L'embauche des personnes handicapées : discrimination ou pas ?

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Cette étude s'appuyait sur la méthodologie du Testing et consistait à envoyer des candidatures spontanées fictives à un échantillon de 2500 entreprises. Elle n'avait pas permis à l'époque de conclure à l'existence d'une discrimination significative à l'égard des candidats handicapés. Or, en avril et mai 2004, Jean-François Amadieu, Professeur à l'Université Paris I -Sorbonne et directeur de l'Observatoire des discriminations, mettait en œuvre une étude qui consistant à répondre à 258 offres d'emploi par l'envoi de deux candidatures comparables en tout point sauf un. Il a pu ainsi testé, en région parisienne, l'influence de plusieurs variables susceptibles d'exercer un effet dans la première sélection des recruteurs de convoquer ou non tel ou tel candidat. Ces variables étaient les suivantes : le genre (homme/femme), l'origine ethnique (Maghreb/France), le lieu de résidence, le visage (beau/disgracieux), l'age et, enfin, le handicap (mention COTOREP). D'après ses résultats, la présentation d'un handicap apparaît comme la variable la plus discriminante dans un processus de recrutement de personnel. En effet, ses calculs concluent que les candidats handicapés ont 15 fois moins de chance d'obtenir un premier entretien d'embauche que les candidats dits de référence, c'est-à-dire masculins, ayant des noms et prénoms français, résidant à Paris, blancs de peau et d'apparence standard . Ces résultats sont déconcertants et expliquent partiellement la situation actuelle des demandeurs d'emploi handicapés, mêmes les plus diplômés. Cependant, comment expliquer que d'une étude à l'autre, les résultats soient aussi différents et contradictoires ? Voici 2 éléments de réponses. Si on compare les deux études, les méthodologies employées simulent des situations différentes. Dans l'étude de J-F. Amadieu, le comportement des entreprises est observé dans une situation de comparaison sociale, dans laquelle le recruteur compare des candidatures alors en compétition. Dans l'étude de l'AMIH, les employeurs reçoivent une seule candidature, laquelle peut ou non répondre à un besoin de l'entreprise. Celui-ci peut être déjà défini et même, exceptionnellement, être communiqué sous forme d'offre d'emploi auprès de l'ANPE. ou dans la presse. Mais, il peut surtout être à l'état latent, lorsque, par exemple, l'entreprise voit ses commandes augmenter auprès de sa secrétaire, qui ne peut plus assumer seule sa fonction. C'est pourquoi de nombreuses entreprises ont conservé les CV dans l'étude de l'AMIH. Et quand la période de latence arrive à sa fin, en même temps que celles-ci traitent le problème financier de la future embauche, elles entrent dans une phase de recherche « périphérique », c'est-à-dire dans l'entourage plus ou moins proche des personnes salariées ou dirigeantes. C'est probablement dans cette phase de recherche plus ou moins longue que les demandes d'entretien furent les plus nombreuses. Ce serait donc dans une situation où la comparaison et la compétition entre candidats n'auraient pas encore commencé que les chances d'obtenir un entretien seraient les plus grandes. Le choix du métier peut aussi avoir amené aux différences de résultats entre les deux études. L'étude de 2004 est partie de candidatures sur des postes de commerciaux, de niveau BTS, alors que celle de 2002 a utilisé des candidatures à des postes de sercétaires-comptables. Les premiers sont au contact direct avec les clients avec pour mission de convaincre et de séduire. Nous pouvons facilement imaginer que l'apparence, même trompeuse, joue son rôle dans la décision de l'éventuel client, et les recruteurs peuvent partager et appliquer cette idée. Les seconds occupent un poste essentiellement administratif et opérationnel. Même si ces professionnels peuvent se retrouver au contact de clients, ce sont des clients déjà « acquis » qui sont déjà passés par le service commercial. L'enjeu n'est plus de séduire mais d'accompagner la transaction. Le jeu de l'apparence a donc probablement moins d'impact dans le choix des recruteurs. En conclusion, les résultats obtenus par une approche expérimentale doivent nous inciter à la prudence. En effet, ces 2 expériences ne constituent que des approches localisées du processus de candidature des personnes handicapées. Ils ne dépendent que des conditions dans lesquelles elles ont été mises en œuvre et ne sont valables que pour des situations particulières engendrées par la démarche expérimentale. Cependant, il est intéressant de constater que les résultats de l'une permet d'affiner et de nuancer les résultats de l'autre, et vice-versa. En comparant les 2 expériences précitées, nous pouvons supposer, par exemple, que la stratégie des candidatures spontanées est plus efficace que la réponse à des offres d'emploi pour les personnes handicapées. D'autres études peut-être plus qualitatives pourraient vérifier les hypothèses qui découlent de ces comparaisons. Aussi, si l'efficacité d'une candidature à l'embauche provenant de personnes handicapées semble dépendre de nombreux facteurs individuels, contextuels et socio-historiques, la situation de l'emploi des personnes handicapées ne peut toutefois pas être imputable à un comportement global et généralisé de rejet et de discrimination de la part du milieu ordinaire de travail. La réponse à la question que pose le titre de cet article pourrait se résumer par un « ça dépend ». Ce relativisme peut décevoir mais la réalité du recrutement des personnes handicapées apparaît bien plus complexe qu'elle le laisse paraître dans une seule expérience. C'est pourquoi approfondir la compréhension des phénomènes en jeu dès les premières rencontres entre les demandeurs d'emploi handicapés et les entreprises devient plus nécessaire que jamais pour orienter les politiques et les pratiques en matière d'intégration professionnelle des personnes handicapées, améliorer la préparation psychologique de ces derniers et men
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