Deza Nguembock a aujourd'hui 38 ans. La petite Camerounaise a fait bien du chemin. Une drôle de maladie, dès l'âge de quatre ans, qui lui impose une vie de soins. A 21 ans, c'est l'urgence. Un rapatriement sanitaire vers la France lui sauve la vie. Une intervention chirurgicale, un an d'hôpital puis autant de rééducation. Les médecins n'ont jamais su ce qu'elle a. Deza elle, à défaut de le savoir peut le voir : une scoliose qui la déforme et une insuffisance respiratoire. Elle rêve d'aller étudier à la Sorbonne mais, dans ces murs séculaires, son fauteuil n'est pas le bienvenu. Alors, elle est orientée vers la Sorbonne Nouvelle. Bonne nouvelle ! Mais, au bout de trois ans, elle s'envole pour les Etats-Unis pour y préparer un master. « Là bas, c'est beaucoup plus simple pour les personnes à mobilité réduite, y compris en termes d'acceptation, explique-t-elle ». La France l'a sauvée mais ce sont les USA qui lui donnent ses ailes.
Une place pour le handicap
Deza se forme donc aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Diplôme en poche, en 2004, elle égrène les petits jobs dans des entreprises de marketing direct. Mais jamais d'embauche ! Blessée, le dégout... En 2005, elle décide de lancer une plateforme d'échanges culturels internationaux. Une ruche d'artistes, une mosaïque de cultures... Les rencontres portent leurs fruits. On admire le dynamisme de cette jeune femme, combative, un entrain presque « surprenant » avec un tel handicap ! En 2007, Deza réfléchit à un nouveau projet : mêler esthétique et handicap. Association forcément contrenature ? Elle veut faire le pari contraire... « Il n'y avait aucune place pour les personnes handicapées dans l'univers des medias et de la pub ».
Paris manque d'audace
Lors d'une exposition de photos à l'Unesco, elle rencontre Angèle Essamba, une photographe handicapée inspirée par les femmes. Elle braque son objectif sur Deza, puis sur d'autres, handicapés eux aussi... Des corps nus, inhabituels, dérangeants... Le projet est envoyé aux villes de Paris, de New-York et du Cap. Seule la ville d'Afrique du Sud se laisse convaincre par ce concept inédit qui ne manque pas de sens. Un mois d'expo. Un immense succès. « Pour Paris, c'est plus compliqué, regrette Deza. Les photos sont trop fortes, trop bouleversantes. » Deza paye l'affichage, et pourtant la campagne est rejetée. « On accepte de voir des personnes en fauteuil roulant ou avec de cannes blanches sur le cul de nos bus, mais le corps dénudé d'une personne handicapée, c'est une autre affaire ! » Deza est fâchée. Paris, c'est fini. Mais, heureusement, son aura commence à imprégner la Toile, et des grandes entreprises la contactent pour lui proposer de mener des campagnes de sensibilisation. Nous sommes en 2009.
Un nouveau laboratoire
Motivée par cet intérêt naissant, par sa propre conviction, Deza a d'autres ambitions. Elle décide de monter sa propre agence de communication. En juin 2011 nait E&H Lab, comme « Esthétique et Handicap Lab ». Lab ? Label handicap ou laboratoire d'expérimentation pour une société dans laquelle hommes et femmes, quel que soit leur statut, trouvent une place et s'épanouissent avec leur différence, aussi bien sur le plan social que professionnel. Cette agence s'adresse aux collectivités et aux entreprises, et leur propose des services de communication externe, à destination du grand public. Une nouvelle campagne une fois par an avec des modèles handicapés, placardée dans l'espace urbain. Son ambition ? « Battre en brèche l'inconscient collectif qui veut qu'une personne handicapée soit forcément dépendante et impotente. La montrer sous un autre jour, en action, dynamique et autonome. » Et, pourquoi pas, belle ?
Une agence de modèles dédiée
Mais E&H Lab propose également aux entreprises une offre interne à travers différents services : le design (pas forcément lié au handicap), le consulting (pour développer des stratégies d'intégration des travailleurs handicapés) et la communication (à la demande des missions handicap des entreprises qui souhaitent communiquer sur ce thème et recherchent des campagnes dédiées). Enfin, le pôle évènementiel met en œuvre des conférences, expositions et ateliers artistiques au sein des entreprises. Ne reculant devant aucune audace, Deza a également inauguré une agence de modèles qui ne compte dans ses rangs que de personnes handicapées, de vraies « gueules » !
RV à Gentilly
« Cette initiative est unique au monde, se félicite Deza. Et même aux Etats-Unis ou au Canada, où la discrimination semble moins présente, il n'existe aucun concept sur l'image de la personne handicapée aussi étonnant que le mien. » Le 22 mars 2012, E&H Lab ouvrait officiellement ses portes. Un espace moderne et vivant, aux portes de Paris, à Gentilly. Projeté sur les murs blancs : « Miroir de mon âme, » un film documentaire réalisé par Deza. Grande femme, femme immense, qui, décidemment, ne ménage pas ses talents.
Infos:
Site agence : www.e-hlab.com
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Esthétique & handicap : le " business " de Deza !
Cette agence de communication ose clamer que " esthétique et handicap " font bon ménage. Un mariage inédit, ... E&H Lab est l'uvre de Deza Nguembock, une " handicapée " devenue " femme ". Son concept saigne à blanc nos préjugés...