On connaissait le sous-titrage à la télévision mais un procédé similaire et tout à fait inattendu fait également son apparition sur la scène des théâtres. C'est l'association Accès culture qui s'emploie, depuis plus de 15 ans, à rendre les salles de spectacles accessibles aux sourds et malentendants, aveugles ou malvoyants et spectateurs handicapés mentaux. Ces services sont offerts pour 210 dates par an dans 45 théâtres en France, dont la Comédie française, le Théâtre national de Chaillot, l'Opéra de Paris ou celui de Bordeaux (liste complète sur le site internet). Ces structures partenaires s'engagent à réserver un contingent de places adaptées et proposent, en général, des tarifs préférentiels aux spectateurs handicapés.
Des casques pour les malvoyants
Pour les aveugles et malvoyants, une audio description est retransmise dans un casque sans fil. Stéphanie Xeuxet, chargée de communication d'Accès culture, explique cette démarche simplissime : « Le casque est prêté contre une pièce d'identité. Une fois confortablement assis dans votre siège, vous entendez une voix qui, entre les répliques des acteurs ou les airs chantés, décrit ce qui se passe sur scène. » C'est un régisseur installé dans une loge qui orchestre de 200 à 300 « effets spéciaux » par représentation. Les commentaires sont préenregistrés (sauf les saluts qui sont commentés en direct) mais envoyés aux moments opportuns pour respecter la cadence du spectacle. Une dizaine de minutes avant le lever de rideau, une description du décor et un synopsis de l'histoire donnent corps à la scène. Des programmes en braille ou en gros caractère sont également proposés.
Un boîtier individuel pour les malentendants
Plusieurs aides techniques sont mises à la disposition des sourds et malentendants. Tout d'abord un boîtier de sur-titrage individuel (dans une quinzaine de théâtres en France), petit écran avec une trentaine de lignes en surbrillance qui délivre au fur et à mesure les répliques des acteurs. Sorte de karaoké théâtral ! D'autres outils et services sont également proposés : boucles magnétiques individuelles, casques avec amplificateurs ou codage en langue française parlée complétée (LFPC). Mais ce qui semble le plus étonnant, c'est, lors de certains spectacles, une traduction en langue des signes française (LSF) puisque des comédiens sourds ou des interprètes prennent place sur le côté de la scène ou sont directement intégrés au spectacle. C'était par exemple le cas en 2007 au Théâtre de Chaillot pour « Sombrero ».
Des investissements bons pour tous
« Ce sont les théâtres eux-mêmes qui prennent en charge l'accessibilité, explique Stéphanie, puisque je rappelle que ces adaptations et services sont mis gratuitement à disposition des spectateurs. Il faut tout de même compter 3000 euros pour une audio description, et parfois pour seulement trois dates. Mais il est vrai que certains outils, comme les casques amplificateurs, servent aussi pour les seniors ou les personnes malentendantes à longueur d'année. Notre rôle est aussi d'amener des spectateurs en communiquant l'information dans les associations. Nous agissons également en sensibilisant les ouvreuses à l'accueil d'un public auquel elles ne sont pas habituées. Nous avons une vraie mission de service public ! » Chaque année, au mois de juin, une présentation de la saison réunit des centaines d'aficionados parmi les 4000 contacts qui figurent dans le carnet d'adresse de l'association.
Des initiatives à foison
L'idée d'Accès culture est née en 1992. Frédérique Le Du est à l'époque assistant à la mise en scène sur un spectacle que Jérôme Savary monte à Chaillot. Il prend tout en notes. Il est comédien, pas spécialement sensibilisé aux questions du handicap mais se dit que ce travail pourrait être réinvesti. Il prend alors contact avec l'AVH (Association Valentin Haüy) qui s'engage auprès des personnes aveugles et malvoyantes. Un an plus tard, l'association Accès culture voit le jour. Elle s'investit depuis dans de nombreux domaines et proposent des initiatives singulières comme une maquette tactile en relief et une description audio-guidée de la célèbre tapisserie « La dame à la licorne » présentée au musée de Cluny de Paris, un audio guide dans le petit train touristique de la ville de Redon ou une tournée de l'opéra « Le voyage à Reims » en audio-description. Certaines de ces adaptations sont financées par des mécènes privés.
La culture enfin pour tous en 2011 ?
Malgré ses seize ans d'existence, l'association n'en est qu'à ses prémices. Car ça bouge du côté de la culture ! Chaque jour davantage de sites, y compris des musées qui mettent en place une mission handicap, manifestent cette volonté d'intégration. Ils répondent en cela aux exigences de la loi de 2005, la devancent parfois puisqu'il faut savoir que l'accessibilité complète sera obligatoire en 2011, quel que soit le handicap. Et ce scénario là n'est pas une fiction !