Trisomie 21 : un peu de tendresse dans un monde de brutes ?

" Sommes-nous heureux avec nos enfants trisomiques ? " C'est la question posée par le colloque sur le thème " Trisomie 21, un enjeu éthique " organisé le 16 mars à Paris. La seule vraie question qui s'impose, au delà des peurs, du rejet

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A l'invitation de Jean-Paul Delevoye, président du CESE (Conseil économique, social et environnemental) au sein de l'hémicycle du Palais d'Iéna, l'après-midi était placé sous le signe du positivisme : « L'essentiel n'est pas le respect de la norme mais la culture du bonheur ». C'est en tout cas ce que scande Emmanuel Laloux, président du collectif « Les amis d'Eléonore », qui à l'initiative de ce colloque. Il regroupe une trentaine d'associations et près de 3 000 personnes qui s'engagent à intervenir auprès des pouvoirs publics pour que soient respectés les droits et la dignité des personnes porteuses de trisomie 21. Auparavant, leur espérance de vie était inférieure à dix ans. Pas d'espoir, pas de problématique sociale... Aujourd'hui, les choses ont changé, et leur présence questionne différemment notre société.

Que du bonheur ?


Emmanuel Laloux est le papa d'Eléonore, 26 ans, nommée porte parole du collectif. Trisomique, évidemment ! Elle est présente ce jour là, siège à la tribune avec un aplomb sidérant, interpelant les uns et les autres, émouvant l'assemblée jusqu'aux larmes. La sincérité de son discours, ses éclats de rire, ses petits sanglots valent à eux seuls tous les discours. Pour la première fois, une enquête, menée à l'été 2010, a mis en évidence la joie de vivre de ces personnes, tout autant que leur difficulté à supporter les regards d'incompréhension et leur souffrance d'être trop souvent stigmatisées. « On a communiqué de façon trop compassionnelle sur le handicap, déplore Emmanuel Laloux. J'en ai assez du Téléthon. Nous devons prouver que ce sont des personnes sensées et leur donner la parole. Eléonore nous a ramené à la raison : un bonheur simple et des sourires tous les matins. » Et la jeune femme de rependre en écho : « Moi ce que je veux c'est un "trisothon" pour avoir des cachets pour guérir la trisomie. Mais je veux aussi qu'il y ait plus de trisomiques. Je suis heureuse avec mes parents. Je vais au travail en fanfare avec le sourire jusqu'aux oreilles. »

Une vie « ordinaire »


Cette aventure, les Laloux l'ont vécu en famille. Des moments parfois durs et douloureux. Ils ne soupçonnaient pas qu'Eléonore serait trisomique mais ont choisi d'accueillir « leur enfant », sans lui coller une étiquette stigmatisante sur le front. Ils décident qu'Eléonore vivra et fera son parcours en milieu ordinaire. Eléonore acquiesce : « J'ai des copains en milieu fermé et c'est pas bon pour eux ! » Depuis sept ans, la jeune femme travaille à mi-temps au service facturation de la Générale de santé, fait des photocopies, envoie des fax. « Au début, c'était dur car je parlais toute seule, aux murs... Ce n'était pas facile pour mes collègues qui se posaient plein de questions sur moi et me regardaient de travers. Puis ma supérieure est intervenue... Ils me disent aujourd'hui que je suis une fille très unique, leur rayon de soleil. Ils ne peuvent plus se passer de moi. »

Une utopie bien réelle


« Ce n'est pas Eléonore qui est handicapée mais la société qui a créé un environnement handicapant ». Alors Emmanuel tente un défi : en 2011, à Arras, il crée l'Ilot Bon Secours, une résidence intergénérationnelle qui mêle douze personnes trisomiques, des personnes âgées, des familles et une crèche. « Les personnes trisomiques ont un cœur énorme et une capacité à communiquer avec bonheur. Cette expérience a pour objectif la prévention des solitudes qui touchent fréquemment les personnes âgées et trisomiques. » Le lien est favorisé à travers le kiosque, un lieu où tous se rencontrent et se rendent des services mutuels. Une reconnaissance sociale qui les aide à grandir.

Accompagner les parents


Selon Emmanuel Laloux, « on sait accompagner les personnes en fin de vie et on devrait pouvoir savoir faire de même pour les parents d'enfants différents. Sentiment partagé par Christel Prado, présidente de l'Unapei, membre du CESE depuis 2010 et mère d'une jeune femme polyhandicapée et autiste. « Le sort d'un parent d'enfant handicapé c'est d'être créatif, exigeant, combatif, savant (connaître les dispositions juridiques et réglementaires), robuste (on travaille le jour sans dormir la nuit)... Qui peut cumuler en une seule personne toutes ces dispositions de super-héros ? Et pourtant, en France, c'est ce qui est demandé aux parents. Ne pas dormir, ne pas aller au cinéma, ne pas assister aux réunions de famille... La naissance de ma fille, il y a 23 ans, a provoqué une grande exclusion sociale, alors je me suis engagée dans l'associatif pour faire bouger les choses. La déficience intellectuelle doit être compensée par des moyens humains. Or l'accompagnement n'est pas au rendez-vous. Nous sommes dans uns société du paraître où l'on croit que les mots sont des actes. » Une expo photo, une campagne d'affichage, un colloque, une journée mondiale... La trisomie est pourtant au cœur de l'actualité 2012. Le collectif vient également d'éditer un ouvrage, « Supplément d'âme », pour changer le regard sur la personne différente.

Plus d'infos
: www.lesamisdeleonore.com

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