Emploi et handicap mental : le parent pauvre ?

Travail et handicap mental sont-ils réellement compatibles ? De l'emploi en milieu ordinaire au placement en foyer de vie, quelle latitude pour ces travailleurs trop souvent laissés pour compte ? Quatre orientations et mille parcours...

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« Il est vrai que nos lois fonctionnent mieux pour les personnes handicapées motrices et sensorielles que pour les personnes handicapées psychiques ou mentales, constate Jean-Louis Loirat, ancien directeur délégué de la CNSA. Or elles sont partout : à la maison, dans la rue, à l'hôpital, dans nos prisons, en emploi... Nous devons donc développer des outils pour accompagner leur insertion ». L'urgence de cette mission est éclairée par un chiffre : 15 000 personnes handicapées mentales attendent une place en ESAT. Alors pour eux, quel emploi, quel soutien ?

1° : L'ESAT et L'EA. La solution la plus couramment adoptée, c'est le travail en milieu protégé, en ESAT (ex CAT) ou en EA (Entreprise adaptée). Aujourd'hui, ce sont 2 000 établissements en France qui emploient 147 000 travailleurs (120 000 en ESAT et 27 000 en EA).

2° : L'ESAT Hors-les-murs. Le concept d'ESAT Hors-les-murs tend à se répandre puisqu'il propose la mise à disposition de travailleurs handicapés dans des entreprises du milieu ordinaire. Le sésame numéro un de l'inclusion ! Une option qui présente l'avantage de sortir la personne de son environnement spécialisé. Selon Eric Blanchet, directeur général de L'ADAPT, « ce système permet de faire connaissance, de comprendre l'autre et d'aboutir, au bout de 18 à 24 mois, à la signature d'un contrat ». Une initiative menée par un ESAT du Rhône a permis d'insérer 20 % des travailleurs en milieu ordinaire. Avec quelques précautions cependant, notamment la présence d'un tuteur pour assurer un lien entre l'ESAT et l'entreprise. Reste, dans ce cas de figure, le problème de l'autonomie dans les transports...

3° : Le milieu ordinaire. Il existe, pour les personnes en situation de handicap mental, une troisième alternative : le travail en milieu ordinaire. Mais elle ne peut être envisagée sans un soutien actif à l'emploi, à la fois du travailleur et de l'employeur, incarné par la présence d'un « coach », ou de deux ! Dans le meilleur des cas, l'un venant de l'extérieur est en mesure de passer le relais à son homologue au sein de l'entreprise. Cela exige de cette dernière qu'elle accepte de s'adapter : pour proposer un poste, le conserver, assurer le transport, une formation spécialisée...

4° : Renoncer à l'emploi. Accompagner les personnes vers l'emploi, c'est aussi parfois les amener à y renoncer. Elles sont alors orientées vers des foyers occupationnels, de vie ou médicalisés. Mais, le résident a-t-il, au sein de ces structures, des activités réellement significatives ? Est-il en mesure de produire un travail sous forme de tâches valorisées ?

Passerelle sécurisante


Selon Martine Carillon Couvreur, députée de la Nièvre, « Si l'on veut vraiment réussir l'insertion professionnelle, il faut être conscient des étapes nécessaires. Un travailleur peut d'abord être accueilli dans le secteur protégé avant d'intégrer le milieu ordinaire, quitte à revenir à la situation antérieure en cas de problème. Un tel système de passerelle rend le parcours professionnel plus confortable. Il faut laisser à chacun le temps d'exprimer ses souhaits et ses besoins. Nous sommes nombreux à soutenir cette idée de continuum entre les deux univers. » C'est notamment l'objectif du Pacte pour l'emploi EA qui a été signé en décembre 2011 par le premier ministre et qui vise à favoriser la mobilité professionnelle des salariés en situation de handicap, en particulier par le biais des contrats de professionnalisation.

Vers la réussite


Quel que soit l'environnement, chacun peut donc mener une activité professionnelle enrichissante avec les supports ad hoc. De nombreuses initiatives sont menées dans ce sens. C'est notamment le cas de « Trisomie 21 Gard », qui a accompagné l'insertion de 20 personnes trisomiques en milieu ordinaire. 16 ont obtenu un contrat dont 13 en CDI. « Les entreprises apprécient notre méthodologie et l'accompagnement mené auprès des travailleurs et des entreprises, explique Delphine Tissot, chargée d'insertion professionnelle. Mais en dépit de ce succès, l'aide financière ne nous a été accordée que pour trois ans. » Comment faire mieux avec moins ? « Il faudrait avoir le courage et la conviction de faire une étude « coûts-bénéfices » dans une perspective d'inclusion, s'indigne alors Jean-Louis Loirat. »

Le soutien des entreprises


« Mais, pour construire cet édifice, explique Emmanuel Chansou, directeur du GESAT (groupement d'ESAT), il faut, au sein des entreprises, des RH et des missions handicap suffisamment outillées, avec un vraie politique axée sur la diversité, des accords d'entreprise et la possibilité d'aller vers des dispositifs tels que les VAE (Validation des acquis de l'expérience) ou des contrats de professionnalisation ». Le GESAT engage des actions importantes (salons, trophées...) afin que l'ensemble du tissu économique ait connaissance de ces engagements et prenne le reflexe de se tourner vers le milieu adapté.

A lire...

• « Vers un style de vie valorisé » (éditions de Boeck), à paraître en avril 2012. Ce manuel à l'intention des services résidentiels et d'activités de jour dédiés aux personnes avec déficience intellectuelle et/ou autisme, propose, en deux étapes, d'évaluer le style de vie et de mettre en place un Plan de soutien personnalisé (PPS).

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