Aujourd'hui, Philippe, vous allez nous faire rêver.
Je vais en effet vous parler de sommeil ; c'est un sujet qu'on aborde assez peu. On parle beaucoup de projet de vie, de citoyenneté, d'accessibilité mais à quoi ressemble les nuits avec un handicap ? Lorsque la plupart de gens en profitent pour se ressourcer, leur sommeil peut, dans certains cas, virer au cauchemar.
Et pourquoi avoir choisi cette date ?
Parce que le 17 mars, c'est la 17ème Journée du Sommeil® (en lien ci-dessous). Avec des manifestations gratuites et ouvertes au public dans une cinquantaine de villes en France organisées par l'Institut national du sommeil et de la vigilance.
Les troubles du sommeil sont en effet assez fréquents, notamment chez les enfants avec des troubles du comportement, par exemple autistes... Et ces nuits en pointillés ont souvent un impact considérable sur l'ensemble de la famille.
Oui, souvenez-vous du témoignage de l'animatrice télé Eglantine Eméyé, maman d'un petit garçon polyhandicapé, qui expliquait à quel enfer ressemblaient ses nuits puisque son fil hurle et s'automutile au point de devoir le protéger avec un casque et dans une pièce tapissée de matelas. Pendant des années, elle n'a pas fermé l'œil, jusqu'à prendre la décision de placer son enfant dans un établissement. L'absence de sommeil rend fou et ne fait que renforcer l'impact du handicap.
C'est un problème fréquent ?
Je lisais récemment un article sur le site votre sommeil.com qui affirme que 94% des parents ayant un enfant en situation d'handicap déclarent être confrontés à des problèmes de sommeil. Et 3 familles sur 4 disent ne pas trouver de solutions pour l'endormir. Pas de sommeil, pas d'équilibre. Il existe un proverbe qui dit : " Le sommeil est la moitié de la santé".
Et, pourtant, c'est un sujet très peu abordé dans la littérature ou par la médecine.
En effet, on ne trouve pratiquement rien. Et c'est pour cette raison que le réseau Lucioles a rédigé un gros dossier "Troubles du sommeil et handicap", disponible en PDF sur son site.
Quel genre de conseils prodigue-t-il ?
Il encourage à privilégier les rituels, pour permettre à l'enfant d'avoir un rythme de vie, et donc de sommeil, équilibré, avec des repères intangibles. Par exemple favoriser les interactions sociales dans la journée et non la nuit. Prendre des repas, se lever et se coucher à des heures régulières. C'est un sujet vraiment vaste qui, dans ce document, est traité en 80 pages.
Pour des personnes avec un handicap physique, les précautions sont plus d'ordre technique. Comment bien préparer la nuit ?
Il y a toute une série de petites astuces, notamment en matière d'hygiène car un coucher bien préparé limite les interventions nocturnes. Le brossage des dents, par exemple, trop souvent négligé, est essentiel. Et puis pensez à une petite toilette pour rafraîchir le visage et le débarrasser des traces de bavage.
Il faut aussi respecter quelques règles dans l'environnement ?
Oui, par exemple ne pas surchauffer la chambre (18 à 20 °C max). Une trop forte chaleur peut provoquer une déshydratation et s'avérer nocive au niveau respiratoire.
Et aménager le couchage avec du matériel dédié...
Oui, il en existe une vaste gamme. Mais, parfois, de simples mousses permettent d'assurer un maintien léger et de recaler les membres qui se mettent spontanément dans une position viciée. Il existe aussi des matelas anti-escarres, un problème majeur pour les personnes qui ne peuvent pas bouger de façon autonome.
Quelles sont les précautions à prendre pour les éviter ?
Par exemple éviter les draps trop amidonnés et leur effet « cartonné », inconfortable pour la peau. Choisir une lessive pas trop agressive. En cas de rougeurs, pratiquer des massages aux points de contact (coude, talon…). Et penser à changer régulièrement la personne de position durant la journée, plutôt que de la déranger durant son sommeil. On dit aussi qu'une bonne alimentation et une bonne hydratation participent à la lutte contre les escarres.
Une incroyable anecdote pour réveiller une personne sourde en cas d'incendie…
Oui puisque, évidemment, elle n'entend pas l'alarme sonore. Des solutions existent comme le flash lumineux mais pas très efficaces puisque, lorsqu'on dort, les yeux sont clos. Il existe également des systèmes par vibrations (à placer sous l'oreiller) mais ils ont une efficacité limitée. Alors des chercheurs japonais ont mis au point une alarme olfactive à base de… wasabi ! Elle diffuse une odeur particulièrement incommodante qui, parait-il, réveille tout un régiment ! En 2011, l'Ig Nobel Prize leur a été décerné ; c'est un prix qui récompense des inventions « qui font rire les gens, puis les poussent à réfléchir. »
Et lorsque le sommeil s'invite enfin, les rêves laissent parfois entrevoir d'autres horizons qui permettent de se soustraire au handicap... N'est-ce pas Philippe ?
Oui c'est en effet mon cas puisque même 20 ans après mon accident, dans mes rêves, je suis entier...
Voir la chronique « Sommeil » de Philippe Croizon en replay sur le site Allo docteurs en lien ci-dessous à partir de la minute 39'25''.