas de déplaire à votre parti ?
FB : Mon âme n'est pas à vendre. Je suis là pour faire avancer la politique du handicap. Je dis lorsque les choses vont bien mais aussi lorsqu'elles vont moins bien. Je fais mon devoir, sans calcul carriériste. Le vrai souci, c'est que les élus s'occupent aujourd'hui un peu trop des primaires et de leur propre réélection mais, en attendant, il y a des Français qui souffrent. Or les personnes en situation de handicap ne sont pas des citoyens de seconde zone. Quant à ne pas rejoindre le FN, j'en suis fier !