Accord avec la Belgique : polémique sur des exils forcés !

La récente signature d'un " accord cadre " entre la Wallonie et la France relatif à l'accueil des personnes handicapées a fait grincer quelques dents dans le milieu associatif. Certains dénoncent le principe de ces " usines à Français ".

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Des langues bien déliées crient à la consternation. C'est notamment le cas de Jean-Louis Fontaine, président du Collectif des démocrates handicapés (CDH). Dans une lettre ouverte, il « condamne la contribution de la ministre à l'exil de milliers de citoyens français ».
Retour sur une visite qui crée la polémique... Le village de Neufvilles, en Wallonie, n'a pas été choisi au hasard. Il abrite un établissement spécialisé qui, depuis 1963, accueille des résidents handicapés. Comme de nombreuses communes voisines d'ailleurs. Pas moins de treize foyers où sont logées 450 personnes avec un handicap mental ou autistes. Jusque là, rien de répréhensible. Bien au contraire. Mais ce qu'il faut savoir c'est que 350 d'entre eux sont Français... Mais que diable allaient-ils faire au-delà de cette frontière ?

5 000 Français handicapés en Belgique


La France n'aurait-elle pas d'autres solutions que de confier ses citoyens les plus vulnérables aux bons soins de ses voisins Européens, et tout particulièrement belges. Face à cette recrudescence de placements hors de l'Hexagone, une association Apim HF (Aide aux personnes inadaptées mentales hors de France) a même été créée dès 1985. On estime entre 5000 et 6 500 le nombre d'enfants et adultes handicapés qui sont obligés de jouer les transfuges en Belgique pour espérer trouver une place en établissements spécialisés. Un chiffre qui ne cesse d'augmenter puisqu'ils n'étaient que 1 500 en 1985. Près de la moitié d'entre eux sont originaires du département du Nord, donc limitrophe, mais que dire de ceux qui viennent de Toulouse, de Bordeaux ou de Lyon, faute de mieux ? Cette question épineuse alimente la polémique depuis longtemps déjà. Mais ce qui a mis le feu aux poudres en cette période de fêtes, d'ordinaire trêve bénie, c'est la signature d'un accord cadre entre Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux Solidarités en France, Rudy Demotte, Ministre-Président de la Wallonie et Eliane Tillieux, ministre wallonne de la Santé. Ce texte entend mieux réguler l'accompagnement des Français, grâce à un échange régulier d'informations entre les deux pays et la mise en place d'une inspection commune des établissements. Une fois encore qui s'en plaindrait ?

Signature en catimini


Avant de commenter les effets pervers d'une telle décision, Jean-Louis Fontaine déplore que ce déplacement ait été volontairement passé sous silence, la date du 21 décembre ayant été choisie, selon lui, « en catimini et dans l'opacité la plus totale ». Et d'ajouter, « même si madame Montchamp prétend que cet accord est le « fruit d'un processus de concertation », les principaux acteurs de la politique du handicap, tant belges que français, n'ont absolument pas été consultés, ni même avisés de cette visite ministérielle française. » Un petit agacement sur la forme mais une grosse colère sur le fond ! En premier lieu, il accuse la France de continuer à se dédouaner de ses responsabilités en matière de prise en charge de ses « enfants » handicapés. Cet « exil » forcé serait contraire à la loi du 11 février 2005, pourtant défendue âprement par madame Montchamp, ainsi qu'à la convention relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France et la Belgique, et par l'Union européenne. D'autant que notre gouvernement ne cesse de réaffirmer son engagement à créer 51 000 places supplémentaires pour les personnes handicapées à l'horizon 2015. Mais quel horizon ? Celui d'une diaspora, à contrecœur ?

La promesse d'une meilleure coordination


Il est évident que ces conditions d'accueil à distance pénalisent les familles les plus éloignées de Belgique qui n'ont que rarement le temps et les moyens de traverser la France pour rendre visite à leur proche ou enfant. « Cette séparation est douloureuse pour les deux parties s'indigne Jean-Louis Fontaine, et cet accord ne fait qu'entériner une situation inacceptable ». Or, selon Marie-Anne Montchamp, pas question de rapatrier ses ressortissants. « Il s'agit seulement de pérenniser ce système en le contrôlant mieux. Car il existe deux sortes d'établissements en terre wallonne, ceux agréés par l'agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées, et les foyers privés dont certains ne sont presque jamais visités. » La coordination entre les autorités publiques des deux pays doit s'imposer, et c'est justement ce que ce nouvel accord propose de mettre en place.

Mais pour Jean-Louis Fontaine, c'est là que le bât blesse. « La Belgique est réputée pour la qualité de son accueil des personnes handicapées, notamment mentales, explique-t-il. Or il existe un dispositif qui permet aux équipes françaises de venir soigner les résidents français, exportant certaines méthodes archaïques et controversées comme le packing qui consiste à enrouler et contenir un enfant autiste nu dans des draps mouillés et froids pour, soit disant, l'aider à se détendre et prévenir les troubles du comportement. Nous redoutons que cette méthode, entre autres, n'imprègne peu à peu les « Français de Belgique » comme elle l'a fait en France. »

Question de gros sous


Un autre grief soulevé par le président du CDH, celui de la dilapidation des deniers publics, nous laisse néanmoins perplexes. Les placements sont évidemment financés par les Conseils généraux ou les caisses d'assurance maladie français, mais à un coût qui reste équivalent, parfois même inférieur, à ceux pratiqués en France. Une aubaine pour nos dépenses publiques ? Peut-être bien, comme en témoigne l'exemple du Conseil général de l'Oise qui, avec l'accord de l'ARS (Agence régionale de santé), envisage de rapatrier tous ses ressortissants d'ici 2017. Mais cette migration collective a évidemment un coût (exorbitant !) : 130 000 euros la première année par résident pour les frais d'installation et de déplacement. Or un hébergement en Belgique revient en moyenne à 150 € par jour. Le compte est bon ! Enfin pas pour tout le monde car l'effet pervers de cet afflux de Français, c'est le manque de place pour les résidents belges. Selon Jean-Louis Fontaine, « il y a une telle concurrence sur les places que certaines familles belges sont désormais obligées de garder leur enfant à domicile. » Aucune préférence nationale, ce qui fait hurler les associations locales !

A quand le retour des exilés ?


Le dernier point avancé par le président du CDH est l'impact en termes d'emplois. A la frontière belge, les foyers poussent comme des champignons et génèrent de nombreuses créations de postes qui font véritablement « vivre » cette zone frontalière. Il estime donc à 3 000 le nombre d'emplois dont sont privés les travailleurs du secteur médicosocial français.

Ce dernier événement, et la polémique qui en découle, a au moins le mérite de maintenir la vigilance des personnes concernées et des associations. La solution belge a ses avantages et ses inconvénients, ses adeptes et ses détracteurs. Ni blanc ni noir ! Alors même si en 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à l'élection présidentielle, promettait « le retour des exilés de Belgique », ce charter de reconduite à la frontière ne semble pas prêt de décoller...

 

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