"Il faut lui parler en langue des signes". Rachel, 6 ans, intervient quand elle constate les difficultés de communication entre Michel-Ange, 9 ans, atteint de troubles autistiques, et les visiteurs du centre de loisirs "à parité" (Clap), dans le sud parisien. Ici, enfants handicapés et valides se découvrent dès le plus jeune âge. Dans ce centre du XIVe arrondissement, visité le 3 août 2017 par Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat en charge du handicap, une trentaine d'enfants de 3 à 14 ans sont accueillis les mercredis et pendant les vacances scolaires, encadrés par huit personnes.
50 % des places pour enfants handicapés
La moitié des places sont réservées à des enfants porteurs d'un handicap moteur, intellectuel ou sensoriel. Plusieurs enfants sont autistes, dont certains ne parlent pas, un petit garçon est en fauteuil roulant, un autre est trisomique. Pour faciliter la communication, les animateurs utilisent des pictogrammes ou la langue des signes, dont les enfants "valides" ont également appris les rudiments. Rassemblés avant le déjeuner, les enfants lancent un gros cube et, selon le résultat, doivent dire ce qui leur a plu, les a chagrinés ou mis en colère dans la matinée. Giovanni, 8 ans, qui maîtrise bien la langue des signes car son frère est sourd, est sollicité plusieurs fois pour "traduire".
9 centres à Paris
Paris compte neuf centres de loisirs "à parité", sept gérés par la municipalité et deux par la fédération Loisirs Pluriel, à l'origine du concept et qui opère dans 23 autres centres en France. Ces structures favorisent un "changement de regard : les enfants valides vont rencontrer la différence" et deviendront "peut-être des adultes un peu plus tolérants", explique Nathalie Emo, directrice du centre de ressources enfance handicapée de la Mairie de Paris. Ici, les enfants jouent ensemble, se font des amis. Mais "ce sont des enfants en premier. Le lien se fait ou ne se fait pas", souligne Mme Emo.
Beaucoup plus d'animateurs
Rachel, qui est diabétique, ne fréquente le centre que depuis juin mais s'y plaît bien, explique sa maman, Sophie, qui apprécie qu'il y ait "beaucoup plus d'animateurs" que dans un centre classique. "Au départ, elle m'a dit qu'elle avait peur" des enfants agités. "Je lui ai dit qu'elle devait en parler aux animateurs, et je lui ai expliqué que c'était juste des grands enfants, et qu'ils étaient dans leur tête comme sa cousine qui a 3 ans. Elle a très bien compris, et ça se passe très bien". "J'aime bien", souffle Bilal, 10 ans, devant les journalistes. "Il y a mes amis. On peut faire des jeux, on peut les aider, comme ça au moins ils seront pas tout seuls".
Gestion de crises
Jean-Marc, animateur de 36 ans, a travaillé pendant dix ans dans des structures "classiques". Ici, "il faut beaucoup adapter les activités car chaque enfant a des besoins spécifiques". Jérémie Czapnik, éducateur, aurait "du mal à retourner dans un centre classique" car il ne voit pas les journées passer. "C'est toute une histoire de gestion de crises. Il faut être encore plus sur le qui-vive". Ces structures sont "une des solutions" pour les enfants handicapés, a salué devant la presse Sophie Cluzel. "On privilégiera toujours le centre de loisirs qui est à côté de chez soi, pour travailler sur une inclusion dans son quartier", a-t-elle cependant souligné. Car "beaucoup d'enfants peuvent être complètement inclus dans les centres de loisirs de droit commun". "En revanche, le développement de l'accueil mixte est très intéressant pour des enfants qui ont des besoins plus spécifiques, (qui doivent) être plus encadrés".
Un bénéfice pour les parents
L'enjeu est de permettre aux enfants, qu'ils soient handicapés ou valides, d'avoir "une vie sociale, de loisirs", mais aussi que leurs parents "puissent travailler sereinement", a souligné Mme Cluzel. De nombreux parents d'enfants handicapés sont aujourd'hui "contraints d'arrêter de travailler", relève Laurent Thomas, directeur de Loisirs Pluriel, joint par téléphone. Il est important qu'ils puissent bénéficier de modes de garde en complément de l'école ou d'établissements spécialisés, pour se maintenir dans l'emploi.
Par Pascale Juilliard