Boxe et handicap : un KO aux préjugés !

La boxe pour tous ? Derrière le cliché de castagne, Handiboxe propose aux personnes handicapées une discipline sportive tout à fait adaptée. Interview façon uppercut de Sébastien Pilot, entraîneur et champion du challenge Handiboxe

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Handicap.fr : Quel est votre parcours en boxe ?
Sébastien Pilot
: Je marche avec des doubles béquilles mais je boxe en fauteuil. Ce qui ne m'empêche pas, depuis 20 ans, d'entraîner des « valides » en boxe française ou anglaise. J'ai développé il y a une quinzaine d'années une méthode pour permettre aux personnes handicapées moteur de boxer, qui a inspiré le règlement fédéral handiboxe.

H : Pourquoi n'existe-il pas de section boxe au sein de la Fédération française handisport ?
SP
: C'est la nouvelle politique de cette fédération qui, parce qu'elle gère déjà de nombreuses disciplines et ne souhaite pas en introduire de nouvelles, incite les fédérations sportives dites « valides » à développer leur propre commission handisport.

H
: Est-ce une bonne chose ?
SP
: Oui, je crois. Cela fonctionne à merveille dans les pays scandinaves où il n'existe pas de fédération spécialisée et où chaque discipline a développé sa propre commission de sports adaptés. Et puis, en France, cette volonté s'inscrit dans les exigences de la loi qui impose de rendre toutes les domaines accessibles.

H
: La Fédération française de boxe semblait assez impliquée mais d'après ce que vous dites, elle n'avait donc pas le choix !
SP
: Il ne faut pas être naïf. Elle a agi sous la pression du ministère qui a versé des fonds aux différentes fédérations sportives pour développer les pratiques à l'intention du public handicapé et qui exigeait des résultats en retour. Je crains que ce ne soit malheureusement pas par idéal humaniste mais bien par peur du coup de bâton ou par intérêt marketing. Mais, dans les clubs, le système fonctionne depuis plus de 15 ans avec de vraies valeurs humaines alimentées par la conviction que tout le monde peut boxer.

H
: Racontez-nous votre expérience avec vos handiboxeurs...
SP
: Je fais partie du Ring grenoblois dont le directeur sportif est lui-même handicapé. La mixité s'est faite naturellement. Nous avons eu jusqu'à 30 handiboxeurs à l'époque où nous intervenions dans les centres de rééducations. Ce qui est dommage, c'est qu'il y avait un turn over important et que les jeunes que nous avions formé ne pouvaient pas continuer car ils ne trouvaient pas d'autres centres en France.

H
: Mélanger les handicaps mentaux et moteurs lors des entraînements et les réunir lors d'une même compétition est assez rare. Pourquoi un tel parti-pris ?
SP
: On connaît les rivalités qui animent la fédération Handisport (handicap moteur) et le Sport adapté (handicap mental). Chez Handiboxe, nous n'avons pas envie de rentrer dans ce genre de disputes fratricides. Nous ne voulons faire ni communautarisme, ni sectorisation. Nous accueillons sans préjugé tous ceux qui ne peuvent pas faire de boxe chez les valides et exigent un suivi et des adaptations. Mais il va sans dire que, lors des compétitions, notre classification ne mélange pas les handicaps ou les pathologies, par sécurité pour chacun des adversaires.

H
: La boxe est réputée être un sport violent. N'est-ce pas donner une "arme" à certains, notamment en cas de handicap mental lourd ?
SP
: Nous sommes là pour leur apprendre à canaliser leur énergie. Celui qui frappe trop fort est sanctionné, voire disqualifié. Et s'il a vraiment besoin de se défouler, on lui suggère de taper dans les sacs. Nous proposons une boxe éducative, celle là même qu'on enseigne aux enfants. Avec le temps, on assiste à des changements de comportement notoires, par exemple avec des jeunes Infirmes moteur cérébraux qui arrivent à mieux tempérer leurs émotions. D'autre reprennent confiance en eux.

H : C'est un sport particulièrement physique, quelles en sont les contrindications ?
SP
: La pratique est évidemment subordonnée à l'obtention d'un certificat médical. Mais il n'y a pas vraiment de restrictions. Evidemment, si on a affaire à une personne victime d'un trauma crânien, on ne va pas la faire boxer, à l'entraînement, avec un adversaire handicapé mental qui a parfois du mal à comprendre les consignes et à se maîtriser Pour les plus vulnérables, on  leur propose, à la place de l'opposition, de ne faire que du sac ou des leçons individuelles sans jamais recevoir de coups.

H
: Y-a-t-il des handiboxeuses ?
SP
: Oui, dans la même proportion d'ailleurs que chez les valides. Mais, il y a de sacrés archaïsmes en boxe, hérités des années 30, qui prétendent que ce n'est un sport ni pour les femmes ni pour les enfants. Alors imaginez pour les handicapés !

H
: Alors comment réagit le milieu face à l'intégration de boxeurs handicapés ?
SP
: Les mentalités sont en train de changer avec l'arrivée d'une nouvelle génération d'enseignants et d'entraîneurs. Ils donnent une vision plus ouverte de cette boxe qui a bien ramassé.

H: Qu'entendez-vous par « ramassé »?
SP: Pour beaucoup, la boxe ce sont 2 abrutis en sang qui se tapent sur la gueule. Pour moi, c'est un jeu subtil et stratégique. Il faut au contraire se comporter comme une anguille pour esquiver les coups et avoir conscience que, derrière chaque combat, il y a un vrai travail technique. C'est ce qui est intéressant avec les personnes handicapées. Elles peuvent alors combattre un adversaire comme elles combattent leur handicap.

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