Pretoria
Oscar Pistorius, dont le procès pour le meurtre de sa petite amie a repris lundi, a été déclaré sain d'esprit et pénalement responsable par les trois psychiatres et le psychologue chargés de
l'examiner pour lui assurer un jugement équitable.
"M. Pistorius ne souffrait pas d'un trouble mental ou d'une infirmité qui l'aurait rendu pénalement irresponsable de l'acte dont il est accusé", selon ces quatre experts, dont les conclusions unanimes ont été communiquées à la reprise de l'audience à Pretoria.
"M. Pistorius était en mesure d'apprécier que ce qu'il faisait était mal", a ajouté le procureur Gerrie Nel, donnant lecture de cette contre-expertise de santé mentale qu'il avait lui-même réclamée et qui a provoqué un long ajournement du procès depuis le 20 mai.
Le champion paralympique sud-africain âgé de 27 ans n'a lui-même jamais mis en avant un quelconque trouble psychique pour expliquer les circonstances du meurtre. Accusé d'avoir sciemment tué Reeva Steenkamp sous l'emprise de la colère, il affirme depuis le début qu'il se croyait attaqué par un cambrioleur entré par la fenêtre de sa salle de bains.
Selon sa version, il a tiré quatre fois de suite sur la porte fermée des toilettes, après avoir paniqué et sans savoir que sa jeune conquête, une mannequin blonde de 29 ans, s'y trouvait. A l'appui de sa version, sa défense a fait citer à la barre en mai une psychologue sud-africaine venue affirmer que Pistorius, qui vivait constamment armé, souffrait d'un trouble anxieux généralisé remontant à l'enfance, à son handicap et aux peurs de sa propre mère qui buvait et dormait avec un pistolet sous l'oreiller par hantise d'une agression.
Mais ce tableau psychologique d'un Pistorius maladivement anxieux ou dérangé au point de ne pas savoir ce qu'il faisait quand il a tiré a été invalidé par les experts, privant Pistorius de possibles circonstances atténuantes.
Le sportif double amputé, mondialement connu pour sa participation aux jeux Olympiques de Londres 2012 avec les valides, reste passible de la prison à vie, soit vingt-cinq ans de réclusion incompressible.
"C'est étonnant"
Le parquet, qui accuse Pistorius de fuir ses responsabilités, a joint au dossier d'autres infractions à la loi sur le port d'armes commises avant le meurtre, et réuni contre lui le témoignage de plusieurs voisins ayant entendu une femme hurler à l'aide.
L'accusation a aussi produit des messages retrouvés dans le téléphone portable de Reeva prouvant que le sportif avait une propension à se montrer égocentrique, instable et dominateur.
Pistorius connaissait Reeva Steenkamp depuis trois mois quand il l'a abattue chez lui, aux premières heures de la Saint-Valentin 2013. Lors de son interrogatoire en avril, il a dit avoir fait "une terrible erreur", demandé pardon et aussi suggéré qu'il n'était pas rationnel lorsqu'il avait déchargé son 9 mm, déclarant "n'avoir pas eu le temps de réfléchir" et avoir tiré "par accident".
"Je n'avais pas l'intention de tuer Reeva, ni personne d'autre", a-t-il soutenu face au procureur qui l'a accusé de mentir.
Lundi, 34e jour d'un procès commencé le 3 mars et dont le calendrier final reste imprévisible, la parole est restée aux témoins de la défense, notamment Ivan Lin, un ingénieur acousticien, chargé de jeter le doute sur le témoignage des voisins: "Personne sans exception ne peut distinguer, avec fiabilité, les cris d'un homme ou d'une femme", a-t-il assuré.
Le chirurgien orthopédique Gerald Versfeld, vieille connaissance de Pistorius puisque c'est lui qui l'a amputé de ses deux pieds lorsqu'il était âgé de onze mois, avait auparavant expliqué combien son ancien petit patient, devenu une bête de compétition et six fois médaillé d'or, restait vulnérable sans ses prothèses jambières.
Né sans péronés, Pistorius porte pour l'athlétisme des lames de carbone en forme de pattes de félin dont il a obtenu l'homologation après une mémorable bataille avec la justice sportive. "C'est étonnant", a ironisé le procureur Nel, après que l'accusé, tendu, eut été prié par son docteur de soulever son pantalon pour montrer à la Cour à quoi ressemblaient ses moignons. M. Nel a fait observer que la nuit du meurtre, Pistorius avait pu, selon sa propre version, marcher sans prothèse jusqu'à la salle de bains, tirer quatre fois de suite, revenir dans sa chambre à coucher, sans vaciller, et "tout ça dans le noir".