Qui vivra verra: à propos du dispositif de compensation dans la loi du 11 février 2005.
Quelle est la capacité réelle du nouveau dispositif à financer la compensation du handicap à la hauteur des besoins des personnes handicapées ?
L'inscription du droit à compensation dans la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 était très attendue : elle se réfère à des principes qui font l'unanimité : non-discrimination, choix du projet de vie par chacun, compensation des conséquences du handicap pour toutes les personnes handicapées, participation à la vie sociale. Ce droit à compensation suscite beaucoup d'espoirs dans les nombreuses familles concernées. Car les chiffres sont alarmants : en effet, on admet aujourd'hui que la prévalence des déficiences sévères de l'enfant en population général se situe autour de 1 %. Elle peut atteindre 2 % si on prend en considération les déficiences modérément sévères. Et ces chiffres ne diminuent pas. D'ailleurs les tendances observées ces dernières années dans plusieurs pays sont convergentes : environ la moitié des déficiences et handicaps trouve leurs origines au cours de la période périnatale (source : INSERM : Déficiences et handicap d'origine périnatale : dépistage et prise en charge - Expertise collective 2004). Ces chiffres inquiétants rendent d'autant plus urgente la prise en charge précoce et efficace des enfants atteints d'une déficience, mais aussi la mise à disposition de nouveaux moyens de compensation du handicap.
Désormais, une équipe pluridisciplinaire labellisée établira, pour chaque personne, un plan personnalisé de compensation du handicap sur la base duquel sera attribuée une "prestation du handicap" visant à contrebalancer les surcoûts liés au handicap, c'est-à-dire l'aide humaine (auxiliaire de vie
), les aides techniques (fauteuil roulant, lève-personne
) pour la partie non prise en charge par la sécurité sociale, l'aménagement du logement et du véhicule et, enfin, les aides spécifiques (chien
). Voilà pour le principe.
Combien de bénéficiaires peuvent être concernés à terme par la prestation de compensation ? Une estimation basse est celle du nombre de bénéficiaires actuels de l'allocation compensatrice, soit environ 100 000 personnes ; une estimation haute est celle du nombre de bénéficiaires de l'Allocation aux adultes handicapées (AAH) et de son complément, soit 750 000 personnes (métropole + Dom). Les estimations actuelles tournent autour de 400 000 bénéficiaires. On n'en sait pas plus.
Mais connaît-on avec précision le montant des dépenses de compensation, actuellement non financées par la collectivité, qui sont susceptibles de faire l'objet des dépenses d'une demande de compensation ? D'après le rapport Lecomte (2004), la somme « restante à charge » des personnes handicapées, non financée par la LPP (= liste des produits et prestations remboursés par la sécurité sociale), était de 715 millions d'euros en 2001. Un scénario d'augmentation très sensible de ce "restant à charge" est proposé en cas de solvabilisation de la demande grâce à la prestation de compensation.
Par ailleurs, d'après J. Sanchez (CTNERHI), le coût moyen des "solutions de compensation" (aides techniques et aménagements confondus) varie de 3 900 à 8 200 euros par unité de consommation. Mais la proportion du "restant à charge" qui ferait l'objet de la prestation de compensation, est très variable selon les aides techniques. Les types d'aides les mieux financés sont les fauteuils ainsi que les aides techniques pour les soins corporels. Viennent ensuite les aides pour la communication et les adaptations de véhicules, souvent onéreuses.
Une autre étude, présentée en avril 2005 par l'Assemblée des départements de France, formule l'hypothèse d'un montant moyen de 5 000 euros pour la prestation de compensation qui serait attribuée à terme à 400 000 bénéficiaires, après une montée en charge progressive sur 4 ans. Le coût prévisionnel de la prestation de compensation pour les départements est alors évalué à 2 milliards d'euros dont 550 millions seraient, chaque année, pris en charge par la CNSA..
On ne peut donc que s'interroger sur la capacité réelle du nouveau dispositif à financer la compensation du handicap à la hauteur des besoins des personnes handicapées. Cependant, celui-ci a fait naître beaucoup d'espoir en renversant les priorités en vigueur depuis une cinquantaine d'années et en mettant l'accent sur l'autonomie, le maintien à domicile et la vie sociale. Qui vivra verra et surtout appréciera l'applicabilité du nouveau droit à compensation !