Scène 1 : Théâtre pour déficients visuels à la Comédie française
Comédie Française, Paris, mars 2010. Ce soir, on y joue Fantasio, d'Alfred de Musset. Dans le Temple du théâtre français, un air d'antan, fastueux et chaleureux, velours rouge et pierres blondes.
En voix off
Le théâtre se lit, s'entend mais, pour certains, le rideau de scène reste toujours baissé. Ils sont aveugles ou malvoyants et doivent se contenter des mots. Enfin, plus tout à fait car le système d'audiodescription a révolutionné leur plaisir. Contre une pièce d'identité, on me remet un casque : deux positions, marche-arrêt, une touche volume et un canal de fréquence déjà réglé. Presque un privilège car pendant que les autres spectateurs attendent le levé du rideau, une voix suave plante le décor et m'initie aux secrets de la vie de Musset. Des programmes en braille ou en gros caractère sont également disponibles. Pendant tout le spectacle, entre les répliques des acteurs, une voix off décrit ce qui se passe sur scène : qui entre, qui parle, qui rit, qui pleure. On est tenté de fermé les yeux pour se rendre compte qu'en effet, sans ces indications, il est bien difficile de suivre l'intrigue et ce méli-mélo enjoué. Discrets et laconiques, ces commentaires préenregistrés ne perturbent en rien le déroulement de la pièce. C'est un régisseur, installé dans une loge, qui orchestre de 200 à 300 « effets spéciaux » par représentation et les « lance » au moment opportun.
Une spectatrice comblée
Je croise Ingrid à la sortie. Elle est en train de rendre son casque. Elle est amateur de théâtre depuis toujours et très malvoyante depuis quelques années. Cette initiative l'a réconciliée avec la scène : « Avant, je ratais pas mal de choses. J'avais du mal à percevoir les émotions sur les visages et les silences me paraissaient bien longs et pleins de mystère. J'étais toujours accompagnée d'une amie qui devait, le plus discrètement possible, me raconter ce qui se passait. Mais ce n'était pas très pratique, ni pour elle ni pour les autres spectateurs. Maintenant, je viens toujours accompagnée mais sans plus embêter personne ! ».
Scène 2 : Ballet en langue des signes au Théâtre national de Chaillot
Théâtre national de Chaillot, Paris, mars 2010. Ce soir, les circonstances sont bien différentes. Chaillot ouvre ses portes à un festival hip-hop. Mes deux ados sous le bras, nous voici partis vers l'inconnu, un ballet de Farid Ounchiouene traduit en langue des signes.
Quelle drôle d'idée ? Le corps ne parlerait-il pas de lui-même ? Pourquoi un sous-titrage... Parce que Farid pose des mots sur ses gestes. Il parle, raconte les maux de sa terre algérienne, le parcours d'un idéaliste qui veut devenir chanteur. Dans la salle, un groupe d'adolescents signent avec dextérité. Ils sont sourds apparemment. Cette soirée leur est dédiée car, sur scène, dans un halo de lumière, l'interprète en langue des signes propose une chorégraphie à quatre mains tout à faite singulière. Elle traduit les textes, au fur et à mesure, accompagnant de ses mains les déhanchements et pas de deux. Présence inattendue mais discrète qui finit par se fondre dans le spectacle. Farid évoque la différence, l'injustice, les luttes, l'ostracisme... Ce n'est certainement pas un hasard si son ballet s'ouvre aux différences. Fin du spectacle : au milieu du tonnerre d'applaudissements des mains s'agitent. Jeunes sourds qui pour une fois ont pu « entendre » ces mots qui parlent de dignité humaine.
Choisir un spectacle ?
La liste des 210 spectacles adaptés, organisés dans 45 villes françaises chaque année, est disponible auprès de l'association Accès culture qui s'emploie, depuis plus de 17 ans, à rendre les salles de spectacles accessibles aux sourds et malentendants, aveugles ou malvoyants et spectateurs handicapés mentaux. Les structures partenaires s'engagent à réserver un contingent de places adaptées et proposent, en général, des tarifs préférentiels aux spectateurs handicapés.
D'autres types d'aides sont mis à la disposition des spectateurs sourds et malentendants. Tout d'abord un boîtier de sur-titrage individuel (dans une quinzaine de théâtres en France), petit écran avec une trentaine de lignes en surbrillance qui délivre au fur et à mesure les répliques des acteurs, ou encore des boucles magnétiques individuelles, casques avec amplificateurs ou codage en langue française parlée complétée (LFPC).
Rendez-vous avec Acces culture les 9, 10 et 11 juin prochains sur le salon Autonomic de Paris (Porte de Versailles), et à Paris, les 14 juin au TEP, Théâtre de l'est parisien (handicap auditif) et 23 juin au Théâtre de Chaillot (handicap visuel) pour une présentation des spectacles de la prochaine saison !
Infos pratiques:
Aide et résa des places à tarifs préférentiels au 01 53 65 30 74
- www.accesculture.org
- www.comedie-francaise.fr
- www.theatre-chaillot.fr