PARIS, 31 jan 2012 (AFP) -
"C'est une affaire qui pourrait révolutionner le statut des handicapés qui sont considérés comme incapables juridiquement et qui ne peuvent donc pas saisir les tribunaux", affirme à l'AFP Me Corinne Herrmann qui a défendu leur requête devant la CEDH.
Enclenchée en décembre 2008, la procédure "Gauer et autres contre France" a déjà franchi plusieurs filtres à Strasbourg et approche de son terme. "Il est évident que la Cour rendra une décision sur ce sujet qui est considéré comme important", commente un porte-parole de la juridiction, sans toutefois fixer de date d'audience.
Le combat des cinq femmes a commencé à Sens (Yonne), il y a 12 ans.
Salariées d'un centre d'aide par le travail (CAT), elles subissent, à leur insu, entre 1995 et 1998, des opérations chirurgicales de ligature des trompes, dans un but contraceptif.
"On a dit à ces femmes qu'on les opérait de l'appendicite alors qu'on les stérilisait", accuse Pierre Derymacker, vice-président de l'Association de défense des handicapées de l'Yonne (ADHY) qui a porté plainte en leur nom en 2000, après avoir déjà mis au jour les crimes d'Emile Louis dans l'affaire des "disparues de l'Yonne".
"C'était une redite. Ce sont deux affaires concernant les handicapées et qu'on a voulu étouffer", assure M. Derymacker.
Pas de "politique eugéniste"
Commence alors un long feuilleton judiciaire qui débouche sur un non-lieu en avril 2006, confirmé en mars 2007 par la cour d'appel de Paris, jugeant que la "preuve d'une politique eugéniste concertée au sein du CAT de Sens" n'a pas été apportée et que les stérilisations ne sont pas irréversibles.
Pour Me Herrmann, ces pratiques illégales procèdent bien plus de considérations économiques que de visées eugénistes. "Il est plus compliqué et plus cher de distribuer des pilules contraceptives et de s'assurer qu'elle sont bien prises. Et en cas de grossesse, l'absence au travail a un coût", dit l'avocate.
Après le rejet de leur pourvoi en cassation en 2008, les plaignantes se tournent vers la justice européenne et accusent l'Etat français qui aurait failli à son obligation de contrôle du CAT et n'aurait pas garanti leur droit à une "vie familiale" et à un "procès équitable".
"Les actes dénoncés se sont révélés d'autant plus graves (...) que les tribunaux sont demeurés inaccessibles aux victimes handicapées", disent les avocats dans le mémoire transmis à la CEDH et que l'AFP a consulté.
Selon Me Herrmann, la seule plaignante entendue par la juge l'a été sans avocat et en présence de personnels impliqués dans les stérilisations.
"La France doit être condamnée pour qu'on reconnaisse que ces femmes sont victimes mais aussi pour que les handicapées puissent à l'avenir agir en justice sans dépendre de leur tuteur, qui peut parfois avoir lui-même couvert ou commis des actes malveillants", détaille l'avocate.
Cette affaire offre "l'opportunité d'ancrer les droits des personnes handicapées (...) dans le système de protection des droits humains élaboré par la CEDH", estime le Groupe européen des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'Homme (INDH), une structure associée à l'ONU qui s'est joint à la requête.
Le ministère des Affaires étrangères et des Affaires européennes a fait savoir qu'il refusait de commenter "une procédure en cours devant une juridiction internationale".
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Stérilisées à leur insu !
La France devrait bientôt s'expliquer devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg à l'initiative de 5 femmes handicapées mentales qui disent avoir subi un "traitement inhumain" après avoir été stérilisées.