Handicap mental : des milliers d'enfants privés de rentrée

Scolarisation inadaptée ou inexistante... A chaque rentrée, c'est le même refrain pour des milliers d'enfants avec un handicap intellectuel ou cognitif. Témoignez en ligne pour alerter les pouvoirs publics et mettre fin à 7 ans de "déni".

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Un garçon tient une pancarte «Jaipasecole».

« Combien seront-ils encore, à la rentrée 2025, à rester aux portes de l'École ? », gronde l'Unapei, association dédiée aux personnes avec un handicap mental. Alors que le droit à l'éducation pour tous est inscrit dans la loi depuis 20 ans, des milliers d'enfants en situation de handicap intellectuel ou cognitif restent privés de solution adaptée. À quelques jours de la reprise, l'Unapei relance la septième édition de la campagne #Jaipasecole et sa plateforme marentree.org pour « donner la parole aux familles et rendre visible cette injustice ». Pour renforcer cette visibilité, elle s'appuie cette année sur une étude inédite menée auprès de son réseau.

0 heure d'école pour 13 % des enfants

Les résultats, publiés le 25 août 2025, sont sans appel : sur 3 603 enfants accompagnés par 38 associations, 13 % ne bénéficient d'aucune heure de scolarisation par semaine, 38 % ont entre 0 et 6 heures seulement et 30 % entre 6 et 12 heures. Seuls 19 % vont à l'école plus de 12 heures par semaine. Plus de 4 410 enfants sont en attente d'une place en établissement, soit davantage que ceux actuellement pris en charge. En juillet 2025, 65 % d'entre eux n'avaient pas de numéro INE (Identifiant national élève), les rendant invisibles pour l'Éducation nationale.

L'association pointe aussi les failles de l'accompagnement en milieu ordinaire : parmi les enfants ayant une notification AESH (Accompagnantes d'élèves en situation de handicap), 27 % ne la reçoivent que « par défaut ».

Des parents qui endossent le rôle d'aidant et d'enseignant

Face à l'absence de solution adaptée, certains parents doivent assumer seuls l'éducation et l'accompagnement de leur enfant. « Après deux refus de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) d'orientation vers un Ulis lycée, ma fille est sans aucune solution de scolarisation », déplore Raphaëlle. « Maman monoparentale, obligée de prendre en charge totalement ma fille au niveau éducatif, à chercher des solutions de liens, à galérer avec les éducateurs qui sont très chers et peu disponibles... bref, isolement, pas de possibilité de reprendre un travail professionnel. À 12 ans, ma fille est plein temps à la maison », décrit succinctement la maman de Maelle, désarmée.

6 ans d'attente pour un jour en IME par semaine

D'autres, après sept ans en école ordinaire, ont été contraints de déscolariser leur enfant. « Sept ans de maltraitance c'est beaucoup trop, témoignent les parents de Corentin, 11 ans. Durant ces années, il a eu six AESH différentes qui découvraient son handicap le jour de la rentrée, sans rien y connaître ; je ne les blâme pas, mais c'est aberrant. Venir le chercher au bout d'une heure car il 'dérange les autres', mon fils qui sort de l' école en hurlant car il n'en peut plus... nous avons dit stop ! » Après un « long combat » et six ans d'attente, Corentin a finalement pu intégrer un IME (Institut médico-éducatif) spécialisé dans les troubles du spectre autistique mais seulement une journée par semaine. « La lutte continue pour qu'il soit pris toute la semaine », affirment ses parents.

Un parcours inadapté

Âgé de 11 ans, Marceau est, quant à lui, scolarisé en classe de CM2 avec un AESH, faute de place en IME ou dans un parcours spécialisé... Pourtant, il bénéficie depuis trois ans d'une orientation de la MDPH. « C'est un élève agréable qui ne pose pas de difficulté en classe. Il n'a juste pas du tout le niveau pour être en CM2 et serait certainement mieux en CP où il pourrait enfin apprendre à lire et à compter à son rythme. C'est aussi très difficile pour son enseignante qui n'a pas la formation et les ressources pour l'accompagner. C'est déprimant aussi bien pour lui que pour nous qui constatons qu'il n'entre pas dans les apprentissages, alors que les professionnels qui l'entourent sont tous persuadés qu'il en serait capable avec un format adapté et encourageant », explique son papa.

Des intervenants à domicile faute de mieux

Gabrielle, âgée de 12 ans également, est autiste, épileptique, et en attente d'une place en IME. « Pas de possibilité de faire une rentrée en sixième, que ce soit en dispositif Ulis ou en ordinaire avec AESH, car ce n'est pas adapté. Sa semaine se fera donc avec des intervenants en libéral, à domicile, ou des temps d'accueil dans une association avec des professionnels formés. Ce n'est pas non plus l'idéal, soulignent ses parents. Beaucoup de changements, beaucoup d'intervenants, différents lieux... mais nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons qu'elle progresse, qu'elle grandisse et si nous voulons garder nos emplois. Maintenant, nous ferons tout pour que tout se passe paisiblement, qu'elle se sente bien. On ne lâchera rien ! » 

1 000 témoignages... qui reflètent une réalité bien plus importante

« Chaque année, les familles d'enfants en situation de handicap se heurtent à l'incapacité de l'État à garantir un accès réel et digne à l'éducation pour tous », dénonce l'Unapei qui regroupe près de 1 000 témoignages sur marentree.org et exhorte de nouvelles familles à témoigner. « Dans les faits, ces situations sont bien plus nombreuses… », souligne-t-elle. « Chaque témoignage est un cri. Chaque cri révèle des manquements, relayés par l'Unapei depuis plus de sept ans, déclare son président, Luc Gateau. Sept ans de déni ! Combien de temps faudra-t-il encore attendre ? (...) Nous le savons déjà, les témoignages vont encore affluer de toute la France, révélant les souffrances de familles face au non-respect des droits de leur enfant, et mettant en lumière ces pertes de chance inacceptables… »

Recommandations pour une école accessible

L'association ne se contente pas de dresser un constat, elle formule des pistes concrètes pour sortir de cette impasse. Elle appelle, par exemple, les pouvoirs publics à « garantir une solution adaptée pour chaque enfant, pas une réponse par défaut », recruter et former plus de professionnels (enseignants, AESH), faciliter la participation des élèves en situation de handicap à tous les temps de l'école (cantine, récréation, activités péri et extrascolaires…). L'Unapei recommande également de fournir le matériel adapté pour apprendre dans de bonnes conditions ; rendre l'école accessible, dans le bâti comme la pédagogie ; soutenir les établissements spécialisés, essentiels dans de nombreux parcours et, enfin, à renforcer la coopération école-médico-social-familles.

En attendant, quelles options s'offrent aux parents ? Retrouvez les conseils de Chams-Ddine Belkhayat, directeur du développement de l'offre chez AFG autisme, association qui gère plus de 70 établissements, services et dispositifs dédiés aux personnes autistes, et père d'un enfant concerné, dans un autre article : Elève handicapé : pas d'IME à la rentrée, que faire?.

© Jaipasecole / Unapei

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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