Faut-il réanimer un grand prématuré coûte que coûte, même si ses parents s'y opposent ? Face à ce cruel dilemme, qui l'obsède depuis quinze jours, un couple de Saintes, en Charente-Maritime, a tranché. Il a demandé à l'équipe médicale du CHU de Poitiers de cesser l'acharnement thérapeutique dont, selon, eux, leur enfant fait l'objet, sans leur consentement (en effet, la loi dite Léonetti ne s'applique pas dans les situations d'urgence).
« On ne veut pas d'une vie de handicap ! »
Dans une interview accordée à la Nouvelle république, ils expliquent : « Certaines familles sont prêtes à l'accepter mais on ne veut pas d'une vie de handicap pour notre fils. Les médecins nous assurent d'une qualité de vie mais, visiblement, ils ne savent pas de quoi ils parlent et manquent de recul face à la très grande prématurité… ». Leur enfant, qui devait voir le jour le 18 décembre, est né le 31 août, pesant 865 grammes. A 25 semaines seulement. Il a été victime d'une hémorragie cérébrale de grade IV, le plus élevé, qui laissera probablement de grandes séquelles, alors même que son pronostic vital est toujours engagé. « Probablement » ? Un handicap moyen ou lourd dont on ne connait pas la nature. Face à cette terrible perspective, les parents ont demandé qu'on mette fin à sa réanimation. De son côté, l'équipe soignante a respecté les procédures en voulant « donner une chance » à ce bébé.
Un dilemme de plus en plus fréquent
Chaque année, en France, 10 000 grands prématurés (bébés nés avant la 32ème semaine de grossesse) voient le jour (la limite pratique de viabilité étant estimée à 24-25 semaines et/ou un poids de naissance d'au moins 500 grammes), maintenus en vie par des techniques de réanimation de plus en plus performantes. Mais jusqu'où ? On réanime donc des nourrissons de plus en plus jeunes, au risque de voir ceux-ci devenir des adultes n'ayant pas une bonne qualité de vie, dépendant des soins d'autrui. Les séquelles psychomotrices et cognitives sont souvent irréversibles et imposent, à terme, une prise en charge en établissements spécialisés. Mais, au moment où tout est mis en œuvre pour sauver le bébé, il est souvent impossible de faire précisément ce pronostic. Un dilemme auquel doivent de plus en plus souvent faire face à la fois les services de néonatologie et les parents. Des réflexions sont engagées sur cette question sans qu'elles ne puissent donner lieu à un consensus.
Pour examiner la demande des parents, les médecins du service de néonatalogie du CHU de Poitiers ont réclamé l'avis d'un groupe éthique constitué de réanimateurs de l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine). Leur décision devrait être connue le 16 septembre.