J.C Cambadelis : quelle politique handicap pour le PS ?

Réponse du Parti socialiste sur la même interview sur leur politique en faveur des personnes handicapées proposée aux chefs de file des trois partis arrivés en tête du scrutin du 1er tour des élections départementales 2015.

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1/ La France a célébré le 11 février 2015 les 10 ans de la loi handicap de 2005. Que pensez-vous de cette loi ?
Cette loi a posé les principes fondamentaux pour construire une société égalitaire. Elle a donné des nouveaux droits aux personnes handicapées qui se déclinent essentiellement par le droit à l'accueil, le droit à la compensation, aux ressources, à la scolarité, à l'emploi, à l'accessibilité, à la citoyenneté et à la participation à la vie sociale.

La loi du 11 février 2005 avait donné un délai-limite de 10 ans pour que les établissements recevant du public (ERP) déjà construits et les transports publics soient accessibles mais sans en donner les moyens techniques et financiers et sans prévoir de rendez-vous d'étape, d'où nos réserves à l'époque.
Bien sûr, cette loi reste une loi "particulière" qui considère encore les personnes en situation de handicap comme étant à part. C'est pour cela que François Hollande alors candidat à la présidence de la République, avait proposé que toute loi ait un volet handicap pour en terminer avec cette manière de voir. Cela a été concrétisé dès septembre 2012 par une circulaire du Premier Ministre demandant à chaque ministre de veiller à ce que chaque projet de loi ait précisément un volet handicap afin que toute mesure soit pensée pour être appliquée et applicable quelle que soit la situation de la personne concernée, valide ou pas.

2/ Des gouvernements de droite sont à l'origine des grandes lois sur le handicap (1975, 1987 et 2005). Y aurait-il une politique de gauche ou de droite sur un thème qui devrait pourtant être consensuel ?

Cette affirmation n'a guère de sens car elle ne reflète pas la réalité des situations. Dès son arrivée au pouvoir en 1981, la gauche a eu une politique volontariste et innovante en faveur des personnes en situation de handicap: forte revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dès 1981-1982, obligation d'emploi dans les entreprises, loi que la gauche avait préparée et que la droite en période de cohabitation a fait voter en juillet 1987, car c'était un texte consensuel; loi de 1989 avec l'amendement Creton qui apportait une première solution aux jeunes adultes handicapés sans place en établissement ; première loi sur l'accessibilité en juillet 1991, votée à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale, à partir de 1999 premiers plans "Handiscols" initiés par Ségolène Royal pour l'inclusion scolaire des élèves handicapés ; loi de rénovation sociale et médico-sociale de janvier 2002 qui a permis les premiers échanges sur ce qui allait devenir la loi de 2005. C'est aussi la gauche qui a réuni pour la première fois en 2013 le comité interministériel du handicap, créé en 2009.
Non, la gauche n'a pas à rougir de son action ! Il faut plutôt remarquer une certaine continuité dans l'élaboration de textes nécessaires.

3/ Les personnes handicapées retiennent que Nicolas Sarkozy a augmenté l'AAH de 25 %. L'actuel gouvernement doit-il et peut-il aller plus loin ?

Je me permettrais d'abord de rappeler qu'en 1981, la gauche avait fortement revalorisé dans les mêmes proportions l'AAH, lui faisant atteindre 80% du SMIC, pourcentage qui n'a ensuite cessé de baisser lorsque la droite est revenue au pouvoir.
De plus, Nicolas Sarkozy n'a pas totalement honoré cet engagement. Je rappelle que c'est par la revalorisation de septembre 2012 que les 25% sont atteints sous le gouvernement de François Hollande.
Actuellement, le gouvernement malgré un contexte économique très difficile, a décidé de maintenir le pouvoir d'achat des bénéficiaires de l'AAH. De ce fait, depuis le 1er septembre 2014, cette prestation a été revalorisée de 1,3% et son montant est de 800,45€ par mois. Dans le même temps, les crédits destinés au financement de l'AAH ont augmenté de 1,46% pour 2015.

4/ Quel bilan faites-vous de votre quinquennat à mi-mandat en matière de handicap ?

Un bilan plutôt satisfaisant compte tenu du retard cumulé depuis la promulgation de la loi de 2005.
Ainsi, depuis 2012, le gouvernement mène une politique transversale du handicap dont la feuille de route a été établie lors du Comité interministériel du Handicap (CIH) de 2013 et un premier bilan en a été fait lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) de décembre dernier. Trois objectifs sont fixés: promouvoir une société inclusive (école inclusive, numérique, culture, etc), adapter les parcours et les soins aux besoins des personnes (parcours de vie, parcours d'emploi) et simplifier le quotidien (AAH, les cartes de stationnement, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, l'accès aux aides compensatrices, etc).
Je crois que cette approche globale permettra de mieux prendre en compte toutes les formes de handicap. Pour exemple, au niveau de l'école, des mesures favorisant l'intégration des enfants en situation de handicap ont été adoptées, dès 2012. On peut en citer d'autres: le recrutement de 8 000 nouveaux accompagnants sur contrat aidé et 350 nouveaux contrats d'assistants d'éducation dédiés à l'accompagnement individuel, la CDIsation de 28 000 assistants d'éducation (AVS), mettant fin à la précarité de toutes celles et ceux qui accompagnaient depuis des années les enfants handicapés, la création de 700 places d'accueil en maternelle pour les enfants autistes, le transfert de 100 unités d'enseignement actuellement installées dans des établissements médico-sociaux vers des écoles « ordinaires » dès la rentrée 2015, la simplification du droit à l'allocation de rentrée scolaire (ARS) pour les enfants en situation de handicap de plus de 6 ans dans les conditions de droit commun, même s'ils sont scolarisés en maternelle. Le gouvernement facilite ainsi l'accès à une prestation qui avait été, dès la rentrée 2012, revalorisée de 25% pour les 3 millions de familles qui en bénéficient.

5/ Faut-il réellement jeter la pierre au gouvernement de Manuel Valls en matière d'accessibilité des lieux publics quand il hérite d'une situation qui a pris du retard ?

La réponse ne serait-elle pas dans la question ? Une des mesures phares de la loi de 2005 était l'accessibilité, pour 2015, à tous les établissements recevant du public (ERP). En 2012, seulement 30% de bâtiments respectaient leurs obligations rendant ainsi impossible l'application de la loi à la date prévue. Cet échec fut le résultat de l'UMP au pouvoir qui avait remis en cause du principe même d'accessibilité, y compris dans les constructions neuves.
Face à ces retards cumulés, le gouvernement a décidé de mettre en place des Agendas d'Accessibilité Programmée (Ad'Ap). Ces agendas sont inscrits dans la loi depuis juillet 2014 et demandent aux acteurs de s'engager sur un calendrier précis et obligatoire pour réaliser des travaux.

6/ La colère gronde chez les personnes handicapées ; quelles seraient selon vous les mesures fortes à prendre en leur faveur ?

Toute notre action en matière de handicap vise à plus d'égalité et de respect. Nous avons à cœur depuis notre arrivée au pouvoir d'être à l'écoute des personnes concernées bien sûr, mais aussi des acteurs et associations même si parfois cette parole est contestataire. Il est important que les personnes en situation de handicap puissent elles-mêmes être actrices de leur destin.
Le gouvernement travaille sur la question de l'accessibilité avec une concertation sans précédent dès 2013 avec les principales associations du secteur du handicap, les responsables des établissements privés et des collectivités territoriales. Cette concertation a permis la mise en place des Ad'Ap.
Pour simplifier la vie de personnes handicapées, l'AAH pourra être attribuée, sur décision motivée, pour 5 ans et non plus 2 ans comme aujourd'hui, et ceci lorsque le taux d'invalidité est compris entre 50 et 80%.
Enfin, depuis le 1er janvier dernier, une modification des conditions d'accès à la retraite pour les personnes en situation de handicap et aux bénéficiaires de l'AAH, stipule que toute personne ayant un taux de handicap de plus de 50 % pourra librement bénéficier d'une retraite à taux plein dès qu'elle atteindra l'âge légal de départ à la retraite.

7/ Pour expliquer un taux de chômage deux fois supérieur à celui des personnes valides, on nous répète que les personnes handicapées ne trouvent pas d'emploi faute de formation initiale. Or 80 % des personnes deviennent handicapées au cours de leur vie, avec déjà des compétences et des qualifications. N'est-ce pas un prétexte des entreprises pour se dédouaner de leurs responsabilités, et notamment en termes de recrutement ?

Vous avez raison de pointer ce problème. Mais il faut pour parler de cette question sans passion, s'entendre sur les chiffres :
Dire que le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à celui des personnes valides cache une réalité bien plus importante : c'est que 77% des demandeurs d'emploi handicapés ont un niveau de formation inférieur au bac. Ce niveau de formation est nettement insuffisant pour répondre aux postes qui sont ouverts dans les entreprises.
Par ailleurs, aucune étude n'a permis de déterminer ce chiffre de 80% de personnes devenant handicapées au cours de leur vie professionnelle. Cette partie de la question concerne le maintien dans l'emploi des personnes devenues handicapées.
Pour ce qui est de la formation initiale, je voudrais rappeler que, depuis 2012, l'Education nationale a fait un effort considérable pour mettre en place dans les collèges et lycées ordinaires des classes spécialisées ou pour accueillir des jeunes dans les classes ordinaires. La loi du 23 juillet 2013 (loi Fioraso) a réaffirmé le rôle des universités dans l'accompagnement dans leurs études des jeunes en situation de handicap et le rôle d'accompagnement dans l'insertion professionnelle en relation avec les entreprises. Le nombre d'étudiants handicapés est en constante progression.
Les politiques de formation par alternance ont été renforcées ces dernières années et ont permis aux jeunes handicapés de disposer de formation au plus près de l'entreprise.

8/ 12 % de personnes handicapés en France (chiffre CNH) : les partis n'ont-ils pas intérêt à accorder plus d'intérêt à cet électorat ?

Nous refusons de réduire les personnes en situation de handicap à un simple chiffre électoral car il s'agit de citoyens à part entière. Inclure les personnes en situation de handicap fait partie de l'ADN socialiste puisque cela relève des droits humains. La formule de la déclaration de Madrid de 2002 résume bien cette vision: « rien pour les personnes en situation de handicap sans elles ».

9/ Voulez-vous ajouter autre chose sur ce thème ?

Je voudrais dire aux personnes en situation de handicap que le Parti socialiste se bat et s'est toujours battu pour une société inclusive, notamment dans une période marquée par la tentation du repli sur soi. Une société qui permette à chacun-e de mener une vie sociale normale mais non normée autant que possible en milieu ordinaire, sans discrimination. A cet égard, la politique transversale du handicap menée par le gouvernement apparaît comme un instrument essentiel d'inclusion : plus de lois particulières mais, à chaque texte en préparation, l'obligation de vérifier son applicabilité par et pour les personnes en situation de handicap.
L'inclusion, c'est répondre à l'aspiration de chacun de pouvoir mener une vie sociale normale dès la naissance jusqu'à la fin de vie, de la maternité et la crèche à la formation professionnelle et l'emploi, le plus possible en milieu ordinaire, en passant par l'école de la République.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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