Certains publient à compte d'auteur, écrivent leur biographie, exposent leur vie au grand jour... Le récit autobiographique est un concept dans l'air du temps qui fait le bonheur des lecteurs... et des éditeurs. Une confession parfois à usage thérapeutique où l'auteur trouve le plus efficace des exutoires pour se libérer de ses tensions et de ses vieux démons. Et il est vrai qu'à la faveur de cette tendance florissante, certains parents d'enfants handicapés décident de coucher leur histoire sur le papier. C'est le cas de Josette et Régine. Josette vient de publier « Tant qu'il y a de la vie », un hommage à Sophie, sa fille atteinte du syndrome de West, disparue à l'âge de 14 ans. Quant à Régine, maman de Rémi, 24 ans, atteint d'une maladie mitochondriale, elle est sur le point, après deux ans d'écriture, de refermer son manuscrit. Dans leur ouvrage, elles livrent leur combat, parfois leur colères et témoignent de l'amour qu'elles portent à leur enfant.
Régine Salvat
« J'ai voulu supprimer mon enfant. »
« C'est Rémi, mon fils, qui, à l'âge de 14 ans, au moment le plus difficile de sa maladie, m'a demandé d'écrire pour lui. Il avait tant souffert, vécu mille galères, notamment avec le corps médical, qu'il me suppliait : « Je ne veux pas que ca arrive à d'autres. Tu dois dire la vérité ! ». A cette époque, ma vie a basculé et j'ai voulu supprimer mon enfant pour abréger ses souffrances. J'ai été arrêtée, expulsée... Ca a été le déclic, j'ai eu envie d'écrire pour expliquer comment une maman pouvait en arriver à un tel excès. C'est une réalité dont il fallait oser parler. Mais, même si je gardais en tête la promesse faite à mon fils, je ne me sentais pas encore capable de m'y mettre. C'était si douloureux qu'il m'a fallu huit ans avant de prendre la plume. J'écrivais de temps en temps des bribes de notre en vie, en vrac, mais je n'avais jamais la force d'aller plus loin. J'ai enfin pris la décision il y a deux ans, à la faveur des nombreuses relances de Rémi mais aussi lorsque j'ai entendu parler de cette maman, Lydie Debaine, qui venait de mettre fin aux jours de sa fille Anne-Marie, IMC, 26 ans. Rémi m'a convaincu qu'il était temps, qu'à travers notre histoire vie il me fallait enfin évoquer les tabous de l'euthanasie.
Ecrire a été une douleur terrible car il j'ai revécu chaque minute de notre vie. Je n'avais rien oublié, pas un détail, jusqu'à l'expression du visage des médecins. Faire ce récit était trop destructeur et j'ai pris le parti de choisir un narrateur. Je ne dis jamais « Je » ; un autre, plus distant, parle pour moi. Depuis deux ans, j'y consacre tout mon temps libre. C'est dévorant mais, en attendant, depuis que j'ai commencé à écrire, je ne prends plus aucun anxiolytique. J'arrive au bout, j'en suis à la relecture. J'ai lu quelques extraits à Rémi mais il ne sent pas en mesure de se replonger dans son histoire. Peut-être lorsque le livre sera édité, peut-être jamais... J'espère que ce témoignage sera publié car il doit avant tout remplir son rôle : faire que cette histoire soit lue, dénoncer les aberrations et la souffrance endurée par les familles. C'est ce que Rémi souhaite par-dessus-tout. »
Josette Ecuyer-Ravailler
« La ramener parmi nous. »
« J'ai au départ des qualités littéraires et j'avais déjà écrit quelques nouvelles. Au moment du décès de Sophie, j'en voulais à la terre entière. J'aimais écrire, j'avais besoin d'écrire mais j'étais trop mordante, trop écorchée pour me lancer dans une telle aventure. Plus tard, j'ai rédigé une première ébauche, en quelques mois, mais, après l'avoir envoyée à plusieurs maisons d'éditions, je l'ai laissé en sommeil dans un tiroir. Ce n'est qu'à la naissance de mon petit-fils, il y a un an, que je me suis réconciliée avec la vie et que j'ai décidé de mener à bien ce projet.
Il m'a fallu faire abstraction du fait que j'écrivais sur ma propre fille. Presque quinze ans pour être capable de prendre cette distance et créer en quelque sorte un personnage de fiction. J'écris pour ma fille, bien sûr, pour moi, mais aussi pour tous ceux qui souffrent, pour leurs mamans... Je leur dis : « Il faut lutter, ne jamais baisser les bras, oser les tentatives les plus farfelues, les plus déconseillées, et se dire, quoi qu'il arrive, qu'on a tout tenté. » A travers ce témoignage, je fais vivre la mémoire de Sophie. Seize ans après sa disparition, elle revient dans notre vie et dans celle de centaines de lecteurs. Je n'ai pas écrit cet ouvrage pour régler des comptes mais d'une certaine façon pour la ramener quelques temps parmi nous. C'est évidemment très dur de trouver un éditeur national : 99 % des manuscrits sont refusés. J'en ai sollicité une vingtaine et j'ai fini par choisir un éditeur lorrain. La diffusion reste locale mais ca me permet tout de même de faire connaître mon livre et j'utilise aussi Internet. »
« Tant qu'il y a de la vie », 15 € +3 € de frais de port
Commande auprès de l'auteur :
Josette Ecuyer-Ravailler
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