Sciences Po recrute sur Hello handicap
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Sexe et handicap : le débat tabou !

La sexualité des personnes handicapées, sujet excessivement sensible ! Et pourtant, la mobilisation monte en puissance. Mise à nu de Marcel Nuss, président de la coordination

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Handicap.fr : En 2007, vous organisiez le premier colloque « Dépendance physique : intimité et sexualité », quels étaient alors vos objectifs?
Marcel Nuss : En 2005, dans la loi sur le handicap, j'ai remarqué que les questions de la sexualité des personnes handicapées n'étaient pas abordées. J'ai décidé que cela suffisait et je suis monté au créneau. J'ai rencontré diverses associations comme Handicap International, l'APF ou l'AFM et nous avons constitué un collectif « handicap et sexualité » qui a pour objectif, entre autres, la mise en place d'un « accompagnement sexuel ou affectif » pour les personnes handicapées.

H : De quoi s'agit-il?
MN : Je tiens tout d'abord à préciser que l'accompagnement sexuel n'est pas forcément la meilleure réponse car, dans l'idéal, il faudrait que toute personne handicapée puisse rencontrer un compagnon, vivre une histoire d'amour, se mettre en couple. J'ai moi-même eu la chance d'être marié deux fois et d'avoir deux enfants. Mais il ne faut pas se leurrer, c'est très compliqué pour les personnes dépendantes. Faute de mieux, nous devons donc leur permettre d'avoir accès à une sexualité aussi épanouie que possible. Nous souhaitons, pour cela, mettre en place un accompagnement mixte : avec des prostituées spécialement formées mais également avec des professionnels du secteur médical ou paramédical (kiné, psychologues, infirmiers...) volontaires. Les postulants assurent entre 3 et 4 séances par mois, en moyenne d'une heure et demie chacune.

H : Cette assistance existe-t-elle déjà dans d'autres pays?
MN : La Hollande a été la première à la mettre en place en 1980, puis le Danemark, l'Allemagne, la Suisse allemande et romande. Il existe, à Genève, une école officielle qui forme les prostituées à cet accompagnement. Nous avons d'ailleurs l'intention, lorsque nous aurons obtenu gain de cause, de former nos assistants dans cette école.

H : Mais c'est un principe vraiment insolite qui laisse imaginer certaines dérives?
MN : Il y a une sélection drastique, justement pour éviter toute déviance et il faut savoir que 80% des postulants sont recalés. La plupart de ceux qui sont retenus vivent en couple, ont parfois même des enfants, et nous exigeons donc que les conjoints donnent leur accord. Les dérives que l'on connaît aujourd'hui sont bien plus graves : il faut savoir que des mères sont obligées de masturber leurs fils tandis que certaines personnes handicapées doivent se saigner financièrement pour aller en Suisse ou en Hollande obtenir leur petit « soulagement ». Il faut arrêter cette hypocrisie.

H : Avez-vous des détracteurs parmi les personnes handicapées?
MN : Comme partout, il y a des intégristes ou d'autres qui ont peur. Pour des raisons culturelles, éthiques ou religieuses, ils s'imposent donc la chasteté. Mais je suis à peu près certain que le jour où les choses se mettront en place, ils changeront d'avis.

H : Vous vous fixiez une échéance de 2 ans pour arriver à vos fins, qu'en est-il aujourd'hui ?
MN : Nous espérons plutôt un résultat courant 2010. Depuis 2007, nous avons évoqué la question avec Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées. L'Etat suit ce dossier de très près. Nous avons une seconde réunion fin mai avec les représentants du mouvement du NID qui milite en faveur de l'abolition de la prostitution. Ils sont évidemment contre notre projet mais cette rencontre est importante car ils ont un grand poids en France et il est préférable de pouvoir trouver un terrain d'entente avec eux. Il n'est dans l'intérêt de personne de forcer les portes, surtout dans un domaine aussi délicat. Nos arguments sont très clairs, que même les membres du NID ne réfutent pas. Nous devons néanmoins les rassurer et proposer suffisamment de garde-fous pour éviter les dérives. Notre but n'est évidemment pas la légalisation de la prostitution en France.

H : C'est une question vraiment taboue qui n'est jamais, contrairement à l'euthanasie, discutée sur la place publique. Comment les choses évoluent-elles ?
MN : Le déclencheur a été le colloque que j'ai organisé en 2007. Depuis, le débat monte crescendo. Le monde politique est au courant et le fait qu'il suive ce travail est significatif. Nous devons d'ailleurs rencontrer un groupe de parlementaires pour en discuter. En février, France 5 a évoqué la question dans son émission « L'amour sans limite », à laquelle j'ai participé. Je suis d'ailleurs, pour répondre à une demande grandissante, en train de m'installer en tant que consultant dans ce domaine et j'envisage de travailler avec l'école de Genève dès septembre. Notre mobilisation se structure, prend vraiment de l'ampleur, et continuer à refuser la mise en œuvre de cet accompagnement serait du délire.

Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco

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