L'assistance sexuelle, réponse à la misère affective !

Marcel Nuss est l'un des défenseurs de l'assistance sexuelle pour les personnes handicapées et, à travers les actions du CHS, œuvre pour qu'il soit légalisé en France. Il répond aux propos de Maudy Piot qui s'insurge contre cette pratique.

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Handicap.fr : Avez-vous pris connaissance de la lettre de Maudy Piot, présidente de FDFA (Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir) qui s'insurge contre l'assistance sexuelle ?
Marcel Nuss
: Oui, et je regrette d'en avoir pris connaissance de manière fortuite, d'autant que Maudy Piot m'implique de façon indirecte. Ce n'est pas très élégant. Je me suis empressé de lui répondre dans la foulée. Sa lettre est un ramassis de contrevérités et de mensonges.

H
: Maudy Piot vous reproche de ne pas avoir invité son association au colloque qui aura lieu le 26 nov. 2010 à Paris sur le thème « Handicap, Affectivité, sexualité, dignité ». N'avait-elle pas sa place ?
MN
: Je ne suis pas l'organisateur, et je ne me suis donc pas soucié des intervenants. Mais je suis tombé des nues car à aucun moment son association n'a émis le désir de dialoguer sur cette question alors que nous avons rencontré par deux fois des représentants du mouvement du NID (contre la prostitution). Je ne suis pas du genre à refuser le dialogue, pas plus que les membres de CHS (Collectif handicaps et sexualité). Je pense que toute mauvaise foi n'a jamais fait avancer aucune cause, aussi juste soit elle. Et aucune cause ne peut satisfaire tout le monde. C'est cela la démocratie !

H
: L'assistanat sexuel peut-il être assimilé à de la prostitution ?
MN
: Non. La prostitution ce sont des passes de 10 minutes, des branles et des pipes pour 80 euros ! Nos accompagnants sexuels, eux, consacrent en moyenne une heure et demie à chaque personne par le biais de massages, d'attentions et, parfois seulement, de relations sexuelles. Ils se feraient bien plus d'argent avec des clients traditionnels. Ils ont été formés pendant un an aux spécificités et besoins particuliers des personnes handicapées. Le « rapport sexuel » n'est pas leur métier à plein temps. Ils sont rémunérés une centaine d'euros par séance, environ quatre fois par mois. 400 euros par mois, vous croyez vraiment qu'ils font cela pour de l'argent ?

H
: Il y a néanmoins des prostituées parmi les accompagnants sexuels ?
MN
: Assez peu. J'en connais une qui est encore en activité et une autre qui a arrêté depuis longtemps et qui s'implique parce qu'elle l'a choisi. Si elles font ce choix ce n'est pas pour l'argent mais par sensibilité !

H
: Maudy prétend qu'elle concevrait ce principe si les accompagnants étaient bénévoles...
MN
: Je connais suffisamment Maudy pour me dire que ce n'est pas elle qui a tenu ce genre de discours prôné, notamment, par le NID, et qui me laisse profondément songeur et interrogatif...

H
: Elle évoque la situation dans d'autres pays. Qu'en est-il ailleurs ?
MN
: Les accompagnants sexuels en Suisse romande ne relèvent plus de la prostitution, ils ont désormais un statut particulier car la spécificité de leurs services a été reconnue. Prétendre que la Suède et la Norvège sont exemplaires en matière de politique du handicap, c'est soit méconnaître les dysfonctionnements et les manquements que l'on rencontre aussi dans ces pays, soit avoir un discours partisan. Aucun pays n'est exemplaire en quelque domaine que ce soit, et Maudy Piot le sait très bien.

H
: Pensez-vous que les détracteurs de l'assistance sexuelle tiennent un discours réactionnaire ?
MD
: J'ai l'impression de me retrouver dans les années 70, lorsque Simone Veil (une femme !) s'était battue pour légaliser et encadrer le droit à l'avortement et à la contraception. Il ne s'agissait pas d'amener toutes les femmes à avorter mais d'éviter la souffrance de certaines. Pour moi, il ne s'agit pas d'imposer l'accompagnement sexuel mais d'offrir la possibilité d'en bénéficier à ceux qui le demandent, et ils et elles sont de plus en plus nombreux aujourd'hui. Il n'est pas « la » réponse aux souffrances affectives et sexuelles mais « une » réponse.

H
: Dans ce cas pourquoi ne pas le proposer à tous ceux qui sont dans une grande solitude affective, comme les prisonniers et bien d'autres encore ?
MN
: C'est encore une fois l'un des arguments du NID. Mais pourquoi pas ? Je suis persuadé que dans 30 ou 40 ans, on y arrivera. La misère affective et sexuelle en France est terrible, et touche également les femmes. Trois millions de personnes vivent seules. Le problème pour les personnes handicapées, c'est que certaines n'ont pas les moyens physiques de se masturber car elles sont coupées de leur corps.

H
: Et pouvoir se masturber ou avoir des relations sexuelles, c'est indispensable ?
MN
: Evidemment ! Une abstinence contrainte peut rendre fou ! C'est une immense souffrance, à la fois physiologique, à cause du refoulement, mais aussi psychologique. Alors que fait Maudy Piot, qui pourtant défend le droits des femmes, de toutes ces mères qui, en désespoir de cause, masturbent leur enfant ?

H
: L'abstinence peut donc engendrer de la violence ?
MN
: Oui, bien sûr. Cela a été démontré de façon formelle, notamment dans le cas de certaines maladies mentales. Grâce à l'accompagnement sexuel, cette violence disparaît. J'ai vécu cela de 20 à 23 ans. Je me souviens dans quel état j'étais : agressif, dur à vivre...

H
: Vous défendez donc une loi qui légaliserait l'accompagnement sexuel en France ?
MN : Oui. Je ferai tout pour défendre non « une loi à part, une loi indigne » mais une loi citoyenne et démocratique qui proposera une dérogation, une exception, sans pour autant être la porte ouverte à une légalisation de la prostitution et du proxénétisme.

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