De Gaulle et le handicap : au nom de sa fille trisomique...

Le Général de Gaulle avait une fille trisomique, Anne, décédée jeune. Un lien qui a manifestement impacté sa politique et initié, à terme, les grandes lois fondatrices sur le handicap. Souvenirs d'une rencontre décisive...

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Récemment, une chaîne de télévision a diffusé une émission intitulée « De Gaulle, le dernier des géants ». En la regardant, je me suis souvenu d'un échange que j'avais eu, voici longtemps maintenant, avec Marie-Madeleine Dienesch, députée de Bretagne, membre, notamment, du dernier Gouvernement de Georges Pompidou et secrétaire d'Etat auprès du ministre en charge des Affaires sociales de 1968-1974. Elle me raconta que, lors de sa première nomination, elle fut présentée au Général de Gaulle. Celui-ci la reçut avec une extrême courtoisie. Il attendit qu'elle fût installée avant de s'assoir. C'est ensuite qu'un étonnant échange eut lieu...

« De la rééducation, on va en faire ! »

« Mais, expliquez- moi. Il parait que vous voulez faire de la réadaptation, de quoi s'agit-il ? ». Elle fulminait : « Ils ne lui ont rien expliqué, ni le Premier ministre, ni le ministre des Affaires sociales auprès duquel je suis placée. Que vais-je lui dire ? ». Alors, une idée lui traversa l'esprit et elle affirma : « Mon Général, si à l'époque on avait pratiqué la réadaptation peut-être qu'aujourd'hui votre fille Anne serait encore parmi nous ». A l'évocation de son enfant trisomique décédée au lendemain de la guerre, le Général s'affaissa légèrement dans son fauteuil, son regard se troubla, puis il se redressa et déclara : « Alors, mademoiselle, de la réadaptation, on va en faire, vous pouvez compter sur moi ! ». Et, en effet, à plusieurs reprises, le président de la République la soutint dans ses initiatives pour promouvoir le principe et les techniques de la réadaptation qui constitua une étape importante de la politique du handicap.

« N'oublions pas les personnes handicapées ! »

Toujours membre du Gouvernement sous la présidence de Georges Pompidou, chaque fois qu'elle l'estimait nécessaire, Marie-Madeleine Dienesch intervenait en conseil des ministres pour rappeler qu'il ne fallait pas oublier les personnes handicapées dans les mesures que le gouvernement préparait. Au bout de quelques mois, il arrivait que le président de la République, sans doute un peu agacé, dise « Et puis, surtout, n'oublions pas les personnes handicapées, sinon mademoiselle  Dienesch ne va pas manquer de nous le rappeler ».

A l'origine d'une loi fondatrice

Un jour, Georges Pompidou déclara qu'il avait compris ce que sa secrétaire d'Etat voulait dire chaque fois qu'elle prenait la parole et qu'il demandait au gouvernement de préparer un projet de loi réunissant tout ce qu'il convenait de mettre en place pour répondre aux besoins des personnes handicapées. Il décéda peu de temps après. Son successeur, Valéry Giscard-d'Estaing, fut d'accord pour que son gouvernement, dirigé par Jacques Chirac, reprenne l'idée. C'est probablement l'une des raisons de l'adoption de la fameuse loi d'orientation en faveur des personnes handicapées promulguée en juin 1976 qui constitua une autre étape essentielle.

Texte de Patrick Gohet, ancien directeur général de l'Unapei, ancien délégué interministériel aux personnes handicapées, ancien président du conseil national consultatif des personnes handicapées, inspecteur général des affaires sociales, adjoint du Défenseur des droits.

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