Si tant est que ce soit un sacré défi, il ne viendrait à l'idée de personne de refuser l'accès des transports en commun à un fauteuil roulant. Mais qu'en-est-il pour les scooters électriques ? Ces petits véhicules à trois ou quatre roues sont prisés en général des personnes qui conservent un reliquat de marche et dont le handicap ne nécessite pas l'usage d'un fauteuil. C'est à cette épineuse question que le président du SMTC, autorité organisatrice des transports sur l'agglomération grenobloise, est invité à répondre. Une lettre lui a été adressée le 10 avril 2018 par le Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits (CDTHED), situé à Echirolles (38).
Question de sécurité ?
A Grenoble, la discussion a débuté en novembre 2016 au sein de la Commission Accessibilité du SMTC mais reste pour le moment au point mort. Deux réunions en 2017. "A chaque fois, ses services nous présentent un comparatif avec les autres réseaux de transports en commun mentionnant uniquement quatre d'entre eux, qui tous interdisent l'accès de ces scooters électriques pour personnes à mobilité réduite : trois en France (Lyon, Strasbourg, Tours) et un en Belgique flamande (Lijn)", explique le CDTHED. Plus tard, ils disent attendre une réponse de l'IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux) pour connaître l'état de leurs recherches dans ce domaine. Le plus souvent sont invoquées de questions de maniabilité, d'encombrement ou de vitesse, or cette dernière reste identique à celle d'un fauteuil électrique.
Le CDTHED mène l'enquête
Face à cet immobilisme, teinté de mauvaise volonté, et un compte-rendu de réunion "truffé d'inexactitudes grossières", le Comité décide de mener sa propre enquête. Une utilisatrice écrit à tous les réseaux de transport qui possèdent, notamment, un tramway, espérant une réponse officielle. Sur les 28 (Grenoble inclus) consultés, 14 acceptent de transporter les scooters exactement dans les mêmes conditions que les fauteuils roulants électriques et 12 refusent formellement. Un n'a jamais répondu et un dernier fait référence à des "normes européennes", sans être en mesure de les citer. Pourtant, il n'y a aucune différence sur les modes de transport utilisés : métro, tram, bus… Dans ces conditions, pourquoi seulement la moitié ? Pourquoi un non à Grenoble ? Pourquoi un oui à Toulouse ?
L'exemple de Paris
Qu'en-est-il, par exemple, à Paris ? Les scooters sont acceptés sur le réseau métro et tramway répond officiellement la RATP. Le hic, c'est qu'ils ne le sont pas tous sur le seul moyen de transports qui soit véritablement accessible dans la Capitale, à savoir le bus. Des restrictions s'appliquent selon leur taille. "Sur le réseau de bus, la RATP n'est pas tenue d'assurer un accès aux personnes équipées d'un scooter d'aide à la mobilité dépassant la charge supportable par les palettes de 350 kg et le gabarit d'encombrement d'un fauteuil roulant de 0,75 m de largeur X 1,25 m de longueur", répond la régie parisienne. En réalité, le poids n'est pas une restriction car aucun véhicule PMR n'approche les 350 kg (même en comptant le conducteur), exceptés certains destinés à rouler uniquement en extérieur et à des vitesses largement supérieures à 10 km/h (sortes de buggys…). Concernant les dimensions réglementaires, elles correspondent à celles d'un gros fauteuil roulant électrique. Même si certains peuvent atteindre 1,45 m (on parle toujours de véhicules dont la vitesse est limitée à 6 ou 10 km/h), la plupart s'avèrent plus petits.
Les mêmes règles pour tous, non ?
"Compte tenu des exemples à l'étranger allant dans le même sens, par exemple à Londres et Bruxelles, il semble donc évident qu'il n'y a pas d'impossibilité juridique à l'acceptation des scooters électriques pour PMR dans le réseau grenoblois", conclut le CDTHED. Il apparait en effet, "jusqu'à preuve du contraire", que les réseaux qui acceptent et ceux qui refusent sont soumis aux mêmes contraintes réglementaires. "On peut également supposer que les services juridiques de Bordeaux et Toulouse, qui les acceptent, ont une certaine compétence en matière de responsabilité et d'assurance…", ironise l'association. À la lumière de ces éléments, qualifiés "d'objectifs", et déplorant des "explications à géométrie variable", elle renouvelle donc sa demande et attend des réponses concrètes. D'autant qu'à Grenoble ce type de scooter n'est pas davantage accepté par le service de transport adapté à la demande PMR également géré par le SMTC (via la Semitag). Ce dernier s'était engagé à examiner "rapidement" la question. C'était le 27 juin 2017. Pour le moment, les scooters PMR grenoblois n'ont donc que leurs roues pour aller de l'avant...
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