Maudy Piot: l'assistanat sexuel c'est de la prostitution !

Le colloque 'Handicap, Affectivité, sexualité, dignité' qui se tiendra le 26 nov. 2010 à Paris déclenche la colère de Maudy Piot, présidente de FDFA*. Elle dénonce les tentatives de légalisation de l'assistanat sexuel en France.

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* Femmes pour le dire, Femmes pour Agir

Handicap.fr
: Qu'est-ce qui vous met en colère à propos de ce colloque ?
Maudy Piot
: Parler de la vie sexuelle et affective des personnes handicapées, lever un tabou, c'est un programme dont nous ne pouvons que nous féliciter. Mais où sont les personnes handicapées elles-mêmes, et notamment les femmes handicapées et leurs représentantes ? N'ont-elles rien à dire dès lors qu'il s'agit de sexualité, d'affectivité, elles qui subissent dans l'indifférence générale un lourd tribut en matière de violences et notamment de violences sexuelles ?

H
: Mais ce qui vous fait surtout réagir, c'est la question de l'assistanat sexuel, qui sera également abordée ?
MP
: Oui, en effet. FDFA est totalement contre l'assistanat sexuel qui consiste à offrir aux personnes handicapés (des hommes à 99%) des relations sexuelles tarifées. Or l'objectif réel de ce colloque est de faire avancer ce projet porté depuis 2007 par Marcel Nuss, parrain de cette journée. En d'autres mots, d'officialiser, au prix d'un « ajustement » des lois sur le proxénétisme, un droit à la prostitution doucereusement rebaptisé « services d'accompagnement sexuel », sur le modèle néerlandais ou suisse.

H
: Votre association défend d'ordinaire des idées assez progressistes, j'étais assez étonnée de cette prise de position...
MP
: Vous appelez la prostitution une « idée progressiste » ? Je suis contre la prostitution sous toutes ses formes, même au bénéfice des personnes handicapées. Ce serait discriminatoire de le justifier pour telle ou telle minorité « d'usagers ». Alors dans ce cas pourquoi pas pour les personnes âgées ou les prisonniers ou je ne sais qui encore ?

H
: Mais ne pensez-vous pas que ces assistantes puissent être consentantes et qu'elles agissent peut-être par empathie ?
MP
: Quelle idée ! Dans ce cas, qu'elles le fassent à titre amical. Mais croyez-vous que beaucoup en auraient envie si elles n'étaient pas rémunérées ? Il ne faut pas être naïf, ces femmes ne vendent pas leur corps par choix. Il ne faut pas faire de l'assistanat sexuel un métier. Nous sommes au XXIème siècle, il serait temps de respecter enfin les femmes et d'arrêter de les traiter comme des objets ! Notre association restera vigilante.

H
: Vous avez adressé une lettre à Véronique Dubarry, adjointe au maire de Paris en charge des personnes en situation de handicap, et à Ryadh Sallem, président de CQFD, organisateur du colloque. Quelle est leur réaction ?
MP
: Je ne sais pas encore, vous me prenez à chaud. Je n'ai aucune nouvelle de Ryadh malgré les nombreux messages que je lui ai laissés. La lettre que nous avons adressée aux organisateurs n'est pas agressive, ni violente, elle veut seulement souligner notre désaccord.

H
: Ils craignent peut-être, vue votre prise de position, que vous ne déclenchiez un esclandre lors du colloque !
MP
: Il ne faut pas exagérer, et ce n'est nullement mon intention. Ce que je désire, c'est le respect des uns et des autres, et de pouvoir exprimer des points de vue contradictoires dans un dialogue fécond. Ce que j'aurais fait si j'avais été à la tribune. J'irai à ce colloque, c'est certain, mais je suis capable de m'exprimer dans la sérénité. Marcel, Rhyad sont des amis, je n'ai aucune agressivité envers eux. Mais il est vrai que je regrette âprement de ne pas avoir été invitée. Une des intervenantes dirige un sex-shop en ligne, le réalisateur du film Nationale 7 qui fait l'apologie de la prostitution sera là lui aussi. Mais personne n'a jugé bon de faire appel à ceux qui ne partagent pas ce point de vue ! Or nous aurions pu avoir des échanges particulièrement riches.

H
: Est-ce un sujet que vous avez déjà évoqué avec Marcel Nuss ?
MP
: Oui, nous nous connaissons. Mais de quel droit se permet-il de s'exprimer au nom des femmes ? Je me pose la question de savoir d'où ils parlent. Je n'ai pas contacté Marcel Nuss, parrain et non organisateur de la journée, mais je me suis entretenue avec trois des intervenantes en toute franchise.

H
: Vous leur reprochez donc de défendre le point de vue des personnes handicapées mais pas celui des femmes ?
MP
: Oui, bien sûr. C'est de la perversion. Comme vous le savez, tout acte sexuel est la conjonction d'un désir, d'une demande et d'une réponse. Comment peut-on être amené à considérer la prostitution comme un « service à la personne » ? C'est la négation d'exigences fondamentales : réciprocité du désir, respect de l'autre. On n'achète pas le corps d'autrui. Cette exigence, votée dans des pays tels que la Suède et la Norvège - pays par ailleurs exemplaire en matière de politiques sur le handicap -, est la seule voie responsable face à la marchandisation croissante de la sexualité, porteuse de conséquences destructrices pour les plus exclu-e-s et les plus vulnérables, des femmes en immense majorité.

H
: Mais alors, quelle solution ?
MP : La sexualité n'est ni un métier, ni une marchandise, ni un service para médical, ni un droit. S'il existe « un droit à la sexualité », il ne peut qu'être universel et ne saurait être réservé aux seules personnes handicapées. Il est temps de trouver des réponses aux désirs d'affectivité, d'intimité, de sexualité des personnes handicapées. Mais nous refusons la facilité qui conduirait à prétendre les trouver dans le domaine marchand. Nous appelons donc à l'ouverture d'un véritable dialogue. Et puis, en tant que psychanalyste, je maintiens que répondre à ses pulsions, ce n'est pas permettre à l'Homme de grandir !

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