5ème anniversaire de la loi handicap:le verre à moitié plein

C'est aujourd'hui le 5ème anniversaire de la loi handicap de 2005 qui, selon certaines associations, souffle des bougies aux odeurs de souffre. Bilan avec Patrick Gohet, président du CNCPH (Comité National Consultatif des Personnes Handicapées).

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Handicap.fr: A l'occasion du cinquième anniversaire de la loi de 2005, certaines associations multiplient les communiqués de presse et s'en prennent au gouvernement arguant que les engagements ne seront pas tenus ?
Patrick Gohet
: Il y a deux jours, pour réactiver les actions des différents ministères en charge de la politique du handicap, le premier ministre a installé le Comité interministériel du handicap et a remis à son secrétaire, Thierry Dieuleveux, sa lettre de mission pour coordonner et piloter l'action de l'ensemble de ces ministères. Par ailleurs, le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), dont j'assume la présidence, adoptera le 17 février prochain son programme de travail pour les trois prochaines années. Notre Conseil réunit toutes les composantes de la société et, dans le cadre de ses attributions, il entend bien contribuer à un dialogue sincère et constructif. Ce sont quand même deux dispositions institutionnelles qui constituent un facteur de progrès pour l'avenir !

Handicap.fr: Les personnes handicapées n'ont donc pas à craindre le désengagement de l'Etat ?

PG
: Et pourquoi ne parler que de l'Etat ? La loi, c'est important mais ça ne suffit pas ! Les textes d'application, c'est important mais ça ne suffit toujours pas ! La politique du handicap, c'est l'affaire de tous les acteurs publics, de toute la société. Parce que le handicap, c'est peut être avant tout une question culturelle et de représentation sociale. Et la société française a de gros progrès à faire dans ce domaine. Cela suppose l'implication de tous, par exemple des médias ! Pour le moment, être handicapé, c'est encore et avant tout avoir un statut à part. Et les choses n'évolueront pas aussi vite qu'on le souhaite tant qu'on n'aura pas abandonné cette manière de penser. Le handicap est un sujet qui concerne tous les citoyens. Il doit être traité en amont de toute initiative. Si c'est une affaire de volonté politique, de textes, de moyens, c'est aussi une question de sensibilisation et de mobilisation de tous les acteurs.

H: Le gouvernement sert donc, parfois, de bouc émissaire, notamment de la part de certaines associations ? A tort ?

PG:
Je ne porte pas de jugement de valeur sur l'action des associations qui sont dans leur rôle, même si évidemment tout un chacun a le droit de discuter leurs interprétations et leurs initiatives. Il est important qu'elles s'adressent à l'ensemble des composantes de la société, qu'elles soient ainsi partie prenante d'un véritable dialogue, seule condition pour que la question du handicap ne soit pas seulement le fait des personnes concernées et des spécialistes, seule condition pour que notre société s'approprie cette question !

H: Le récent report de pénalités pour les entreprises ne souscrivant pas à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés a peut-être mis le feu aux poudres ?

PG
:De mon point de vue, il faut, sur les sujets de cette nature, comprendre qu'il est nécessaire de concilier de manière sereine et responsable deux exigences : la mise en œuvre des orientations et des principes de la loi de 2005 et la réponse aux besoins des personnes handicapées d'une part et la prise en compte d' un contexte économique et social particulièrement difficile d'autre part. Voilà ma position en tant que président du CNCPH, lieu de concertation et de proposition qui allie représentativité, compétence et ingéniosité.

H: Quelles sont les grandes échéances qui pourraient rassurer les personnes en situation de handicap sur l'implication gouvernemental ?
P: Le CNCPH se réunit une fois par mois pour travailler autour de ces sujets. Quant à la loi, elle prévoit une conférence du handicap, grand débat national organisé tous les trois ans. La première a eu lieu en juin 2008 ; la prochaine se tiendra donc en juin 2011.

H: Ils sont néanmoins nombreux à douter de l'application de la loi en 2015. Est-ce que, objectivement, tout peut être réalisé à cette échéance ?
PG: S'il convient d'être vigilant, pourquoi faudrait-il pour autant douter ? C'est démotivant ! La loi de 2005 est considérable car elle réforme les choses en profondeur. Comme celle de 1975, je continue de penser qu'elle mettra dix ans, à compter de sa promulgation, pour atteindre sa vitesse de croisière. On a donc encore cinq ans qui, j'en ai conscience, sont longs pour ceux qui attendent, souvent depuis longtemps, mais, pour répondre à votre question, nous avons encore cinq ans pour progresser ! Bien sûr qu'il faut être persévérant. Les associations tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme et je les entends. Je conçois que cet anniversaire soit une date symbolique qui incite à faire des bilans et de la prospective. Mais justement, n'oublions pas toutes les avancées réalisées. Revenez seulement sur la situation dix ans en arrière, à l'école, à l'université, dans l'entreprise... On a progressé dans beaucoup de domaines. Pour continuer de remplir le verre, commençons par voir la moitié pleine !

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