« Aujourd'hui, vous avez rendez-vous avec l'exception ! » Le ton de la cérémonie des Trophées H'up 2021 est donné. Après une 3e édition en distanciel, la faute au Covid-19, la crème de la crème des entrepreneurs en situation de handicap s'est de nouveau réunie dans la salle du Carreau du temple, à Paris, le 2 novembre. Pauline Arnaud-Blanchard, directrice générale de H'up entrepreneurs, et Marc Périé, directeur général de TAB France, sont les maîtres de cérémonie de cette 4e édition ; accompagnant tous deux les entrepreneurs, ils se « tirent régulièrement la bourre » au cours de la soirée, en toute bienveillance bien entendu (ou pas). Ils ont promis de « l'exceptionnel », le public est servi... Humour, « good vibes », encouragements, espoir et promesses sont au rendez-vous de cet évènement devenu incontournable qui vise à faire rayonner 80 000 « handipreneurs » français. Parmi eux, six ont été récompensés pour leur parcours particulièrement inspirant...
Entrepreneure de l'année : Anne-Sophie Tuszynski – Wecare@work
Après un débat houleux de près d'1h30, le jury a tranché. L'entrepreneur de l'année est... « En fait, il n'y en aura pas cette année parce que la place me va bien », sourit Anthony Martins-Misse, lauréat 2020 qui codirige TRG (The retailers group) France, une société de conseils en affaires et gestion. Ce prix est particulièrement important, selon lui, car il revêt un pouvoir, celui de toucher le cœur des gens et de changer leur regard. « Je ne me sens pas handicapé mais je le deviens chaque fois que je heurte le regard des autres », explique l'entrepreneur déficient visuel. Il incite ensuite les lauréats, et les autres, à rejoindre le « cercle des entrepreneurs » qu'il a développé pour « networker » et échanger « car l'entrepreneuriat est un sport d'équipe ». « Souvenez-vous, l'impossible est à l'illusion ce que le possible est à la magie », conclut-il, avec un air « rochetien » (en référence à Didier Roche, fondateur de H'up), avant de remettre le fameux trophée à Anne-Sophie Tuszynski.
1 000 diagnostics de cancer tombent chaque jour, en France. 40 % des personnes touchées ont un emploi mais un tiers d'entre elles finiront par le quitter, en moyenne, dans les deux années qui suivent. Anne-Sophie est passée par là. A 29 ans, son monde s'écroule. Après plus de 20 ans à des postes de direction au sein de grands groupes, elle contracte un cancer en 2011. Pleine de ressources, elle décide rapidement de prendre le taureau par les cornes et obtient le statut de travailleur handicapé. Après une année de traitement, elle quitte finalement son travail et fonde Cancer@work, une association qui agit pour favoriser l'inclusion des personnes malades dans le monde du travail. En 2019, elle développe un cabinet de conseil et de services aux entreprises, Wecare@Work, via lequel elle développe des outils à destination du grand public comme la plateforme « Allo Alex ». Cette « cancer survivor » livre aujourd'hui un message d'espoir à tous ceux qui sont frappés par une maladie ou un handicap, les incitant à « oser » l'entrepreneuriat, qui permet, selon elle, de « créer de la valeur humaine, sociale, économique et sociétale ».
Créateur en herbe et Prix du public : Caroline Fruchaud – Hostobox
Deux trophées pour le prix d'un ! Caroline Fruchaud se distingue dans la catégorie « créateur en herbe » mais s'attire également les bonnes grâces du public, ce prix lui étant remis par Gilles Barbier, fondateur de Handicap.fr. C'est au cours d'une hospitalisation que l'idée de cette « jeune pousse » survient. Après un accident l'ayant rendue paraplégique, Caroline se voit offrir par ses proches des boîtes cadeaux faites maison et personnalisées qui l'aident à se reconnecter avec son corps. Pour permettre au plus grand nombre de profiter de cette expérience, elle fonde Hostobox, des boîtes cadeaux « made in France » et à faible impact environnemental pour les personnes hospitalisées, qui contiennent des produits alimentaires et d'hygiène, des cosmétiques, des jeux, des défis, etc.
Entrepreneur créateur : Valentin Duthion – Le Regard français
En 2019, Valentin Duthion crée Le Regard français, une marque de vêtements « handi-responsable » qui valorise les compétences des travailleurs d'Esat (établissements et services d'accompagnement par le travail) et d'entreprises adaptées. Avec 21 salariés au démarrage, son entreprise en compte aujourd'hui 88, et l'ascension de sa marque suit son cours. « Tu veux nous dire quelques mots ? », lui demandent les maîtres de cérémonie. « Oh wow ! », répond sobrement le jeune entrepreneur, ajoutant que ce prix récompense « les milliers d'heures de travail de ces trois charognes de fondateurs à l'humour parfois douteux ».
Entrepreneur expérimenté : Fabrice Grosfilley – Domianim
Fabrice Grosfilley a débuté son aventure entrepreneuriale en 2004 en proposant des prestations de garde d'animaux à domicile avec son entreprise Domianim. Il s'est ensuite diversifié et, en 2019, a racheté un fonds de commerce dédié à la dépendance à domicile, Coup 2 Pouce. Poursuivant son élan, il crée en 2021 une association pour promouvoir son secteur ainsi qu'un centre de formation. Il emploie aujourd'hui 31 salariés. Non-voyant depuis l'âge de huit ans, il fait un clin d'œil tout particulier à Didier Roche, aveugle également, avant de lancer un appel aux politiques : « Quel avenir souhaitez-vous pour vos parents, vos proches et vous-même, à domicile ? Nous sommes peut-être la solution ! »
Entrepreneure à l'international : Maryse Lessire – Multi Blue Paradise
Maryse Lessire est consultante juridique lorsque, en 2016, elle découvre la chute libre indoor et se prend de passion pour ce sport. Elle souhaite s'acheter sa propre combinaison mais les fournisseurs sont peu nombreux et les prix coûteux. Souffrant de scoliose, aucun modèle ne lui correspond. La jeune belge décide alors de créer Multi Blue Paradise en vue de commercialiser des combinaisons sur-mesure, gants et sportswears personnalisables ainsi que des produits de santé et de bien-être. Si son handicap a longtemps été un poids dans sa vie personnelle comme professionnelle, elle l'utilise aujourd'hui comme un outil de travail pour renforcer la qualité, la sécurité et le confort de ses produits.
Ces trophées, des « pépites »
Pour Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, ces lauréats sont des « role model (ndlr : modèles) avec des responsabilités : accueillir des travailleurs handicapés et inspirer. « Ces trophées sont des pépites sur lesquels il faut capitaliser, félicite-t-elle, mais ce n'est que le début, il faut faire croître ces sociétés. » « Ça commence mal, certains promeuvent le regard français, moi j'ai le regard aveugle, le regard arabe... », ironise Hamou Bouakkaz, qui a succédé à Didier Roche au poste de président de H'up. « Je voudrais dire à tous les élus qui nous ont promis de nous accueillir à bras ouverts que tout a été enregistré, alors attendez-vous à nous voir débarquer d'ici peu ! », promet-il. Rendez-vous est pris !