Handicap.fr : A quand remonte la création du Club Entreprises & Handicap et pourquoi une telle initiative ?
Marie-Anne Montchamp, ancienne ministre, députée du Val-de-Marne et présidente de Entreprises & handicap :
En 2004, dans le cadre de la refonte de la loi de 1987 portant sur l'intégration du handicap dans les entreprises, alors que j'étais Secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, j'ai rencontré de nombreux chefs d'entreprises. Il s'agissait, entre autres, de comprendre ce qui pourrait amener ceux qui ne satisfaisaient pas encore à leur obligation légale d'embaucher au moins 6% de personnes handicapées, à reconsidérer leur pratique en la matière. Nous avons donc décidé, avec le soutien d'experts représentant des universités, grandes écoles et fondations politiques, de créer ce Club. L'Agence Entreprises & Handicap, qui accompagne et pilote des travaux aux côtés des entreprises engagées, a ensuite vu le jour en 2006. C'est l'équivalent d'une cellule de recherche et développement externe, dédiée à la question du handicap.
H : Y-avait-il besoin de convaincre les dirigeants que l'intégration de travailleurs handicapés n'était pas qu'une fatalité ?
MAM: Je ne crois qu'aucun des dix membres fondateurs n'a vu les choses comme cela. Ils sont tous prêts à prendre le pari qu'il existe un lien crédible entre les concepts de « performance » et de handicap. Il leur paraissait évident que de nouvelles motivations, au-delà de la charité et de la solidarité, mais au-delà aussi de l'obligation légale, pourraient conduire les entreprises à intégrer le handicap dans leur fonctionnement. Ils ont formulé ensemble leur engagement à travers un Manifeste.
H : Que défend ce manifeste ?
MAM: Nous l'avons appelé le « Manifeste de crise » car, en dépit des difficultés économiques actuelles, la politique en faveur de l'emploi des personnes handicapées s'inscrit dans la stratégie économique globale du pays, dans la notion de développement durable. Les signataires sont convaincus que l'accueil et le travail des personnes handicapées sont des atouts pour les entreprises et la société civile.
H : Alors que, dans certaines entreprises,l'intérêt des actionnaires semble être prioritaire,quelle valeur a encore la notion de « responsabilité sociale de l'entreprise » ?
MAM : L'actualité récente nous l'a prouvé, si les firmes ne prennent pas garde à conserver un comportement responsable vis à vis de leurs salariés, cela risque vraiment de dégénérer. Ce type de stratégie sociale parle à leurs actionnaires, à leurs syndicats, à leurs fournisseurs, à l'ensemble de la chaîne exécutive. C'est un engagement prioritaire.
H : A terme, combien d'entreprises pourraient intégrer ce club ?
MAM : Nous ne visons pas la quantité. Nous nous intéressons à toutes les entreprises qui alimentent notre argumentaire, et pas seulement par obligation légale. Certaines viennent à nous, et nous devons aller en "sourcer" d'autres, pas forcément investies dans une politique en faveur des travailleurs handicapés d'ailleurs. Nous nous sommes rendus compte que le principal élément discriminatoire lié au handicap était l'incapacité de certaines entreprises à gérer la "sphère privée".
H : Mais en quoi une personne handicapée expose-t-elle plus sa sphère privée ?
MAM : Un fauteuil roulant, c'est un élément indéniable de sa sphère privée !
H : Jusqu'à maintenant, ce sont plutôt des grosses entreprises qui ont rejoint le Club, mais qu'en est-il des petites ?
MAM : Nous comptons évidemment de grosses sociétés, comme La poste, Air France ou SFR, parmi les membres fondateurs, mais nous nous adressons à tous types d'entreprises, quelle que soit leur taille, et également à des associations, des fédérations, aux établissements publics. L'adhésion annuelle reste abordable, 1500 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, et elle est, bien sûr, éligible au titre des dépenses déductibles de la contribution versée à l'Agefiph.
H : Ce jeudi 22 octobre, à l'Assemblée nationale, vous lancez « Osons ! » Quel est ce concept ?
MAM : C'est un cercle de débat et de réflexion autour du handicap pour toutes les entités désireuses d'enrichir leurs métiers sur le sujet, de mettre en place des démarches innovantes et d'engager leur curiosité de manager. Mais c'est aussi un terrain de rencontres où chacun peut partager ses expériences et trouver des réponses d'experts. Nous avons mis en place une charte qui définit nos actions et nos engagements.
H : Quelles sont ces actions d'Osons ! ?
MAM : Nous éditons un site internet, des publications, une newsletter mensuelle, et nous proposons une évaluation de l'entreprise en ligne en 20 questions sur la stratégie choisie en matière d'intégration du handicap. Une rencontre-débat est également organisée le dernier jeudi de chaque mois.
H : Osons ! envisage également l'intégration des stagiaires handicapés ?
MAM : Oui, en effet. Nous souhaitons inciter les entreprises à ouvrir leurs portes aux élèves de 3ème qui doivent faire un stage d'une semaine en entreprise et qui, lorsqu'ils sont en situation de handicap, on souvent bien du mal à trouver une solution.